Florimond Guimard, instituteur et militant du Réseau d'éducation sans frontières (RESF), doit comparaître lundi devant le tribunal correctionnel d'Aix-en-Provence, où il est accusé de "violence volontaire sur agent" et "violence en réunion avec arme par destination".
Le 11 novembre 2006, ce Marseillais de 30 ans a cherché à empêcher, l'expulsion de Lahcène Douibi, père de famille sans-papiers de deux petites filles âgées de 8 et 3 ans à l'époque.
Ce jour-là, aux abords de l'aéroport de Marseille-Provence, quelque 200 militants de RESF manifestent contre l'expulsion en cours de Lahcène Douibi. Deux jours plus tôt, sur le port autonome de Marseille, ils étaient parvenus à faire avorter une première tentative d'expulsion, grâce au soutien des marins de la SNCM et non sans quelques heurts avec les forces de l'ordre.
Parmi eux déjà, Florimond Guimard, instituteur dans l'établissement situé dans le centre-ville de Marseille où sont scolarisées les deux fillettes, par ailleurs militant engagé dans le mouvement de soutien aux sans-papiers depuis 2004 et sa participation à la naissance de RESF, à Paris.
Sur le parvis de l'aéroport, face aux dizaines de militants regroupés, le véhicule de police dans lequel a été amené le père de famille ne parvient pas à stationner et repart en sens inverse. Florimond Guimard monte dans sa voiture et suit sur quelques centaines de mètres le véhicule de police, tourne avec lui autour d'un rond-point, avant, finalement, de le laisser partir...
Florimond Guimard est convoqué au commissariat un mois après les faits
Plus d'un mois après les faits, il est convoqué au commissariat à Marseille et placé en garde à vue. Et apprend qu'il est accusé d'avoir, le jour du premier rassemblement devant le port, poussé un policier contre une barrière, le blessant légèrement au pouce. L'officier s'est vu reconnaître un jour d'incapacité temporaire de travail. Il lui est ensuite reproché d'avoir suivi de manière dangereuse la voiture de police où se trouvait Lahcène Douibi, son propre véhicule, devait-il apprendre, constituant une "arme par destination"...
Pour soutenir Florimond Guimard, une pétition circule rapidement et dénonce déjà "une criminalisation de l'action citoyenne": "Nous revendiquons collectivement cette action et nous la rééditerons si nécessaire car nous affirmons en conscience, qu'il est totalement légitime de nous opposer à des lois inhumaines".
Mais les centaines de signatures recueillies n'empêcheront pas Florimond Guimard d'être convoqué au tribunal correctionnel d'Aix-en-Provence, le 20 avril. A quelques heures à peine du premier tour de l'élection présidentielle, la période est jugée trop sensible: l'audience est reportée au 22 octobre.
"Une façon de rappeler que tout le monde n'a pas voté Sarkozy"
Ce nouveau rendez-vous avec la justice, les militants du RESF ont voulu en faire un symbole. Celui de la lutte contre la politique des "quotas" et d'expulsions de familles sans-papiers, supervisée depuis bientôt six mois par le ministère de l'Immigration. Florimond Guimard estime que son procès, "est une manière de rappeler que, dans ce pays, tout le monde n'a pas voté Sarkozy":
"RESF est une épine dans le pied de ce gouvernement, qui a vocation à être très productif, qui est une véritable machine à expulser. Aujourd'hui, le Réseau d'éducation sans frontières est un bastion de résistance qui dérange et ce n'est pas en me condamnant que le mouvement s'arrêtera. Au contraire."
Une convocation devant un tribunal qui n'empêche pas ce militant de dire ce qu'il pense, même s'il risque aujourd'hui trois ans de prison avec sursis et 45000 euros d'amende:
"Aujourd'hui sur le terrain, il y a des drames, car il y a eu un réel durcissement des méthodes de la police. Et même si, ces dernières semaines, des protestations se font entendre au sein de l'institution. Les drames, c'est Yvan, Chulan Zhang Liu... c'est la politique du chiffre qui tue. Une telle politique quantitative mène à ces tragédies, à la dislocation des familles, à ces vies d'enfants détruites par l'expulsion d'un de leurs parents..."
En avril, il expliquait son engagement au sein de RESF:
"Pourquoi les gens s'investissent? Pourquoi parrainent-ils des familles? Parce qu'au fil des mois, des relations humaines fortes se sont nouées avec les parents, avec les enfants, et qu'il devient impensable, intolérable pour nous, de ne pas tenir notre rôle de citoyen le jour où l'on apprend qu'un père de famille va être expulsé..."
Un militant "primé à Bruxelles et réprimé à Marseille"
Toute la semaine, à Marseille, des projections, des débats et des manifestations ont été programmées pour préparer le procès. Une "journée nationale de solidarité avec les étrangers" a également été organisée samedi 20 octobre.
Florimond Guimard a par ailleurs été symboliquement désigné cette semaine pour recevoir à Bruxelles, au Parlement européen, au nom du RESF, le prix Silver Rose Award décerné par l'association Solidar. Cette alliance internationale de syndicats et d'organisations non-gouvernementales récompense chaque année "les contributions exceptionnelles d'individus ou d'organisations pro-actives dans le combat pour la justice sociale et qui consacre leur travail à l'avènement d'une société plus juste et plus équitable".
Un tract circulait ces derniers jours, à Marseille notamment, relevant l'ironie de la situation:"Florimond Guimard? Primé à Bruxelles, réprimé à Marseille..."
source:http://rue89.com/2007/10/21/un-militant-de-resf-juge-pour-le-pouce-blesse-dun-policier
Par Rémi Leroux
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