09/08/2007

Bové réponds à la FNSEA qui l'accuse d'obscurantisme

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«Présenter les arracheurs comme des obscurantistes, c’est de la propagande»
José Bové, leader emblématique du mouvement des faucheurs volontaires :
Par CHRISTIAN LOSSON/LIBERATION
QUOTIDIEN : jeudi 9 août 2007

José Bové est chef de file des faucheurs volontaires et porte-parole de l’organisation paysanne internationale Via Campesina.

Vous sentez-vous en partie responsable du suicide du paysan qui cultivait des OGM ?
Ce drame, que je déplore, est surtout l’occasion d’une instrumentalisation pour nous diaboliser et mieux faire avancer la cause des pro-OGM. Or, on n’a pas harcelé Claude Lagorse. Un membre de la Confédération paysanne, Patrice Vidieu, l’avait même eu au téléphone trois jours avant son suicide. On ne s’apprêtait pas à faire une opération coup-de-poing, mais un pique-nique auxquels étaient conviés des élus locaux et régionaux. Il cultivait trois hectares de transgénique dont il avait caché l’existence même à ses proches : on ne sait pas la raison de son acte.
Mais cela intervient dans un climat de tensions dans les campagnes entre partisans et opposants des OGM…
C’est vrai. Depuis 2006 et la mise en place de cultures en plein champ à des fins commerciales et d’exportation vers l’Espagne, on intervient pour arracher des cultures de «transgéniculteurs». Mais cela fait dix ans qu’on a lancé le débat dans un silence étourdissant autour des enjeux socio-économiques des transgéniques. Depuis, tous les gouvernements successifs ont éludé les débats et Jospin, le premier, a autorisé la mise en culture de semis transgéniques sans consultation préalable.
Mais il y a pourtant eu, depuis, des consultations, des débats ?
Du pur formalisme, qui illustre combien les canaux du débat démocratique sont bouchés. On se moque des citoyens, qui, à plus de 80 %, rejettent les OGM, ou même des paysans, qui, à plus de 60 %, veulent un moratoire. Dernier exemple en date : le projet de loi sur les OGM est passé par décret lors des derniers jours du gouvernement Villepin. Des débats, il y en a eu, des consultations de 1998, au comité des sages en 2000, en passant par la commission parlementaire de 2005. Mais jamais les recommandations n’ont été appliquées. Même l’actuelle secrétaire d’Etat à l’Environnement, Nathalie Kosciusko-Morizet, avait alors fait front commun avec les Verts et le PS pour demander, en vain, le moratoire. Aujourd’hui, Borloo, son ministre de tutelle, me dit : «Faites-nous confiance, on va multiplier par cinq le bio !» Peut-être. En attendant, la mise en culture d’OGM a été multipliée par quatre en un an.
Soit moins de 1 % du maïs cultivé, qu’il faut déclarer…
Sauf que les OGM sont une culture totalitaire, invasive, qui contamine les autres champs. Ils se disséminent lors de la récolte, dans les transports, en stockage. Il n’y a pas d’obligation d’informer les exploitants de parcelles voisines. Quand le président du Conseil général du Gers veut faire un référendum sur les OGM, soutenu par 10 % du corps électoral, le préfet le lui interdit. L’Etat sert les lobbies…

Y a-t-il un complot ? On vous accuse d’être un croisé qui joue avec les peurs…
Je ne l’ai jamais fait. Nous considérer comme des obscurantistes refusant le développement du chemin de fer au XIXe, c’est de la propagande. Je ne crois pas au complot, mais à la mainmise d’intérêts privés au détriment de l’intérêt général. On demande un moratoire pour évaluer les risques, sanitaires, écologiques et économiques, à longue durée. Les OGM, c’est la logique de la marchandisation du vivant : faire payer ce qui se reproduit gratuitement. La logique de brevet qui coupe l’accès aux logiciels ou aux médicaments. La logique d’un monopole de firmes sur la nourriture.
Allez-vous revoir vos modes d’action de désobéissance civile ?
7000 arracheurs vont persister : l’Etat ne nous laisse pas le choix. Je suis prêt à ­retourner en prison. J’ai fait dimanche ce qui m’a déjà valu quatre mois fermes : ­arracher un épi. Et s’il faut aller jusqu’à l’acte ultime de la grève de la faim, je le ­ferai.

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