De nombreux électeurs ont refusé de choisir entre une politique libérale et atlantiste incarnée par Nicolas Sarkozy et une politique de « l’ordre juste » mis à toutes les sauces mais sans contenu réel, incarnée par Ségolène Royal.
L’absence d’élection à la proportionnelle écarte déjà de toute représentation parlementaire plusieurs millions d’électeurs mais nos institutions ne s’honorent pas non plus à ignorer le vote blanc qui n’est pas une abstention.
Dans une démocratie, l’exercice du droit de vote est un acte civique de la plus haute importance car il traduit l’engagement politique de chaque électeur.
Apparu à l’époque où l’électeur écrivait le nom de son candidat sur le bulletin de vote, le bulletin blanc exprimait tout naturellement le non choix. Il fut pris en compte jusqu’en 1852, année du décret qui le considère comme vote nul.
Aujourd’hui, de nombreux citoyens, ne trouvant pas leur bonheur dans l’offre politique, se déplacent néanmoins au bureau de vote en votant blanc. En plus de l’abstention traditionnelle, en particulier à d’autres élections que la présidentielle, l’expression des électeurs s’est diversifiée et l’affrontement bipolaire tend à s’atténuer au profit de choix plus relatifs, le taux de votes blancs ou nuls, traduisant l’état de doute de l’opinion.
Les motivations de vote de l’électeur « blanc » ne sont ni le désintérêt ni le manque d’information mais avant tout le refus des candidats en présence et l’hostilité à la politique proposée. Il n’y a donc aucune raison de considérer un bulletin blanc comme un bulletin nul.
Or, l’article L. 66 du code électoral assimile fâcheusement les bulletins blancs aux bulletins nuls. Cette confusion, née à l’origine de la volonté du législateur, ne recouvre plus, ou très partiellement, la réalité électorale actuelle. Il est d’ailleurs intéressant de souligner que les dispositions de la loi du 30 décembre 1988 relatives aux machines à voter prévoient l’enregistrement et la totalisation du vote blanc ! Comme si le législateur, une fois n’était pas coutume, avait anticipé sur les évolutions de l’opinion publique et de ses demandes.
Un sondage réalisé par l’IFOP permet de mesurer les attentes des électeurs sur cette question : 7 % des Français (soit 3 millions de personnes) déclarent avoir souvent voté blanc ou nul, 13 % quelquefois, et 16 % très rarement. La reconnaissance du vote blanc rencontre la faveur d’environ 60 % des personnes consultées. Ce sont surtout les jeunes électeurs qui se prononcent en ce sens (75 % chez les moins de 35 ans, 86 % chez les cadres supérieurs et professions libérales). Enfin, quelle que soit l’orientation politique des personnes interrogées, une majorité se prononce en ce sens, à gauche ou à droite.
Devant l’ampleur de ce malaise politique, la question posée est donc claire : vaut-il mieux reconnaître le vote blanc comme exutoire civique et élargir ainsi l’offre politique, ou encourager une expression protestataire nettement plus périlleuse pour la démocratie ?
Les arguments ne manquent pas pour justifier la comptabilisation des votes blancs en nombre de suffrages exprimés car il s’agit d’une demande formulée par les citoyens eux-mêmes et c’est une question essentielle sur le plan politique. Mais cette réforme verra t-elle enfin le jour ?
Le nouveau président de la République, Nicolas Sarkozy ne semble pas avoir un tel projet politique dans ses cartons, plus préoccupé d’ouvrir d’autres chantiers tels que la suppression totale des droits de succession ou une nouvelle baisse de l’impôt sur le revenu pour le plus grand bonheur des plus fortunés et au détriment de l’ensemble des salariés qui verront une nouvelle fois augmenter les impôts indirects de toute sorte…
Quant au PS, en page 63 de son petit opuscule « Réussir ensemble le changement », il affirme vouloir « reconnaître la prise en compte séparée des bulletins blancs, pour une démocratie plus directe ». Mais lors de la primaire interne du 16 novembre dernier, relative au choix du candidat pour la Présidentielle 2007, aucun bulletin blanc n’avait été mis à la disposition des adhérents socialistes. Seuls 1145 militants courageux avaient toutefois trouvé le moyen de voter blanc pour pouvoir s’exprimer comme ils l’entendaient…
La reconnaissance du vote blanc en tant que suffrage exprimé est une nécessité pour la démocratie et la défense des droits des citoyens et les craintes exprimées, ici ou là, par les tenants d’un certain conservatisme, sont le plus souvent excessives.
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