LE MONDE | 14.05.07 | 14h46 • Mis à jour le 14.05.07 | 14h46
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a victoire de Nicolas Sarkozy pose des questions dans de nombreuses rédactions. En cause, les amitiés entretenues par le nouveau président de la République avec des hommes d'affaires présents dans les médias comme Arnaud Lagardère, dirigeant du groupe du même nom (Elle, Paris Match, Journal du dimanche, Europe 1...), Serge Dassault, propriétaire du Figaro, Alain Minc, président du conseil de surveillance du Monde, Martin Bouygues, propriétaire de TF1, Vincent Bolloré (Matin plus, Direct 8), ou Bernard Arnault, propriétaire de La Tribune...
Avant même l'épisode du retrait de l'article sur le vote de Cécilia Sarkozy, des journalistes du JDD avaient fait part de leur inquiétude. "Ce serait bien de rappeler les principes d'indépendance et de non interventionnisme", déclarait ainsi au Monde un journaliste interrogé avant que cette affaire soit révélée. "Des pressions il y a en a, les coups de téléphone du samedi matin, du samedi soir, venant souvent de la direction du groupe", confirme un salarié.
Les inquiétudes sont vives également chez Lagardère Active, Arnaud Lagardère (actionnaire du Monde) présentant Nicolas Sarkozy comme son "frère". La société des journalistes de Paris-Match a rappelé, le 4 mai, que "la responsabilité vis-à-vis des lecteurs est (notre) seul guide". " Cet impératif prime sur tous les autres, en particulier, sur d'éventuelles tentatives de l'actionnaire majoritaire, des politiques, des annonceurs ou des pouvoirs publics de faire pression sur le contenu".
Cette prise de position intervient après qu'une partie de la rédaction eut manifesté son désaccord en découvrant le projet de couverture du numéro du 25 avril, après le premier tour de l'élection, montrant Nicolas Sarkozy enlaçant son fils Louis. Une délégation de journalistes avait alors rencontré Olivier Royant, directeur de la rédaction de l'hebdomadaire, et Christian de Villeneuve, directeur général des rédactions du pôle magazines du groupe Lagardère, pour leur faire part de leur désapprobation, mettant en avant que Paris Match n'a quasiment jamais fait sa Une sur un candidat entre les deux tours de la présidentielle, à l'exception de 2002. C'est finalement le comédien Jean-Pierre Cassel, qui venait de mourir, qui a eu droit à la couverture, Nicolas Sarkozy exigeant que la photo de son fils soit floutée. Il y a un an, Alain Genestar, directeur général de la rédaction, avait été licencié pour avoir publié en une, le 25 août 2005, une photo de Cécilia Sarkozy au côté du publicitaire Richard Attias.
L'ambiance est tendue également à Europe 1, plusieurs journalistes reprochant une "trop grande proximité" du PDG Jean-Pierre Elkabbach avec le pouvoir. A ces inquiétudes, une porte-parole de Lagardère Active répond : "les maîtres mots dans les rédactions sont l'indépendance éditoriale, l'équilibre et le professionnalisme".
"Tous les journalistes sont attentifs souligne François Malye, président du Forum permanent des sociétés de journalistes, qui regroupe les sociétés de 25 rédactions. Nicolas Sarkozy a montré qu'il aimait contrôler les choses. Actuellement, les journalistes ont tendance à se montrer moins résistants, et les journaux ne sont globalement pas en très bonne santé économique. L'inquiétude de fond est que les perquisitions, les instructions, les interrogatoires... deviennent la routine". M. Malye fait référence à la tentative de perquisition au Canard Enchaîné, vendredi 11 mai. Le Forum "condamne ce type d'action dont le seul but est d'identifier les informateurs des journalistes, alors que le secret des sources est l'un des principes fondamentaux de l'exercice du métier de journaliste".
Dans son dernier livre Une campagne off (Albin Michel, 18 euros), Daniel Carton rapporte une conversation de Nicolas Sarkozy avec la direction du Figaro Magazine, lors d'un déjeuner. "Je sais déjà ce que je ferai sitôt à l'Elysée : je m'occuperai personnellement de Jean-François Kahn (président de Marianne)", aurait, selon l'auteur, déclaré Nicolas Sarkozy. Pendant la campagne, l'hebdomadaire a publié un numéro spécial diffusé à 500 000 exemplaires et titré : "Le vrai Sarkozy, ce que les grands médias ne veulent pas où n'osent pas dévoiler".. La direction de Marianne réagit sereinement. "Nous n'avons aucune crainte particulière, nous ne faisons pas de procès d'intention, explique Maurice Szafran, directeur du journal. En revanche, le traitement de l'élection par le groupe Hachette m'a frappé car ce n'est pas sa tradition. La campagne de Sarkozy vue par Match relève de la presse soviétique des années 1950, dans les légendes, les façons de titrer".
Du côté de France Télévisions, la société des journalistes se souvient de la colère de Nicolas Sarkozy sur le plateau de France 3, le 28 mars, qualifiant de "malhonnête" un reportage sur la fabrication des passeports biométriques. Le retour à l'antenne de Béatrice Schönberg, la présentatrice des JT du week-end de France 2, pose aussi des questions au sein de la rédaction.
Prévu le 18 mai, ce retour coïncide avec l'annonce du nouveau gouvernement dans lequel devrait figurer en bonne place son mari Jean-Louis Borloo.
Pascale Santi
Article paru dans l'édition du 15.05.07.
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