Depuis 2003, la formule « travailler plus pour gagner plus » est systématiquement prononcée par le patronat, le gouvernement et les libéraux, lorsqu’est abordé le débat sur les 35 heures.
CE SLOGAN REPOSE SUR DEUX CONFUSIONS MAJEURES
Première confusion entre la durée légale et maximale de travail
Travailler plus de 35 heures c’est déjà possible !
Les 35 heures constituent la nouvelle durée légale du travail et non pas la durée maximale qui reste fixée à 48 heures dans le Code du Travail. Il est donc possible de travailler plus de 35 heures par semaine. Cette pratique est d’ailleurs courante dans bon nombre de branches professionnelles. D’ailleurs, le gouvernement a facilité le recours aux heures supplémentaires en portant le contingent annuel à 220 heures par salarié (décret du 21/12/2004). Un employeur peut donc imposer à un salarié d’effectuer 220 heures sup. par an.
Doivent donc être écartées les phrases du type : « Quelle drôle d’idée d’interdire aux Français de travailler plus pour gagner plus », « empêcher les gens de travailler », prononcées notamment par le candidat SARKOZY. Cela renvoie à une ambiguïté volontairement entretenue entre durée légale et durée maximale de travail et qui occultent surtout grossièrement la situation de nombreux travailleurs, dans de nombreux secteurs, qui travaillent plus de 35 H sans que ces heures ne soient payées !
Deuxième confusion : Le choix de travailler plus pour gagner plus n’appartient jamais au salarié
Derrière l’éloquence de la formule, se dissimule une omission majeure : dans l’entreprise, le pouvoir de direction appartient à l’employeur. C’est lui qui décide du temps de travail et des horaires. Les salariés en temps partiel imposé le savent bien...
Face à ce constat, la phrase travailler plus pour gagner plus devient : « Les patrons feront travailler plus les salariés s’ils en ont besoin ».
COMMENT EST APPLIQUEE DEPUIS 2003 LA FORMULE « TRAVAILLER PLUS POUR GAGNER PLUS » ?
Ou Comment « travailler plus pour gagner plus » est devenu « travailler plus pour gagner moins » ! »
Il est possible d’abaisser, par voie d’accord collectif, le taux des majorations d’heures supplémentaires, il est aujourd’hui possible de travailler plus en gagnant moins qu’avant !
L’expression « travailler plus pour gagner plus », qui fait aujourd’hui figure d’incantation, apparaît en 2003 au moment du vote de la Loi FILLON (Loi du 17 Janvier 2003 relative aux salaires, au temps de travail et au développement de l’emploi).
Or, quel est le contenu de cette Loi :
1. Dans les entreprises de plus de 20 salariés, Il a possibilité de fixer le taux de majoration de toutes les heures supplémentaires à 10 % par voie d’accord collectif (à la place d’un taux de 25 % pour les 8 premières heures supplémentaires de la semaine et de 50 % pour les autres).
2. Dans les entreprises de moins de 20 salariés, les 4 premières heures supplémentaires sont majorées de 10% (autrement dit, de rien du tout...même sans accord collectif).
Le SMIC est actuellement à 8.27 euros brut de l’heure. Le salarié qui effectue 4 heures supplémentaires (soit 39h de travail dans la semaine) perçoit en plus 10% de 8.27 euros multiplié par 4 soit 3,3 euros.
L’AUGMENTATION DE LA DUREE DU TRAVAIL CONTRE LA HAUSSE DES SALAIRES
Le salaire est le produit du temps de travail par la rémunération horaire
C’est dire que l’augmentation du salaire peut résulter ou de l’augmentation de la durée du travail ou de la hausse de la rémunération horaire.
Or les tenants de la formule travailler plus pour gagner plus ont fait leur choix : Celle de l’augmentation du temps de travail contre les salaires.
Ainsi à la question doit-on augmenter le SMIC, Monsieur Sarkozy déclare : « je préfère l’augmentation de tous les salaires grâce à l’augmentation de la quantité de travail »
CONSEQUENCES :
pérenniser les bas salaires
baisser le coût du travail
hausse du chômage (les employeurs préfèrent imposer des heures supplémentaires plutôt que d’embaucher)
et surtout conforter l’inégalité du partage des richesses Capital/Travail au détriment de ce dernier
On se rend compte de l’incurie, de l’odieuse ironie, voire du cynisme de la formule « travailler plus pour gagner plus » car il existe bon nombre d’agents économiques qui travaillent bien moins... pour gagner bien plus !
Au patronat et à ses sympathisants déclarés, il convient de demander, par un contrôle détaillé des comptes de la nation et des entreprises, comment sont utilisés les sources de profit suivantes :
LES FRAUDES SOCIALES ET FISCALES.
