17/07/2007

Très interessant flash back

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Quand les "juristes" de l'UMP s'opposaient à l'instauration de peines planchers
LE MONDE | 17.07.07 | 14h19 • Mis à jour le 17.07.07 | 14h19

L'Assemblée nationale examine à son tour, à partir du mardi 17 juillet, le projet de loi "renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs" adopté le 5 juillet en première lecture au Sénat. Le texte comprend trois volets : instauration de peines minimales d'emprisonnement pour les récidivistes, majeurs ou mineurs ; restriction de l'atténuation de la responsabilité pénale prévue pour les mineurs de plus de seize ans ; généralisation de l'injonction de soins.

Pour la plupart des députés, la discussion aura un air de déjà-vu. Voilà en effet trois ans que ce sujet s'invite régulièrement dans l'Hémicycle. C'est une proposition de loi visant à instaurer des peines minimales en matière de récidive déposée le 4 février 2004 par Christian Estrosi, et cosignée par 175 députés de la majorité, qui avait lancé le débat. Le député (UMP) des Alpes-Maritimes se faisait le relais du ministre de l'intérieur, Nicolas Sarkozy, qui avait fait de cette question un thème de démarcation avec le chef de l'Etat, Jacques Chirac, et ses fidèles.

Les chiraquiens allumaient alors un contre-feu en constituant une mission d'information, sous la responsabilité du président de la commission des lois, Pascal Clément (UMP, Loire). Celle-ci aboutissait à la rédaction d'une proposition de loi examinée en première lecture à l'Assemblée nationale le 14 décembre 2004. Le texte écartait le principe des peines planchers. M. Estrosi déposait une série d'amendements pour introduire les dispositions qui constituent, aujourd'hui, le corps du projet de loi. Les "juristes" de la majorité s'y opposaient.

Ainsi en était-il de l'amendement prévoyant des peines minimales dès la deuxième récidive, sauf décision motivée de la juridiction. "Cet amendement remet en cause notre tradition juridique, et notamment le principe d'individualisation de la peine, qui est souvent rappelé par la Cour européenne des droits de l'homme, estimait alors M. Clément. Certes, la possibilité pour le tribunal d'écarter l'automaticité en motivant sa décision pourrait permettre de contourner la difficulté constitutionnelle. Cependant, la constitutionnalité d'une telle disposition reste pour le moins douteuse." Le député, qui deviendra ministre de la justice dans le gouvernement Villepin, exprimait sa "crainte que l'adoption de l'amendement de M. Estrosi n'inverse la logique judiciaire, instaurant le principe d'une peine plancher et l'exception d'une dérogation motivée".

Jean-Luc Warsmann (UMP, Ardennes), qui préside aujourd'hui la commission des lois, s'opposait lui aussi à l'amendement estimant qu'il existe deux conceptions de la sanction pénale en cas de récidive : "Une vision fondée sur l'automaticité des peines, d'obédience anglo-saxonne, et une vision d'origine française, reposant sur le principe de l'aggravation des peines en cas de récidive". Il estimait ne pas pouvoir "souscrire au principe de la sanction automatique telle qu'elle ressort, même atténuée, de l'amendement présenté", jugeant celui-ci "en contradiction avec les réalités de la société contemporaine". "Précisément parce qu'il ne prend pas en compte des circonstances de chaque espèce, il pourrait conduire au prononcé de peines disproportionnées", indiquait-il.

Valérie Pécresse (UMP, Yvelines) regrettait pour sa part "qu'un tel amendement n'ait pas fait l'objet d'une étude d'impact" et faisait part de ses "doutes sur son efficacité". Quant à Guy Geoffroy (UMP, Seine-et-Marne), aujourd'hui rapporteur du projet de loi, il estimait qu'"en termes d'affichage l'adoption de l'amendement de M. Estrosi accréditerait l'idée que le législateur a fait le choix de l'automaticité des peines".
Patrick Roger
Article paru dans l'édition du 18.07.07.

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