Depuis plus de deux siècles, la terre de Bonaparte accumule les dérogations et les avantages fiscaux. Une manière d'acheter la paix civile ?
Quel est le point commun entre Napoléon Bonaparte et Nicolas Sarkozy ? Oubliez la petite taille et la grande ambition. Tous deux ont surtout fait beaucoup pour... la Corse. Depuis les arrêtés Miot (1801), votés sous le Consulat et confirmés sous le Premier Empire, les insulaires sont exemptés des droits de succession. Et ce privilège historique tient toujours.
Tout comme l'absence fréquente de titres de propriété. Un autre particularisme local qui permet à beaucoup d'insulaires d'échapper à l'impôt de solidarité sur la fortune. Comment en effet calculer et faire payer l'ISF si le fisc ne connaît pas les propriétaires exacts ? Ces petits arrangements avec la norme sont depuis longtemps jugés injustes sur le continent. Abrogés en 1999, puis prorogés en 2002 par le statut Jospin, ils seront en principe supprimés en 2015...
Mais, aux yeux des insulaires, c'est en revanche la seule solution pour éviter la « baléarisation » de la Corse, du nom de ces îles espagnoles dénaturées, selon eux, par les stations balnéaires et les propriétaires étrangers.
«Ma maison me vient de ma tante. Si j'avais dû régler des droits de succession, avec une filiation indirecte, je n'aurais jamais pu», raconte Dominique, instituteur en Corse-du-Sud et propriétaire d'une ancienne bergerie qui surplombe la mer. «Et si je devais payer l'ISF, je devrais vendre ma maison, comme les paysans de l'île de Ré.»
Entre-temps, Nicolas Sarkozy a fait des siennes. Tout s'est joué à Bruxelles en janvier 2003. Accompagné d'une trentaine d'élus corses, de Jean-Guy Talamoni à José Rossi, le ministre de l'Intérieur et de l'Aménagement du Territoire a décroché auprès de Romano Prodi, alors président de la Commission, l'autorisation d'accorder un crédit d'impôts de 20% aux entreprises corses et de prolonger jusqu'en 2008 le statut de zone franche et la dérogation fiscale sur le tabac. Des aides qui s'ajoutent, bien sûr, à celles déjà existantes comme la taxe professionnelle réduite, une TVA très avantageuse (2,10% pour les produits alimentaires et les livres, 8% pour la restauration, 13% pour les carburants...) et des transports entre le continent et l'île de Beauté hors taxes.
Attentionné, l'Etat français n'oublie personne. Prenez la dette sociale des exploitants agricoles en Corse, apurée par le truchement de l'article 122 de la loi de finances 2005. Bien que le Sénat, tenu par la majorité, se soit montré dubitatif, le texte est passé. «La Corse, en tant qu'entité géographique, ne peut être en rien considérée comme relevant d'une situation particulière», estimait le rapporteur du projet de loi. «38 exploitants au plus pourraient bénéficier des dispositions du présent article», concluait-il. Une loi pour 38 agriculteurs, qui dit mieux ?
Mais, pour privilégier la Corse, il n'est même pas toujours nécessaire de légiférer. Ainsi, selon l'annexe III du Code général des Impôts, l'administration dispose d'un pouvoir discrétionnaire qui permet d'humaniser son fonctionnement : elle peut accorder des remises partielles ou totales d'amendes fiscales ou d'impôts à des personnes en situation difficile. Une mesure de bon sens. Mais les dégrèvements accordés sont très variables d'une région à l'autre (voir graphique).
Deuxième surprise : les contribuables corses bénéficient d'un étonnant traitement de faveur. En 2005, le montant des dégrèvements fiscaux y atteignait 7% contre moins de 3% en moyenne nationale. Plusieurs fois contactée par « le Nouvel Observateur », la Direction générale des Impôts (DGI) n'a pas souhaité commenter ces chiffres. Dommage...
source:http://inventerre.canalblog.com/archives/fiscalite/index.html
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