16/10/2007

Estrosi la finesse

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"Des technocrates m'ont abondamment prévenu : "Attention, la Nouvelle-Calédonie est un territoire compliqué, susceptible (...)." Non, j'ai décidé de vous parler vrai", avait assuré le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, Christian Estrosi, à son arrivée à Nouméa, jeudi 11 octobre. Promesse tenue, comme en témoigne le bilan de son déplacement : le haut-commissaire en Nouvelle-Calédonie, Michel Mathieu, a demandé au président de la République d'être relevé de ses fonctions, le FLNKS accuse M. Estrosi "d'avoir ouvert une crise politique", et les divisions au sein de la droite locale sont ravivées.Le "parler vrai" de M. Estrosi a semé la zizanie en Nouvelle-Calédonie
LE MONDE | 16.10.07 | 14h06 • Mis à jour le 16.10.07 | 14h06
NOUMÉA CORRESPONDANTE

Tenu à un devoir de réserve, M. Mathieu n'a pas justifié sa décision. Mais alors que cette visite s'est déroulée dans un climat social houleux, avec manifestations et blocages d'entreprises, le haut-commissaire, jugé trop "passif" et "absent du terrain", se serait à plusieurs reprises fait remonter les bretelles, M. Estrosi lui demandant d'être "plus ferme".

Le fait déclencheur se serait produit vendredi soir. Alors que deux policiers avaient été blessés par des manifestants dans l'après-midi, M. Mathieu, craignant que les choses dégénèrent, aurait refusé de faire dégager des manifestants de l'USTKE (Union syndicale des travailleurs kanaks et des exploités), qui s'étaient installés devant le haut-commissariat avec musique et barbecue, pendant le cocktail officiel.

"RETOUR EN ARRIÈRE"

Emissaire de la "rupture" et du "changement" en Nouvelle-Calédonie, M. Estrosi a plaidé, tout au long de sa visite, pour un renforcement du rôle de l'Etat. "L'Etat a plus que jamais un rôle fondamental à jouer. (...) Il ne s'agit pas d'un Etat qui concevrait "l'impartialité" comme un paravent pour justifier son inaction", a-t-il dit, assurant que plus aucun blocage d'entreprises ne serait "toléré".

Tout en s'engageant "à respecter scrupuleusement l'accord de Nouméa" et à en être "un accompagnateur loyal", le secrétaire d'Etat a répété que "l'avenir de la Nouvelle-Calédonie est dans la France". De façon surprenante, il a comparé le résultat de Nicolas Sarkozy au second tour de la présidentielle en Nouvelle-Calédonie (62,89 %) à "une petite part de référendum" sur l'indépendance, lequel doit avoir lieu dans l'archipel entre 2014 et 2018...

Sur le "Caillou", où la paix chèrement acquise entre Kanaks et Européens reste fragile, le ton conquérant de ce proche de Nicolas Sarkozy a heurté et fait craindre "un retour en arrière". Le FLNKS a qualifié ses déclarations de "dangereuses et irresponsables". "Il veut respecter l'accord de Nouméa, qui est un processus de décolonisation, mais il réclame plus de France et plus d'Etat", a déploré un membre du bureau politique du parti indépendantiste.

A droite, la visite de M. Estrosi pourrait bien sonner le glas du tout récent accord de majorité, signé sous la pression du gouvernement, entre les frères ennemis du Rassemblement-UMP et de l'Avenir ensemble. "Il faut que l'Avenir ensemble fasse entendre sa différence avec le Rassemblement-UMP et M. Estrosi", a préconisé Didier Leroux, l'un des chefs de file de ce parti, inquiet d'une "dérive politique de provocation des indépendantistes".

Ultime bourde : un aréopage de scientifiques et d'industriels a attendu "pendant trois heures" au haut-commissariat, pendant que M. Estrosi faisait une très médiatique plongée sous-marine.
Claudine Wéry
Article paru dans l'édition du 17.10.07.



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