19/08/2007

Nicolas Sarkozy, plus dure pourrait être la chute

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Nicolas Sarkozy, plus dure pourrait être la chute
par Steve Barrow
Catégorie politique

Illustration Rozor

Le mode de gouvernance adopté par Nicolas Sarkozy n’est pas sans nous rappeler celui de certains capitaines d’industrie qui connurent de cuisantes déconvenues, à l’instar de l’ancien patron de Vivendi et de Canal+, affublé du fameux sobriquet J6M : "Jean-Marie Messier Moi-Même Maître du Monde". Notre Président pourrait-il connaître un sort comparable ?

Même pendant ses vacances, Nicolas Sarkozy n’a pas perdu une occasion pour se faire voir et entendre sur tous les fronts de l’actualité. Michel Serrault décède, et voilà l’Élysée qui se fend d’un hommage solennel en mémoire du grand acteur. Un autocar s’engage trop rapidement sur la bretelle d’une aire de repos, et la présidence adresse au peuple polonais un message de condoléances et de solidarité. Les obsèques de Monseigneur Lustiger sont célébrées à Notre Dame de Paris, et notre Président saute dans le premier avion à destination de la France pour y participer.

Sur le terrain plus politique, depuis son élection, pas une proposition de loi, pas un décret, pas une recommandation, pas une démarche diplomatique, ne sont entreprises sans qu’intervienne directement le Président qui, par son omniprésence, relègue au rang de secrétaires de direction ou d’assistants ses ministres et collaborateurs. Ainsi, comme le relevait Le Canard enchaîné dans son édition du 8 août, c’est en Corse ("et dans son bermuda à fleurs !", ironise Le Canard) que Bernard Kouchner, ministre des Affaires étrangères, a appris la libération des infirmières bulgares, confiée à Cécilia Sarkozy et à Claude Guéant, Secrétaire général de l’Élysée.
À moi les honneurs, à vous l’intendance !

Depuis la nomination du gouvernement, la plupart des grands dossiers ont été traités d’une manière comparable : la réforme des universités a vite échappé à Valérie Pécresse, tout comme le projet de loi portant sur le service minimum dans les transports en commun que François Fillon envisageait d’étendre à l’Éduction nationale. Premier ministre et secrétaires d’État, toutes et tous sont logés à la même enseigne, celle des écuries, pendant que Nicolas Sarkozy, lui, se dore la pilule à Malte (un pays intégré à la Communauté européenne mais qui reste un paradis fiscal), s’octroie quelques jours de repos sur le yacht battant pavillon de complaisance de son ami Vincent Bolloré, avant de s’accorder quelques vacances aux USA, dans une propriété habituellement louée 22.000 euros la semaine, généreusement prêtée par un mécène inconnu.

C’est sur ce mode que Nicolas Sarkozy envisage de gouverner la France pendant 5 ans, voire pendant 10 ans puisque certains nous préparent déjà à cette hypothèse.

Cette mise en scène très "pipole" de l’action politique n’est pas sans nous rappeler celle qu’affectionnaient certains hommes d’affaires dans les années 80 et 90, à l’instar d’un Bernard Tapie recevant la Jet-set sur son Phocéa ou d’un Jean-Marie Messier se faisant offrir par Vivendi un appartement à 17 millions de dollars sur Park Avenue à New York.

On est loin, bien loin, de ces capitaines d’industrie qui, comme François Michelin et Francis Bouygues, bâtirent leurs empires industriels loin des projecteurs, dans le secret de leurs bureaux capitonnés. Car dans le monde des affaires, il y a deux grandes familles de patrons : Ceux qui plastronnent à la Une de la presse économique et signent leur récente nomination à la tête de groupes industriels par des mesures prises à la va-vite, sans concertation avec leur entourage, et ceux qui ne font pas de vagues, qu’on n’entend pas et qui prennent le temps de la réflexion pour développer leurs activités.

Les premiers, souvent, mèneront leurs affaires à la banqueroute, ce qui ne les empêchera pas cependant d’être très généreusement "remerciés" pour leur incompétence, en empochant les dizaines de millions d’euros de leurs "golden parachutes" (primes de licenciement négociées lors de leur prise de fonction) et en réalisant leurs avoirs ("stock-options"), avant de bénéficier de "retraites dorées" payées par les groupes industriels qu’ils ont conduits à la faillite.

Ainsi fonctionnent les affaires dans le monde d’aujourd’hui, système absurde qui accorde aux brebis galeuses une "prime à la casserole" ;
et plus elles sont nombreuses accrochées à la queue des "chiens fous" du business, plus les os à ronger sont copieux.

À faire trop de vagues, on finit par être emporté par le flot

Mais qu’est-ce qui nous permet d’établir ici un parallèle entre l’action du Président de la République et les pratiques plus que contestables de certains patrons ?

Si on y regarde de plus près, on constatera que Nicolas Sarkozy est un homme qui applique à la gestion des affaires publiques des méthodes de management très en vogue dans le privé. La première d’entre elles consiste à imposer à son entourage une "marche forcée" par une inflation de propositions et de mises en chantier, ce qui est le moyen le plus efficace d’échapper à tout débat préalable et, plus tard, au bilan des actions entreprises. Une annonce est à peine prononcée qu’une autre lui succède ; la seconde ayant le mérite d’occulter la première, et ainsi de suite...

