11/08/2007

«C'est le papa qui risque l'expulsion»

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Ils sont Chinois, Sri-lankais ou Turcs. Ils vivent en France sans papiers depuis cinq, sept ou dix-sept ans. Tous ont été interpellés par la police au cours des dernières semaines pour un contrôle d'identité. Aujourd'hui, ils sont convoqués devant le tribunal administratif et risquent l'expulsion.


Il est midi. Dans le hall du tribunal administratif de Paris, tous les bancs sont occupés. Les traits tirés, les yeux dans le vide, tous attendent leur jugement. Pour certains, le délibéré sera rendu dans quelques minutes. Pour les autres, il faudra encore patienter quinze jours avant de recevoir la décision du juge par courrier.

JinLiong et sa femme Xiao Dan habitent en France depuis sept ans avec leur petite fille Céline. Dans la salle d'audience, Emmanuelle prend des notes. Bénévole à RESF, elle a écourté ses vacances pour venir soutenir la famille Zheng. Elle croise les doigts: «C'est le papa qui risque l'expulsion. Il a été arrêté sans papier. Sa fille est à la maternelle. Mais cela devrait passer. Il a un bon dossier. D'abord, il comparaît libre, c'est déjà un bon point. Ensuite, il a rencontré sa femme en France, sa mère vit ici aussi, il n'a plus de famille en Chine. Donc au niveau de la loi, cela prouve bien l'intensité des liens avec la France».

L'avocate insiste sur un autre point: «L'enfant de mon client, âgée aujourd'hui de quatre ans, est malade. Grande prématurée, elle souffre de pathologies respiratoires sévères qui exigent des soins en France». Dans la salle, la petite Céline ne semble pas prêter attention à ce qui est en train de se passer sous ses yeux. Avec ces deux couettes, son sweat rose et ses baskets, elle préfère jouer avec son cousin Christophe, sept ans, assis au premier rang. L'émotion est palpable dans la salle. Debout, face au juge, JinLiong essaie de répondre aux questions. Il bafouille quelques mots dans un mauvais français. Sa femme tente de l'aider. Un quart d'heure plus tard, la famille quitte la salle. Une dizaine d'autres affaires semblables attendent encore le magistrat d'ici la fin de la journée.

«Ca y est vous pouvez respirer, c'est fini pour aujourd'hui» souffle l'avocate à son client. JinLiong a les yeux qui brillent. «Il n'a pas tout compris, explique son cousin. L'avocate et le juge parlaient trop vite pour lui!». «Vous êtes tranquille pendant 15 jours en attendant le jugement, la police ne peut rien vous faire pour le moment» tente d'expliquer la jeune avocate. Eclat de rire pour Céline et course poursuite avec son cousin dans le hall du tribunal. La vie semble reprendre son cours.

Plus loin, Sahari, 10 ans, a retrouvé le sourire. Samedi dernier, son papa sri-lankais avait été arrêté par la police alors qu'il venait chercher sa fille au square. Il vit en France depuis 17 ans avec sa femme et ses deux enfants. Pour lui, ce n'est pas la première arrestation. Aujourd'hui pourtant, le juge vient d'annuler l'arrêté de reconduite à la frontière. Le délibéré vient de tomber. Soulagement, jusqu'à la prochaine arrestation.

Pourtant, ce vendredi, le tribunal administratif a été particulière sévère. Sur les douze recours étudiés dans la matinée, dix ont donnés lieu à refus. «C'est une catastrophe. Vraiment. Un papa expulsé avec un bébé de dix jours. Une maman qui doit abandonner sa petite fille rentrant à la maternelle pour rejoindre la frontière....» explique Camille, de RESF. Pour Me Velican, spécialiste en droit des étrangers, «la loi est mauvaise depuis le 1er janvier 2005». Seulement 20% des demandes de régularisation aboutissent: «Cela devient de plus en plus difficile».

«En deux semaines, dans le même quartier à Paris, dans le 10e arrondissement, là où Sarkozy avait son QG de campagne, j'ai été témoin, en tant que simple passante, de trois arrestations en plein jour » témoigne Caroline, bénévole du Réseau éducation sans frontière (RESF). Dans le métro, dans la rue ou à domicile, les contrôles d'identité se multiplient depuis le début de l'été. Et pour Caroline, c'est évident: avec une importante communauté étrangère dans le 10e arrondissement, «l'endroit est tout trouvé pour les policiers, la pêche est bonne».

lu sur :http://www.liberation.fr/actualite/

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