Ce jour, à midi, sur France Inter, j’ai écouté que François Fillon disait que les 360 milliards prévus pour sauver le système bancaire ne se traduiraient pas par une augmentation d’impôts mais par "des économies ou une augmentation du déficit". Les journalistes ne semblent pas avoir réalisé ce qui se cache de terrifiant derrière ces paroles d’apparence anodine...
En effet, en regardant sur Internet, j’ai vu que les dépenses de l’Etat (certes en 2006, mais cela donne un ordre de grandeur) étaient de 266 milliards d’euros (dont 60 pour l’Education nationale). Le budget de la Sécurité sociale, lui, était de 265 milliards d’euros (chiffres de 2005, mais donné aussi comme ordre de grandeur). Autrement dit, tout le budget de la Sécurité sociale plus celui de l’Education nationale n’atteignent pas le montant du plan de sauvetage des banques...
Or, récemment, Naomi Klein a écrit La stratégie du choc : la montée d’un capitalisme du désastre, où elle avance l’idée que le capitalisme profite des crises de toutes sortes (guerre, guerre civile, coup d’Etat, catastrophe naturelle, épidémie, tarissement d’une ressource naturelle, crise économique ou financière...), périodes durant lesquelles la population est "sonnée" (physiquement, matériellement, psychologiquement) pour lui imposer des réformes ultralibérales encore plus drastiques.
Que veut dire "faire des économies" dans la bouche d’un dirigeant de droite ? Cela veut dire tailler dans les budgets publics (puisqu’il est bien connu que tout ce qui est public est gabegie). Et quels sont les gros postes dans lesquels ont peut tailler à plaisir ? Il y en a trois : le budget de la Sécurité sociale (la santé), celui de l’Education nationale et celui des retraites. Cela d’ailleurs est conforté par la volonté acharnée que, comme le dit le même Fillon, "les dépenses doivent être maîtrisées, contenues. La dépense publique doit être diminuée sur plusieurs années et d’une manière forte".
Et l’augmentation du déficit budgétaire (procédé qui peut être utilisé parallèlement aux "économies") revient exactement au même, quand elle ne joue pas dans le même sens que la compression des dépenses. En effet, depuis des années, les gouvernements de droite procèdent exactement de la même façon : ils font des cadeaux aux plus aisés, ce qui déséquilibre le budget. Puis, inversant cyniquement les effets et les causes, ils présentent les dépenses publiques (fonctionnaires, dépenses de santé, retraites) évidement plus élevées que dans les pays "étrangers", comme la cause de ce déficit ! Ce qui prépare l’opinion à de nouveaux sacrifices. Enfin, l’emprunt aggrave la situation, car auprès de qui emprunte-t-on ? Auprès de ceux à qui on a fait des cadeaux fiscaux ou, dans le cas présent, auprès de ceux qui ont spéculé à la Bourse et ont précisément provoqué la débâcle financière ! Non seulement on ne leur prend pas de l’argent, mais on leur en redonne (par les intérêts des emprunts d’Etat). C’est comme si, après avoir été cambriolé, on payait au cambrioleur l’essence de son véhicule, la révision de son moteur et le changement de ses pneus...
A 13 h, j’écoutais, toujours sur France Inter, Claude Bartolone se faire gourmander par la journaliste parce que les députés socialistes allaient "s’abstenir" de voter le plan de sauvetage des banques (chantage à l’unité nationale). Compte tenu des arrière-pensées du gouvernement (bien attestées par le fait qu’il n’a pris absolument aucune garantie concrète de musèlement de la spéculation), ce n’est pas une consigne d’abstention que les chefs du groupe socialiste auraient dû donner mais celle d’un vote Non très sec, et bien argumenté.
Je note d’ailleurs, à ce propos, que c’est la deuxième fois, cette année, que, croyant adopter une attitude ferme, les parlementaires socialistes s’abstiennent - la première fois, ce fut pour le projet de révision constitutionnelle préalable à la signature du Traité de Lisbonne. Chaque fois, en voulant ménager la chèvre et le chou (ne pas passer pour de "mauvais Européens" au début de l’année - ne pas passer pour de "mauvais Français" briseurs de l’unité nationale cet après-midi - mais en même temps, ne pas passer pour les caniches du pouvoir), et en n’adoptant pas une attitude courageuse, ils déçoivent l’électorat de gauche et se font encore plus mépriser de Sarkozy (et cela sans profit, puisqu’il peut se passer de leurs votes)... Le minimum qu’on attendrait d’eux est que, dans les deux heures ( !) de débat qu’on leur accorde par charité pour discuter d’une somme de 38 % plus élevée que le budget, ils dénoncent haut et fort la manoeuvre en ouvrant les yeux au pays...
Tout cela sans préjudice que, dans quelque temps (une fois la crise oubliée), les parts "nationalisées" des banques seront revendues au privé à prix d’ami...
ARNAUD Philippe
http://www.legrandsoir.info/
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