Faut-il tolérer le ministère Hortefeux qui rique de générer un nationalisme d’Etat et une xénophobie de gouvernement, deux fléaux combattus par le Conseil de l’Europe? "Libération" relance le débat avec des historiens qui font circuler une pétition internationale.
Quand les démocrates dignes de leurs valeurs sont intrinsèquement « sarko-incompatibles »... Oui à la pétition internationale lancée contre le ministère Hortefeux : tenir la promesse d’une mauvaise action n’est pas une bonne action. La légitimité du suffrage universel ne légitime pas tout...
Une politique de régulation de l’immigration ? Evidemment. Dans le respect des engagements internationaux de la France (droit d’asile, statut des réfugiés...) et dans le respect des droits de l’homme. En s’attaquant aux vraies causes de l’immigration clandestine, ce fléau qui fait la fortune de réseaux de trafiquants et d’employeurs esclavagistes, donc aux coupables et non aux victimes. Et en mettant sur rails une politique active de codéveloppement en vraie rupture avec les pratiques éhontées de la « Françafrique »...
Une politique d’ « intégration nationale », de façon à engendrer un « vivre ensemble « plus harmonieux, à favoriser l’adaptation à nos lois et à nos mœurs des accueillis depuis longtemps ou des nouveaux arrivants ? Evidemment.
Des règles "utiles et justes" pour accorder la nationalité française ? Evidemment.
Avec des critères d’aujourd’hui, et non des réflexes hérités de législations mal « nettoyées » (raciales, racialistes, racistes ou xénophobes) de temps qui ont fait la honte de la France. Avec ces exigences de droits et de devoirs sans lesquels la « carte d’identité » n’est qu’un tatouage administratif souvent coloré par une dose d’arbitraire.
Mais un « ministère » qui lie « immigration » et « identité nationale » ? Non.
Non, en raison de la force symbolique (négative pour tout esprit soucieux d’humanisme et d’humanité) de ce lien.
Non, aussi, parce que le fait de confier la codification d’une identité nationale à un organisme d’Etat traduit une conception chargée de « vents mauvais », comme disait Pétain avant d’être pris dans la tornade vichyste.
Ce n’est pas à l’Etat de définir l’identité nationale, qui n’est ni unique ni figée. Du moins ce n’est pas à un Etat démocratique de le faire.
D’ailleurs, associer « immigration » et « identité nationale » dans un ministère n’a jamais eu de précédent dans notre République pourtant souvent secouée par des transgressions populistes et bureaucratico-arbitraires.
Par ce qui se veut un acte fondateur de la présidence sarkozienne, la France inscrit l’immigration non comme un « problème » à régler mais comme une force « ennemie », un bouc émissaire, comme un exutoire. France, terre des droits de l’homme ? A démontrer. France, terre d’accueil ? A prouver. France digne de ses valeurs ? Restons sérieux... Ou redevenons-le !
Le péril n’est pas que dans des têtes d’intellectuels dénigrées avec une imbécillité populiste par le Président et son ami Hortefeux : il est réel. Car personne ne peut dire de quoi demain sera fait. Et car la morale politique (il s’agit aussi de cela) risque d’ouvrir une nouvelle page de notre histoire, celle d’un nationalisme d’Etat et d’une xénophobie de gouvernement tendant à stigmatiser l’étranger comme un problème existentiel et une menace réelle pour l’intégrité ou l’identité nationale. Revoici sous une autre forme le « parti de l’étranger ». Et « l’ennemi de l’intérieur »... Allô, Kouchner ?
Pour les démocrates soucieux d’approfondir sans cesse la démocratie et de la protéger avec vigilance de tout ce qui peut altérer ce bien précieux qui, comme la liberté selon Voltaire, « permet de jouir de tous les autres biens », il est clair que ce ministère Hortefeux constitue plus qu’une tache, plus qu’une maladresse, plus qu’une erreur. C’est une faute majeure. Et scandaleuse ! Contraire à l’esprit des valeurs du Conseil de l’Europe (qui parle d’ailleurs de "migrations" et non "d’immigrations"). A l’opposé des actions préconisées par le même Conseil de l’Europe pour enrayer les tentations de la xénophobie de gouvernement et le nationalisme d’Etat.
Sarkozy, qui dit adorer et savourer la « transgression », est trop réaliste pour ne pas en avoir conscience. Il l’avait promis, il l’a fait. Soit. Et alors ? Tenir la promesse d’une action mauvaise n’a jamais constitué une bonne action. Même avec cette légitimité du suffrage universel qui... ne légitime pas tout, surtout pas ce qui altère les fondations les plus belles de... l’identité nationale ! Une affaire de principes (républicains) de valeurs (démocratiques) et de bon sens. Une question qui rend « sarko-incompatibles » les esprits les plus fidèles au « principe d’humanité ».
Un espoir : que les pétitions internationales lancées sur cette question et traitées par le mépris au sommet de l’Etat recueillent le maximum de signatures. « Veilleur, où en est la nuit ? »...
Daniel RIOT
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Nicolas A. Monsiau - L’abolition de l’esclavage proclamée à la Convention le 16 pluviôse an II
Dessin à la plume rehaussé de gouache - Musée Carnavalet, Paris
Non au ministère de l’Immigration et de l’Identité nationale
Comme l’ont souligné les historiens démissionnaires des instances officielles de la Cité nationale de l’histoire de l’immigration, associer « immigration » et « identité nationale » dans un ministère n’a jamais eu de précédent dans l’histoire de la République : c’est, par un acte fondateur de cette présidence, inscrire l’immigration comme « problème » pour la France et les Français dans leur « être » même.
En tant que citoyens, ce rapprochement nous inquiète car il ne peut que renforcer les préjugés négatifs à l’égard des immigrés. De notre point de vue, l’identité nationale constitue, aujourd’hui, une synthèse du pluralisme et de la diversité des populations et ne saurait être fixée dans le périmètre d’un ministère.
Le décret du 31 mai 2007 qui définit les compétences de ce nouveau ministère montre, de surcroît, que les effets institutionnels dépassent la seule question de sa dénomination. Ainsi, ce ministère, qui détient en priorité des pouvoirs de police et de contrôle, est aussi chargé de « promouvoir l’identité nationale » et de définir « une politique de la mémoire » dans le domaine de l’immigration. Il dispose d’une autorité complète et nouvelle sur l’asile politique et d’une autorité partagée sur une multitude d’administrations, y compris sur la « direction de la mémoire, du patrimoine et des archives » du ministère de la Défense.
Cette confusion des rôles et des fonctions est inadmissible et inquiétante. Nous protestons énergiquement contre la dénomination et les pouvoirs dévolus à ce ministère et demandons solennellement au président de la République de revenir à des choix plus conformes aux traditions démocratiques de la République française.
par Daniel RIOT
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