04/06/2007

A Rostock, les altermondialistes débordés par le « bloc noir »

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es heurts entre policiers et manifestants ont fait près de 1 000 blessés samedi.

Jamais l’Allemagne n’avait vu un tel déferlement de violences depuis les grandes marches des années 80 contre la politique de Reagan... Le bilan de la manifestation de Rostock, où va se tenir le G8 le sommet des huit pays les plus puissants à partir de mercredi, est lourd. Près de 450 policiers blessés, dont 35 sérieusement. 520 blessés du côté des manifestants. Des dizaines d’arrestations. Les dégâts matériels sont importants. Les autorités craignent de nouvelles violences avec en tête le spectre du G8 de Gênes (Italie) en 2001, lors duquel un manifestant avait été tué par la police. Quelque 16 000 policiers ont été déployés pour assurer la sécurité de l’événement et des manifestations qui l’entourent. Heiligendamm, petite localité sur les bords de la Baltique où se réuniront à partir de mercredi George Bush, Nicolas Sarkozy, Angela Merkel et les autres, a été transformée en camp retranché : totalement coupée du monde, la minuscule station balnéaire est entourée d’une clôture de près de 12 km de long, hérissée de barbelés. Par la mer, tout accès non autorisé est également impossible, grâce à un filet flottant.

Bière. Armés de pavés arrachés aux trottoirs et de milliers de bouteilles de bière, auparavant vidées, quelque 2 000 manifestants violents ont terni samedi l’image des deux défilés pacifiques et colorés qui, partis des deux extrémités de la ville, devaient converger vers le port vers 16 heures. Le défilé organisé à l’appel du manifeste Un autre monde est possible était beaucoup moins important que prévu. Les organisateurs tablaient sur 100 000 participants. La foule ne compte finalement que 30 000 (selon la police) à 80 000 personnes (selon les organisateurs). La manifestation a dégénéré en milieu d’après-midi en bataille rangée entre forces de l’ordre et jeunes du « bloc noir ».

Vêtus de noir, cagoulés, le visage caché par un foulard noir et de lunettes de soleil, ils ont entre 20 et 30 ans, et viennent pour la plupart de Berlin et de Hambourg. Le look est soigné : rangers noirs à lacets rouges, bracelets de tissu signalant comme un trophée la participation à des manifestations antiglobalisation de 2005 ou 2006... Organisés en « unités » de potes reliées entre elles par portables, ils traînent dans les mêmes cafés associatifs, vivent, généralement de l’aide sociale, dans les mêmes logements autrefois squattés et entre-temps plus ou moins cédés par la municipalité dans les quartiers de Kreuzberg, ou Friedrichshain à Berlin. Déjà, dans le train qui les mène à Rostock, il est clair qu’ils sont là pour en découdre avec leur ennemi naturel, die Bullen (« les taureaux », en argot, les flics). Leurs revendications politiques semblent assez rudimentaires (« tout, pour tous, et gratuit ! »), scandent-ils à peine débarqués à la gare de Rostock avant d’entonner l’Internationale.

Tadzio, un étudiant berlinois de 30 ans, est venu à la politique par la mondialisation. « On dit qu’il faut lire quelques livres pour se faire son opinion politique. Peut-être... La protestation, c’est différent, il faut la sentir. » Il y a huit ans, il était à « la bataille de Seattle » , la première bataille rangée contre la globalisation, à l’occasion du sommet du WTO. A Seattle, il rencontre d’autres jeunes qui comme lui ressentent la même rage. Ensemble, ils comprennent qu’ils peuvent devenir ce grain de sable qui enraye la machine. « Ça a été le point de départ. Depuis, j’ai lu ce qu’il fallait lire pour comprendre le monde. »

Prudemment. Les habitants de Rostock votent massivement pour le NPD (l’extrême droite néonazie) ou les néocommunistes. Un monde les sépare de ces jeunes Wessis (le nom donné à l’Est aux habitants d’ex- RFA) qui n’ont pas connu la dictature et se moquent sans ménagement des « inquiétudes petites-bourgeoises » des habitants. Ces derniers suivent prudemment la pagaille depuis leur fenêtre. 60 % des commerces sont restés fermés ce samedi à Rostock, beaucoup ont été barricadés à l’aide de planches grossièrement clouées. Les organisateurs de la protestation entendent cependant ne rien changer à leur programme : un millier de personnes prendront part à partir de mardi à Rostock à un « sommet alternatif » au G8. A travers ateliers de réflexion et conférences, les participants entendent « critiquer, mais aussi proposer », afin que la mondialisation cesse « de produire très peu de gagnants pour un grand nombre de perdants ».




De : Nathalie VERSIEUX

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