Le premier rapport du Conseil des Prélèvements Obligatoires estime la fraude fiscale et sociale entre 29 à 40 milliards d’euros. Soit un montant comparable au déficit du budget de l’état en 2006.
Dans le palmarès des impôts à l’origine des plus gros manques à gagner, la TVA arrive en tête (entre 7,3 et 12,4 milliards d’euros), devant l’impôt sur les sociétés (4,6 milliards), l’impôt sur le revenu (4,3 milliards) et les impôts locaux (1,9 milliard). Les autres impôts représentant 2,2 milliards. Au total, la fraude fiscale représente les deux tiers de la perte de l’Etat. Le tiers restant étant imputable à la fraude aux cotisations sociales, c’est à dire principalement au travail illégal (entre 6 et 12 milliards d’euros). Et encore, cette estimation ne prend pas en compte le fait que, selon le CPO, près de 75 milliards de cotisations sociales ne sont jamais contrôlées. A la différence des cotisations de la sécurité sociale, « ni les cotisations d’assurance chômage, ni celles de retraites complémentaires ne font l’objet de vérification, les régimes concernés ne disposant pas de corps d’inspection ».
40 milliards d’euros, voilà de quoi réduire les déficits publics ou donner un coup de pouce aux salaires les plus bas.
LES ALLEGEMENTS DE COTISATIONS ET AUTRES AIDES AUX EMPLOYEURS.
Un rapport de la Cour des Comptes sur le coût du travail vient de livrer un bilan critique des baisses des cotisations patronales. De 3 milliards d’euros en 1993, les exonérations patronales sont passées à 24 milliards d’euros inscrits dans le budget 2006. Philippe Séguin, président de la Cour des Comptes et ancien ministre du Travail du gouvernement Chirac, qu’on ne peut suspecter d’être un dangereux gauchiste, épingle un empilement de mesures prises « sans la moindre évaluation ou analyse d’impact ».
Selon lui, pas moins de 46 décisions d’exonération de cotisations de Sécurité sociale, dont 36 nouvelles, ont été en vigueur en 2005. La Cour relève que 17 de ces mesures ont été mises en oeuvre « sans même que le ministère en charge de la Sécurité sociale en soit informé, ou bien à un stade très tardif ». Or ces exonérations sont un manque à gagner direct pour les caisses de la Sécurité sociale.
Le document pointe aussi les effets négatifs de ces exonérations sur les bas salaires. Ce phénomène de « trappe à bas salaires » et de tassement pas le bas de toutes les grilles de classification est unanimement dénoncé par les syndicats. Pourtant, le gouvernement est, selon la feuille de route fixée par Jacques Chirac, en train de préparer une réforme de suppression totale des cotisations au niveau du SMIC. La mesure devrait être examinée par le Parlement à l’automne, et sera soutenue au nom de l’emploi. Mais s’il est certain que ces exonérations contribuent à baisser le coût du travail pour les employeurs, leur efficacité sur l’emploi n’a encore jamais été prouvée.
En 2006, les exonérations de cotisations sociales et autres aides et cadeaux aux entreprises représentent un total de 65 MILLIARDS D’EUROS ! Soit 949 euros par an et par habitant ! Autant que le budget de l’Education Nationale ! Et ils osent se plaindre et demander aux travailleurs de faire des efforts !
LES PROFITS RECORD ET LES LICENCIEMENTS BOURSIERS
L’année 2006 a été très profitable pour les grandes entreprises : 100 milliards d’euros de bénéfices pour les seules entreprises du CAC 40. Les analystes prévoient une nouvelle augmentation du taux de profit en 2007, après une augmentation constante en 2004 et 2005. Les analystes financiers reconnaissent que les profits explosent alors que les coûts salariaux restent stables en France.
L’évidente question de la redistribution de la plus value vers les salaires se pose avec acuité, dans un contexte où le patronat essaie de substituer au salaire brut des modes de rémunération non soumis à cotisations sociales (participation, intéressement, bonus salarial...) qui fragilisent le salariat traditionnel.
Enfin, alors que leurs carnets de commandes sont pleins et qu’ils sont sur un secteur oligopolistique (comme Airbus) certaines sociétés mettent en œuvre de véritables licenciements boursiers pour augmenter leurs profits de l’année suivante. Comment « travailler plus pour gagner plus », lorsqu’on vous licencie, quoi que vous fassiez, juste pour faire gagner plus d’argent aux actionnaires ?
Traquer impitoyablement la fraude fiscale et sociale, réorienter les allégements de cotisations pour les entreprises vers la formation ou l’innovation et mieux redistribuer la part de travail non payée au travailleur par l’employeur, voilà la seule manière efficace qui permettrait de rester dans la marche de l’histoire, qui a de manière continue, abaissé le temps de travail et augmenté les revenus des travailleurs, c’est-à-dire travailler moins pour gagner plus et vivre mieux.
Source/auteur : http://sudtravail.joueb.com/
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