08/08/2007

Aux Baumettes, la folie reste derrière les barreaux

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Justice . L’OIPdénonce l’incarcération préventive, depuis plus d’un an, d’un malade mental profond à la maison d’arrêt de Marseille.

Denis (1) a cinquante-cinq ans. En avril 2003, un expert psychiatre avait été sollicité en vue de son placement sous protection juridique. L’expert constatait que, « consécutivement à une hémorragie cérébrale néonatale, sa pensée est ralentie, pauvre, rudimentaire, lui interdisant tout raisonnement logique, toute possibilité d’abs- traction, de conceptualisation… Il présente une débilité profonde… Son quotient intellectuel est voisin de 30… Il a besoin de tutelle et de surveillance ». Il recommandait une protection continue et signalait de nombreuses séquelles physiques qui ne permettaient qu’un périmètre de déplacement limité.

Pourtant, en juin 2006,

Denis est incarcéré aux Baumettes, en détention préventive, pour des faits qui devraient relever de la cor- - rec- tionnelle. L’instruction du dossier est toujours en cours. Un autre expert estime alors que « l’infraction constatée est en relation directe avec la pathologie mentale » dont il est atteint. « Il n’est pas accessible à une sanction pénale » et « doit faire l’objet d’une hospitalisation d’office dans un établissement psychiatrique, et ceci rapidement », ajoute-t-il. Mais Denis reste en prison.

Une contre-expertise juge son discernement seulement « altéré » et l’homme accessible à la sanction pénale, mais remarque aussi qu’il « pourrait être utilement orienté vers une institution adaptée, telle une maison de retraite, de manière à le soustraire aux situations exposées ». Denis est toujours aux Baumettes.

Il ne sort jamais en promenade, il a perdu du poids et se déplace de moins en moins bien. Quand il peut disposer d’une des cinq chambres dont dispose l’unité de consultation et de soins ambulatoires, les infirmières peuvent s’en occuper quotidiennement et lui faire pren- dre une douche une fois par semaine. Mais, comme il n’est pas « le plus mal loti » des prisonniers, il n’en dispose pas régulièrement et, relégué aux étages supérieurs de la prison, ne bénéficie pas du suivi nécessaire à son hygiène.

Le juge d’instruction a rejeté deux demandes de remise en liberté parce qu’elles ne présentaient pas les garanties de sécurité nécessaires et qu’il n’y avait eu « aucune proposition alternative à la détention ». L’Observatoire international des prisons (OIP), qui s’inquiète de la tendance récurrente à incarcérer les débiles profonds, rappelle que « la détention d’une personne malade dans des conditions inadéquates peut, en principe, constituer un traitement inhumain et dégradant », selon la Cour européenne des droits de l’hom- me qui a déjà condamné la France pour ce genre de faits.

(1) Le prénom a été modifié.

Émilie Rive


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