En France, l'environnement risque d'être noyé dans un "super-ministère"
Par Anne CHAON "chopé par Cat'o'ropamavoa"
PARIS (AFP) - La perspective d'un "super-ministère" du développement durable, regroupant au moins les transports, l'énergie et l'écologie, inquiète les défenseurs de l'environnement qui redoutent un effet de "dilution" de l'action et des arbitrages en leur défaveur.
Tel que proposé par le candidat Nicolas Sarkozy lors de sa campagne, ce ministère pourrait devenir celui du changement climatique et de la lutte contre l'effet de serre, a estimé Nathalie Kosciusko-Morizet, député de l'Essonne et "Madame environnement" au sein de l'UMP, le parti du nouveau président.
Le mastodonte institutionnel encore en gestation, que la rumeur attribue à l'ancien Premier ministre Alain Juppé, pourrait s'élargir à l'aménagement du territoire, peut-être au logement (un important gisement d'économies de gaz à effet de serre) ou même à l'agriculture.
Tout en se défendant d'un quelconque "procès d'intention", la fédération France Nature Environnement (FNE, plus de 3.000 associations) émet des "réserves" : "Nous qui étions les interlocuteurs traditionnels du ministère, craignons surtout un risque de dilution de l'administration de l'écologie : on ne va plus s'y retrouver ni rien y voir", confie Arnaud Gossement, le porte-parole de la FNE.
"L'écologie n'aura plus de budget propre, la biodiversité risque d'y perdre, la protection des espaces naturels aussi, poursuit-il. Contrairement aux transports et à l'énergie, l'environnement n'a pas de grand corps d'Etat : les deux autres feront prévaloir leurs priorités sur l'écologie, les arbitrages à l'intérieur de ce grand ministère leur seront encore plus favorables qu'ils ne le sont déjà."
Corinne Lepage, avocate et ancienne ministre de l'Environnement sous Juppé (1995-1997), avance que "les gens qui viennent de l'environnement n'auront aucun moyen de s'opposer aux (diplômés des) Mines ou aux Ponts", les prestigieuses écoles d'ingénieurs qui alimentent la haute fonction publique.
Pour Serge Lepeltier, ancien ministre de l'Ecologie du gouvernement Raffarin (2004-2005), le risque de "dilution" est également la première "inquiétude" exprimée. Mais, assure-t-il, "pour que ça bouge dans l'écologie, il faut surtout que le président et le Premier ministre soient imprégnés".
Outre l'aspect institutionnel de la réforme, l'ONG Agir pour l'environnement s'interroge sur les "moyens budgétaires et humains" : "On va rester vigilant tout l'été sur la ligne budgétaire dévolue à l'écologie", prévient son porte-parole Stephen Kerckhove.
Pour autant, la situation actuelle ne satisfait personne et la plupart des ministres ont quitté leurs fonctions avec un sentiment de frustration voire de gâchis.
"Je n'avais aucun poids, aucune priorité dans un gouvernement que l'environnement n'intéressait pas. Et je me suis heurtée au poids considérable des lobbies agricole, automobile, pétrolier ou même d'EDF", se souvient Corinne Lepage, qui défendit à l'époque l'interdiction de certains pesticides et une loi sur la qualité de l'air.
Ce qui montre bien, estime Nathalie Kosciusko-Morizet, que "la question n'est pas celle du budget, du nom ou de la taille du ministère". C'est précisément "en le regroupant sous un même chapeau avec l'énergie et les transports, qu'on a une chance d'intéresser les grands corps d'Etat à l'environnement et ainsi de les acculturer", espère celle à qui la rumeur - qu'elle balaie d'une main, mais en souriant - prête aussi un rôle dans le futur gouvernement, éventuellement aux côtés de M. Juppé.
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