12/07/2007

Bruxelles, l'autre son de ...cloche?

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Sarkozy: «Je ne vous permets pas de me parler comme ça»
REUTERS
L’Europe adore Sarkozy ? C’est le message qu’il a fait passer après s’être invité lundi à la réunion des ministres des Finances de l’Eurogroupe. La réalité est toute autre. Le président de la République s’est même fait remonter les bretelles. Enquête.
Par Jean Quatremer
LIBERATION.FR : jeudi 12 juillet 2007
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Que s’est-il réellement passé lundi soir à Bruxelles lors de la rencontre entre Nicolas Sarkozy et les douze ministres des finances de la zone euro ? Le Président de la République, lors de la conférence de presse qu’il a tenu vers 20h15, en compagnie de Jean-Claude Juncker, le président de l’Eurogroupe et Premier ministre du Luxembourg, a affirmé que tout s’était bien passé –« il y a eu un consensus assez général de satisfaction » - et que ses partenaires lui avaient donné quitus pour sa politique économique. Les médias français, à la différence des journaux étrangers, ont globalement répercuté ce message. Or, la réalité est un tantinet différente. « Le visiteur du soir », comme l’a appelé ironiquement Juncker, s’est fait au contraire sérieusement sermonner par l’ensemble des ministres des finances présents, sans égard pour son rang, et il a dû prendre toute une série d’engagements pour les rassurer.
« Nicolas Sarkozy ne s’attendait manifestement pas à cette levée de boucliers », raconte un témoin : « cela a été un feu nourri contre la France. Tous les ministres se sont exprimés pour lui dire leur inquiétude ». Un accrochage tendu a même eu lieu avec Peer Steinbruck, le grand argentier allemand, furieux de voir la France distribuer treize milliards de cadeaux fiscaux et renvoyer l’équilibre des comptes publics à 2012, à la fin du quinquennat, alors que les treize pays de la zone euro se sont engagés en avril dernier sur la date de 2010.

Le ministre l’a dit sans fioriture, comme à son habitude, mettant en doute la volonté de Sarkozy d’accomplir de vraies réformes structurelles seules susceptibles de combler le trou des finances publiques. Surpris par la violence du ton –qu’un germanophone attribue surtout à l’interprétation-, le chef de l’Etat lui a rétorqué : « Je ne vous permets pas de me parler comme ça ».

Ambiance. L’Italien Tomasso Padoa-Schioppa, qui est déjà sous la pression d’une partie de sa coalition pour relâcher les efforts budgétaires, lui a aussi fait remarquer qu’il fallait tenir le cap sinon la tâche des autres pays n’allait pas être facilitée…

« Nicolas Sarkozy a du lâcher du lest alors qu’il ne comptait manifestement pas le faire », poursuit ce témoin. Ainsi, il a dû s’engager à ramener le déficit à « moins de 2,4% en 2008 », c’est-à-dire moins qu’en 2007, alors qu’il aurait dû atteindre 2,7% ou 2,8% sans mesure correctrice. De même, il présentera dès septembre un « programme de stabilité » rectifié, quatre mois avant la date prévue, dans lequel il listera toutes les réformes structurelles promises. Enfin, il a promis qu’il ferait tous les efforts possibles pour arriver en 2010 à l’équilibre budgétaire et qu’il affecterait toutes les recettes fiscales supplémentaires à la réduction du déficit.

Une relecture attentive des propos tenus lors de la conférence de presse montre d’ailleurs que Jean-Claude Juncker, en dépit des démonstrations d’affection qu’il a eu pour Sarkozy, n’a rien cédé sur le fond. En particulier, il n’a jamais parlé d’un report à 2012 : « Nous avons retenu son engagement et celui du gouvernement de tout faire pour arriver à l'objectif de 2010 ». Peer Steinbruck a dit exactement la même chose à l’issue de l’Eurogroupe : « Nous assumons que la France peut atteindre l'objectif approuvé, en 2010 ». Ce qui n’a pas empêché Sarkozy d’affirmer que la date de 2012 n’avait pas effarouché l’Eurogroupe : « Si le seuil psychologique de confiance que nous créons permettait d'avoir une croissance supérieure, alors nous pourrions être au rendez-vous de 2010. Nous ferons tous nos efforts pour cela mais je me devais d'être réaliste, d'être honnête, d'être transparent. Si nous n'y arrivons pas, alors je demanderai à être au rendez-vous de 2012. 2012 n'est pas une date invraisemblable puisque c'est une date qui a été fixée par l'ensemble des ministres des Finances. Voilà très exactement le débat que nous avons eu ».

Curieusement, c’est seulement ce message qui a été retenu en France. François Fillon, le chef du gouvernement, l’a d’ailleurs bien compris ainsi lorsqu’au lendemain de l’Eurogroupe il a affirmé que « notre objectif est très clair, on a dit qu'on reviendrait à l'équilibre en 2012. Si on peut aller plus vite, on ira plus vite, mais notre contrat avec les Français, c'est 2012 ».

Jean-Claude Juncker a pour sa part enfoncé le clou mercredi devant le Parlement européen : « Jamais il ne fut question d’y être en 2012 ». « Nous applaudissons des deux mains le train de réformes qui est engagé – puisqu’il s’agit de réformes structurelles – par le Président et le gouvernement français, mais nous insistons sur notre exigence que la France, comme les autres États membres de la zone Euro, doit être au rendez-vous du moyen terme au 1er janvier 2010 ». Bref, encore une fois, Nicolas Sarkozy a parfaitement maîtrisé sa communication.

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