17/06/2007

Sécurité : bilan réel de monsieur Sarkozy

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A l’heure des prospections sur les mesures proposées pour demain, personne, ni les politiques, ni les journalistes (ce qui est plus étonnant), n’a cherché à ouvrir le débat sur la réalité du bilan du président de la République alors qu’il était ministre de l’Intérieur.



La censure existe-t-elle en France ?
Oui. Sans nul doute. C’est maintenant une certitude.

Il est interdit de parler de la réalité du bilan de monsieur Sarkozy et de la réalité de l’ordre intérieur en France


Mieux, l’argument de la sécurité publique, en tête d’affiche lors de la campagne présidentielle, fait l’objet en cette période d’élections législatives d’un silence assourdissant.

Cela fait maintenant deux mois et demi que j’ai établi en conclusion du livre "Métier de Chien. Lettres à Nicolas", par la simple comparaison des chiffres vérifiables sur le site du ministère de l’Intérieur, que le bilan de la précédente législature, présenté par monsieur Sarkozy est plus que contestable. Cela dans un vide sidéral à part quelques sites internet.

J’aurais fait la même chose si c’était l’opposition qui avait présenté son bilan de manière aussi discutable.

L’information vérifiée, recoupée, est toujours la base du débat qui permet la démocratie. C’est aussi elle qui permet d’aller voter en connaissance de cause.


La vérité aujourd’hui c’est que la paix publique n’est pas assurée dans certaines zones de France. C’est aussi que le fossé se creuse, et pas seulement dans le département de Seine-saint-Denis, entre Ppolice et population. Je l’avais écrit plus de huit semaines avant la "fameuse" polémique.

De ce point de vue-là, qui peut affirmer que Nicolas Sarkozy n’a pas échoué ?

Le "culte" des chiffres est sans doute une des raisons de l’inéquation de cette politique, car ce n’est pas ainsi que se pratique une police républicaine.

Des chiffres qui, eux aussi, malgré l’assurance du président de la République lorsqu’il était ministre de l’Intérieur, sont sujets à caution.

"Un million de victimes épargnées grâce à lui". Il l’a répété lors du débat avec Ségolène Royal et c’était déjà son argumentation le 11 janvier 2007 lors de la présentation de son bilan.
Le total avancé est très exactement de 1 153 000.
La réalité est autre. Fin 2001, le nombre d’infractions constatées est de 4 061 792. Fin 2006 il est de 3 725 588. La soustraction est simple. Il y a eu une baisse constante, réelle, mais "seulement" de 336 204 faits constatés en moins. Soit autant de victimes "potentielles" épargnées. C’est plus de trois fois moins que la barre symbolique et médiatique du million annoncé. Ce bilan est donc faux. Il n’est qu’une projection pour le moins fantaisiste.

Je ne vais pas faire un long exposé sur cette baisse. Elle n’est malgré tout pas neutre. Mais dans la matière, les résultats sont toujours sujets à caution. La baisse peut être autant due à l’activité réelle de la police et de la gendarmerie qu’à des raisons conjoncturelles, comme le montre la tendance en Europe, ou à une méthodologie d’enregistrement des plaintes. Les techniques de baisse artificielle sont nombreuses : refus de plainte pour des motifs divers (défaut de facture d’objets volés, de certificat médical pour les violences pour ne parler que de cela), délais d’attente dans les commissariats, enregistrement de délits sur de simples main courantes, passage de petits délits dans la zone contraventionnelle de "l’Etat 4001", non prise en compte des plaintes déposées directement auprès des procureurs de la République... Les "astuces" sont nombreuses pour éroder les chiffres bruts. N’importe quel policier, quel que soit le grade, les connaît.

Monsieur Sarkozy déclarait, de plus, que l’outil statistique n’a pas changé depuis 2001. Il est incontestable que c’est totalement faux en matière de calcul des d’affaires élucidées. Jusqu’en 2003, il était admis dans les argumentations successives du ministère de l’Intérieur que ce taux pouvait friser les 100 % pour certaines catégories d’infractions. Soit. Depuis 2004 ce n’est plus le cas. Pour des raisons inédites de "décalage" d’une année sur l’autre, il est désormais possible d’élucider plus d’affaires que celles constatées. Ce n’est pas neutre puisqu’en trois ans, pour prendre un domaine que je connais bien, cela a permis de résoudre 22 103 affaires de stupéfiants de plus que celles découvertes par l’activité des services de police et de gendarmerie...

Une catégorie d’infractions pour laquelle un autre chiffre est passé sous silence. Un résultat qui est loin d’être neutre. Le nombre d’infractions à la législation sur les stupéfiants est en effet passé de 91 618 en 2001 à 151 487 en 2006. Soit 39,52 % d’augmentation.

Un constat qui peut tout à la fois être argumenté comme dû à une meilleure efficacité de la police au sens large, mais aussi comme un constat d’échec dans ce domaine. Encore aurait-il fallu qu’il soit débattu à l’heure où en particulier la cocaïne devient aussi facile à trouver dans les grandes agglomérations que les dérivés du cannabis...

Il n’y aura pas de débat à moins que chacun n’exige, aux journalistes, aux femmes et hommes politiques que les derniers débats électoraux ne posent des questions sur cette manipulation des chiffres.

Cela voudra dire, simplement, qu’une victoire politique totale peut se construire en partie sur un discours qui n’a pas de réalité. Sur de la pure propagande à propos d’un sujet électoral majeur.

Cela signifiera aussi que le slogan inscrit par monsieur Sarkozy, en bas de chaque page de son communiqué de presse contestable en tant que ministre de l’Intérieur, va pouvoir devenir une règle.

"Seul le prononcé fait foi".

La réalité n’a aucune importance. Personne ne vérifie. Personne ne débat.

La vraie question devient alors : "Est-ce que tout le monde s’en moque ?"

Et si oui.

"Pourquoi ?"

La République dans laquelle vont grandir nos enfants, dans laquelle nous allons devoir vivre, quelle que soit l’orientation politique de son gouvernement, ne peut s’appuyer sur le mensonge. Encore moins sur la censure.

Alors j’insiste.

Et j’invite chacun à relayer ce message. Auprès de vos listes de diffusion, des médias de toute nature, des journalistes et des personnalités politiques.

Une sorte de baroud d’honneur qui dépasse les discours.

Etre démocrate, de droite ou de gauche, c’est d’abord exiger de connaitre la réalité au-delà des slogans.

PS : tous les chiffres cités ici sont disponibles et vérifiables sur le site internet du ministère de l’Intérieur dans la rubrique "statistiques".

agoravox

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