07/02/2009

Comment Sarkozy réécrit l'histoire de Gandrange

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DESINTOX

Le Président a affirmé hier soir lors de son intervention que ses promesses aux ouvriers du site sidérurgique avaient été respectées. Ce n'est que partiellement vrai.

(Source : http://www.liberation.fr/politiques/0101317557-comment-sarkozy-reecrit-l-histoire-de-gandrange)

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Lors de son intervention télévisée hier, le président de la République a juré qu’il avait «tenu promesse» au sujet du site ArcelorMittal de Gandrange (Moselle), où le géant de l’acier a engagé début 2008 un plan de fermeture partielle prévoyant 575 suppressions de postes.

Mis en cause cette semaine par la CFDT, qui a enterré symboliquement les engagements de Nicolas Sarkozy, ce dernier riposte en accusant ses détracteurs de «mensonge».

Il affirme que Lakshmi Mittal, le PDG du groupe sidérurgique, a «scrupuleusement» respecté trois des quatre «engagements» que lui avait réclamés l’Elysée : «Remettre 30 millions d’investissements dans le site», «créer une école de formation» aux métiers de la sidérurgie, mettre «10 millions de sa poche pour revitaliser». Une quatrième promesse, concède le président, n’a pas été tenue. Celle d’un investissement conjoint d’ArcelorMittal et de Poweo pour la construction d’une ou deux centrales électriques (80 emplois) en Moselle.
C’est la faute à la conjoncture, explique-t-il : «Patatras, la crise leur tombe dessus








Nicolas Sarkozy oublie le premier de ses engagements, qui explique pour beaucoup l'amertume des salariés. Si une solution crédible existe pour Gandrange, avait-il déclaré lors d’une visite sur place le 4 février 2008, «l’Etat préfère investir pour moderniser le site plutôt que de payer de l’argent pour accompagner des gens soit en préretraite, soit au chômage». Par ces mots, il avait suscité l’espoir.

Les syndicats se sont ensuite échinés, travaux d’experts à l’appui, à démontrer qu’une relance de l’aciérie et du train à billettes promis à la fermeture était possible. Cela n’a rien donné, car il a fallu se rendre à l’évidence que l’Etat ne pouvait ni s’opposer à la stratégie industrielle d’ArcelorMittal, ni investir à sa place.

C’est alors, en avril 2008, que d’autres promesses élyséennes, celles auxquelles le président a fait allusion hier, ont été formulées. Elles stipulent notamment, selon le communiqué officiel de l’époque, qu'ArcelorMittal «investira 35 millions directement sur le site de Gandrange», et non pas 30 millions. Les syndicats et le conseil régional de Lorraine déplorent notamment la disparition d’un projet de fabrication de panneaux solaires (4 millions d’euros d’investissement). Les emplois nouveaux prévus dans ce cadre ont légèrement évolué à la baisse : 124 promis contre 119 inscrits dans la convention d’ancrage territorial signée jeudi soir par ArcelorMittal. Mais dès janvier 2008, avant donc l’intervention de Nicolas Sarkozy, ArcelorMittal avait affiché sa volonté de «pérenniser le site de Gandrange en le spécialisant sur le laminage» et d’investir sur place pour développer un laminoir à couronnes et à barres. Cela représente 8 des 30 millions annoncés.

La création d’une «école de formation» aux métiers de la sidérurgie est une promesse partiellement tenue. Même si pour le moment, on ne parle pas d’une «école» nouvelle, mais plutôt d’une «classe» qui pourrait être ouverte dans un centre de formation existant. A partir de septembre 2009, une vingtaine d’apprentis devraient y être formés. Le chiffre, un temps envisagé de «120 apprentis», n’est plus qu’un «objectif à terme» non daté. Cela inquiète beaucoup les syndicats, qui savent que de nombreux départs en retraite sont prévus dans la sidérurgie Lorraine ces prochaines années.

Les 10 millions d’euros prévus «en faveur du renforcement et du développement du capital investissement technologique dans le domaine des matériaux» sont bien au rendez-vous, même si aucun centime n’a été déboursé pour le moment. Pour la CFDT, «c’est le seul truc qui a été obtenu» grâce à l’intervention de l’Elysée, dont le locataire a annoncé qu’il reviendrait à Gandrange. « Pour quoi faire?, questionne Edouard Martin, l’un des responsables du syndicat. Il s’est fait un coup de pub sur notre dos, il ne va quand même pas remettre le couvert ! Le sentiment généralisé à l’usine, c’est qu’il se paie notre tête, ce monsieur.»

Le communiqué de l’Elysée d’avril 2008 listait encore deux autres promesses : «M. Mittal entend pérenniser au-delà de 2012 l'activité du site de Florange, si la réglementation européenne sur le CO2 n'affecte pas excessivement sa compétitivité. Il s'est par ailleurs engagé, si la géologie le permet, à implanter sur le site de Florange un projet pilote de captation et de stockage souterrain du CO2. Ce projet représente l'avenir de la sidérurgie dans un contexte de lutte contre le changement climatique.» «Je vais me battre pour (que ce projet de captation) soit en France, à Gandrange», a assuré Nicolas Sarkozy jeudi soir. Il le faudra car la Lorraine est en concurrence avec des sites allemand et anglais d’ArcelorMittal. Une décision doit être prise courant 2009.

Pour le site de Florange (3800 salariés), spécialisé dans les aciers plats, l’avenir est tout aussi flou. Le ralentissement de la demande d’acier a entraîné la mise à l’arrêt de l’un des deux hauts-fourneaux.

De source syndicale, on indique que 30 millions d’euros d’investissements sont en cours «pour se mettre en conformité avec les normes environnementales». C’est dix fois moins, dit-on, que la somme qu’il faudrait pour rénover les hauts fourneaux et assurer la pérennité du site «au-delà de 2012». Sur ce sujet, la convention d’ancrage territorial signée jeudi ne dit pas un mot.


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