Et cette inflation s’est déjà avérée payante, notamment pendant la campagne présidentielle où, à aucun moment, le candidat Sarkozy n’a eu à répondre de ses bilans à la tête des ministères du Budget, de l’Économie et des Finances ou de l’Intérieur.

Aux yeux de l’opinion et, plus encore des médias complaisants, Nicolas Sarkozy a imposé son image "d’homme providentiel" sans que cette appréciation valorisante ne soit étayée par des résultats concrets.

Quelques exemples :

- À combien se chiffrait la dette de la France avant sa nomination au ministère du Budget, et quel était son montant quand il l’a quitté ?

- À quel résultat est parvenu Nicolas Sarkozy, ministre de l’Économie et des Finances, quand il a promis aux Français une baisse significative des prix à la consommation ?

- Et peut-on parler de recul de l’insécurité quand, sous sa responsabilité, la France a connu les émeutes les plus dévastatrices depuis 1968 ?
Le bilan insignifiant de l’homme d’État Sarkozy

À aucun moment lors d’un face à face télévisé, un journaliste n’a osé émettre la moindre réserve sur le caractère providentiel de l’action de Nicolas Sarkozy depuis 10 ans. La technique est imparable ! Si vous voulez occulter le passé, parler d’avenir et seulement d’avenir. Nicolas Sarkozy se projette en avant, impose une marche forcée à nos concitoyens, comme Jean-Marie Messier et Bernard Tapie le firent en leur temps avec leurs conseils d’administration, leurs actionnaires, leurs banques... Pris dans le mouvement, personne ne songe à regarder en arrière, jusqu’au jour où le passé vous rattrape !

Le second principe de management appliqué par Nicolas Sarkozy est l’occupation de tous les espaces médiatiques par ses interventions officielles et par la "pipolisation" de sa vie familiale et amicale. En son temps, Bernard Tapie avait été jusqu’à se mettre en scène dans les spots de pub pour les piles Wonder, entreprise qu’il dirigeait avant d’être nommé ministre de la Ville et, à ce titre, en charge des banlieues (on a pu depuis mesurer la pertinence de son action à la tête de ce ministère).

Nicolas Sarkozy, lui, n’a pas à jouer sur le terrain publicitaire, sa promotion est assurée gratuitement par la presse et la télévision, comme ce fut le cas lors de cette fameuse soirée du 31 décembre 2005. Souvenez-vous (extrait d’un article mis en ligne sur Rénovation-démocratique en août 2006) : En 2002, Nicolas Sarkozy n’annonçait-il pas sa ferme intention d’"éradiquer ce sport national", en parlant des voitures brûlées le soir du réveillon du nouvel an ?

Résultat des courses, dans la nuit de la Saint Sylvestre 2005/2006, 442 véhicules sont détruits par les flammes contre 300 et des brouettes en 2004 (record toutes catégories pulvérisé !).

Mais si ce grand visionnaire nous impressionne par sa clairvoyance, il étonne plus encore par ses dons d’ubiquité. Ce même soir du 31 décembre 2005, il a trouvé le temps de dîner avec Jean-Marie Bigard (l’humoriste) au ministère de l’Intérieur, de se montrer devant les photographes au restaurant de Faudel à deux pas des Champs-Élysées, puis chez les pompiers du boulevard Diderot et les policiers d’Évry. Voilà comment, le 31 décembre 2005, le ministre Sarkozy a contribué à éradiquer le "sport national" des voitures brûlées. Concluant !
Les erreurs se paient cash !

Le troisième principe de management appliqué par Nicolas Sarkozy consiste à solliciter les uns et les autres, à flatter leur ego en faisant mine de les impliquer, tout en prenant seul ou en cercle très restreint les décisions stratégiques. Et dans ce registre, Nicolas Sarkozy fait preuve d’un redoutable opportunisme.

Cette propension à s’appuyer sur les uns, puis sur les autres, au gré des objectifs à atteindre, a déjà fait quelques dégâts collatéraux dans son propre camp. Ainsi, a-t-on assisté à une petite fronde des députés UMP alsaciens lors de la nomination au gouvernement de Jean-Marie Bockel, maire PS de Mulhouse. Ainsi, bien des proches de la première heure sont restés sur la touche dès que Nicolas Sarkozy a été élu ; il suffit de lire les "indiscrets" du Canard enchaîné pour apprécier les rancoeurs qui s’expriment de plus en plus ouvertement dans les rangs de l’UMP.

Cette stratégie du "diviser pour mieux régner" ou plus exactement du "solliciter les avis mais décider seul" est sans doute un des fondamentaux du grand jeu politique pour atteindre les sommets, mais elle présente un risque majeur :
celui de se retrouver SEUL à assumer toutes les responsabilités.

Et, c’est cette inconfortable situation qui pend au nez du Président de la République qui, comme ses "illustres" prédécesseurs du monde des affaires, pourrait payer cash une omniprésence qui le place aujourd’hui sous des projecteurs plutôt bienveillants, mais qui pourrait dans d’autres circonstances moins favorables, lui valoir un feu nourri de critiques...
Au moindre faux-pas, la sanction pourrait alors être sévère.

Steve Barrow
Vendredi, 17 Août 2007
Source : renovation-democratique.org
- Lu sur : Radio Air Libre

Publié le 19 août 2007 par torpedo

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