LE MONDE | 04.10.07 | 13h06 • Mis à jour le 04.10.07 | 16h22
Aucune scène de sexe explicite ni de violence extrême n'est recensée dans ce film cruel qui raconte la descente aux enfers d'une jeune vendeuse, séquestrée, ligotée et frappée par un directeur pervers. Prenant la défense esthétique de ce film tourné en 1966, le Syndicat de la critique s'est élevé contre cette restriction, appuyé par six principaux organismes professionnels du cinéma. Avec leur soutien, Gilles Boulenger, directeur de Zootrope, la société de distribution du film, compte "déposer un recours au Conseil d'Etat, afin de contester cette décision" qui frappe un élément du "patrimoine mondial du cinéma". Et il précise : "Cette atteinte à la liberté d'expression va compliquer l'exploitation vidéo du film et ostraciser sa diffusion à la télévision."
Depuis 2001, cinq films - Baise-moi, de Virginie Despentes, Polissons et galipettes, de Michel Reilhac, Ken Park, de Larry Clark et Edward Lachman, Nine Songs, de Michael Winterbottom, et Destricted, un film collectif sur la pornographie - ont été interdits aux moins de 18 ans en raison de scènes de sexe trop explicites. Seul le film d'horreur Saw 3, de Darren Lynn Bousman, a écopé de la même interdiction, en raison des scènes de violence qui y figurent.
Pourrait-on encore distribuer des films aussi "politiquement incorrects" ou sulfureux que Salo ou les 120 journées de Sodome, de Pier Paolo Pasolini, ou Happiness, de Todd Solondz, se demandent les organisateurs du Festival de films qu'on ne peut plus faire, organisé jusqu'au 9 octobre à Paris au Cinéma des cinéastes ?
VIOL ET CONFESSION
Avec l'inconscience des nouveaux dans le métier, Isabelle Dubar, qui dirige ID Distribution, n'avait pas hésité en 1997 à distribuer Happiness, une comédie grinçante qui retrace, sans jamais rien montrer de scabreux, l'histoire d'un psychanalyste qui viole deux copains de classe de son fils de 11 ans. Elle avait été la seule à refuser de couper la scène de la confession du père. Ce long métrage, interdit aux moins de 12 ans, sorti en trente copies, avait tout de même attiré 60 000 spectateurs. "Je ne sais pas si je l'achèterais aujourd'hui", concède Mme Dubar.
"Une interdiction aux moins de 18 ans tue l'exploitation d'un film, ce qui n'est pas le cas d'une interdiction aux moins de 16 ans", affirme Nicolas Charret, directeur des ventes de la distribution des films de Bac Films. Porté par Mathieu Amalric et sélectionné à la Mostra, L'Histoire de Richard O., de Damien Odoul, marathon-fantasie de fantasmes sexuels, a été interdit aux moins de 16 ans lors de sa sortie mi-septembre. "Avec ce type de film, on a toujours plus de mal en province. Les salles indépendantes, bien mieux adaptées que les circuits, ont joué le jeu et défendu ce film, même s'il est vraiment hard. La cible des spectateurs est toute petite." Bac Films avait aussi distribué Shortbus, de John Cameron Mitchell (2006), interdit aux moins de 16 ans plus avertissement, lui aussi très osé. Le cinéaste revendique fièrement l'authenticité de chacun des orgasmes de son film, vu par 127 000 spectateurs.
Ces films doivent souvent être adoubés par un festival avant de trouver un distributeur. Projeté à Cannes, Zoo, de Robinson Devor - qui aborde, selon les dires du distributeur, Colifilm, "de façon pudique les questions de zoophilie" -, n'a pas encore de date de sortie en salles. Extrêmement violent, le remake de Funny Games, signé par Michael Haneke pour le public américain, avec Naomi Watts, Tim Roth et Michael Pitt, n'a pas de distributeur français, malgré un accueil favorable au Festival de Toronto.
Nicole Vulser
Article paru dans l'édition du 05.10.07.
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