09/11/2007

Les matons n'en peuvent plus

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Les surveillants de prison et les étudiants ont défilé jeudi dans les rues de Paris. Mais pas ensemble. A quelques rues de la manifestation étudiante place de la Bastille, 2.000 matons en uniforme ont pris sur leur jour de repos pour sortir banderoles, sifflets et fumigènes devant le siège de l'administration pénitentiaire (AP), avant de se diriger vers le ministère de la Justice.Les matons battent le pavé parisien
Devant le siège de l'administration pénitentiaire, jeudi à Paris. (DR)
Près de 2.000 surveillants de prison ont manifesté jeudi à Paris pour dénoncer la dégradation de leurs conditions de travail.
Cordélia Bonal
LIBERATION.FR : jeudi 8 novembre 2007

Insalubrité et surpopulation
Rassemblés à l'appel de l'Union fédérale autonome pénitentiaire, (Ufap, le principal syndicat du personnel pénitentiaire), et de la CGT, FO ayant choisi de ne pas s'associer au mouvement, ils réclament une revalorisation de leurs indemnités (garde de nuit et de week-end, treizième mois), et dénoncent la dégradation des conditions de travail dans les prisons: surpopulation, sous-effectif du personnel, rythmes de travail épuisants, insalubrité, agressions sur le personnel...

Avec au 1er octobre 63 500 détenus en France de source syndicale, 61 000 selon le ministère de la Justice, pour 50 000 places, la surpopulation carcérale s'aggrave de mois en mois. Dans les maisons d'arrêts, les plus surpeuplées (où sont les prévenus en attente de jugement et les condamnés à de courtes peines), les surveillants commencent à constater les effets du surencombrement provoqué par la récente loi sur la récidive.
Les cellules, prévues pour deux, logent donc en réalité bien souvent trois, quatre ou même cinq détenus. «Dans le pays des Droits de l'homme, il n'est pas normal que les détenus dorment sur des matelas par terre. Là, ça devient vraiment de la folie», s'énerve David Besson, secrétaire général adjoint de l'Ufap.


Pas de droit de grève
Conséquence directe de la surpopulation, la tension monte entre détenus, et entre incarcérés et surveillants. Ces derniers disent être confrontés à de plus en plus d'attaques physiques. «Les détenus en viennent vite aux mains, les agressions de surveillants, c'est tous les jours, témoigne Lydia Amenzou, première surveillante à la maison d'arrêt de Bois-d'Arcy, et qui doit, à elle seule, prendre en charge 60 détenus. Or comme on est dans un milieu très fermé, que l'on n'a pas le droit de grève, beaucoup de choses sont étouffées.»

Grande coupable aux yeux des manifestants: l'Administration pénitentiaire, accusée de minimiser les faits. «Tant qu'il n'y a pas quinze points de suture, l'AP ne réagit pas», résume Christian Fischer, délégué CGT à la maison d'arrêt de l'Elsau, près de Strasbourg, «700 détenus pour 420 places». Même constat pour David Besson: «L'AP magouille les chiffres, il n'y a pas d'autre mot. Comment se fait-il qu'un coup de poing sur un surveillant ne soit pas reconnu comme une agression?» Comme ses collègues, il déplore l'incarcération des détenus présentant des problèmes psychiatriques avec les autres.

Le 22 octobre, le comité d'orientation sur la future loi pénitentiaire, qui devrait être examinée à l'Assemblée à partir de décembre, a remis à la ministre de la Justice Rachida Dati une première mouture de ses propositions.

Contrôleur indépendant des prisons
Le texte, destiné à mettre la France en conformité avec les règles pénitentiaires du Conseil de l'Europe, prévoit notamment la nomination d'un contrôleur indépendant des prisons. Chez les mâtons, on voit l'initiative d'un bon œil, mais sans grandes illusions. «Un contrôleur indépendant, c'est une bonne chose. Mais sera-t-il vraiment indépendant et aura-t-il de vrais moyens pour agir ?», s'interroge-t-on dans le cortège, avec l'air de connaître déjà la réponse.



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