LE MONDE | 31.07.07 | 11h44
BRUXELLES, CORRESPONDANT
L'expulsion, prévue lundi 30 juillet, par l'Office belge des étrangers, de deux ressortissantes équatoriennes devenues les symboles de la lutte en faveur des sans-papiers et contre la détention de mineurs s'est muée en un fiasco complet pour les autorités. Le tribunal de première instance de Bruxelles, saisi par l'avocate d'Ana Camajarca, a ordonné in extremis la libération de la jeune femme et de sa fille Angelica, 11 ans, incarcérée comme elle, depuis le 30 juin, au "centre fermé 127 bis", dans la banlieue de Bruxelles.
Dans son ordonnance, le juge a estimé que la fillette ne pouvait être emprisonnée dans un tel établissement avant son expulsion et qu'elle ne pouvait être séparée de sa mère. Il a aussi souligné que les conditions de détention imposées à l'enfant pouvaient lui causer un traumatisme psychologique grave.
BRUTALISÉES ET MENACÉES
Les deux clandestines avaient, le matin même, été transférées dans des cellules de l'aéroport de Bruxelles. Elles devaient être placées, dix heures plus tard, sur un vol de la KLM à destination de Quito, via Amsterdam.
Lundi après-midi, les autorités ont tenté d'éviter une ultime mobilisation de soutien en embarquant les deux Equatoriennes, accompagnées de quatre agents, dans une camionnette qui devait se rendre discrètement à Schiphol-Amsterdam. La décision de la justice bruxelloise a forcé les autorités à rappeler le convoi. Ana et Angelica Cajamarca ont été reconduites à leur domicile de Saint-Josse.
Sourd aux nombreuses demandes qui lui étaient adressées, le ministre de l'intérieur du gouvernement démissionnaire, le libéral flamand Patrick Dewael, refusait toute mesure de clémence alors que la Ligue des familles, par exemple, estimait que Mme Cajamarca et son enfant étaient "régularisables et parfaitement intégrées".
Le Centre démocrate humaniste, un parti qui participe aux négociations pour la formation d'un nouveau gouvernement, exige désormais la priorité pour le dossier des sans-papiers.
La déroute des responsables de l'intérieur se double de questions sur les conditions dans lesquelles Mme Cajamarca et sa fille ont été extraites du "centre 127bis". Certificat médical et témoignages à l'appui, leurs avocats affirment qu'elles ont été brutalisées et menacées. Ils devraient déposer plainte. La police et l'Office des étrangers démentent toute violence. Cela n'a pas suffi pour éviter le rappel d'une affaire célèbre en Belgique : la mort, en 1998, de Semira Adamu, une Nigériane qui refusait son expulsion vers son pays, où elle devait être mariée de force à un sexagénaire. La jeune fille est morte, étouffée par un coussin dont usaient, en toute légalité à l'époque, les policiers.
La Belgique a expulsé 11000 clandestins en 2006 et près de 600personnes sont actuellement incarcérées en attendant leur départ, dont 13 enfants.
Jean-Pierre Stroobants
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