06/12/2007

Où est la Liberté ?

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"Le blocus est injuste et liberticide... ... et je dis ça de manière neutre, apolitique et objective"

L'assertion ci-dessus est une arnaque. Pourquoi ?Du blocus et de la démocratie...

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Tout simplement parce que ce qui est Juste et ce qui ne l'est pas n'est pas défini en soi, le Juste n'existe pas dans l'absolu. Quelque chose est Juste au regard d'une norme, d'un ensemble de valeurs, ce qu'on appelle couramment l'idéologie. C'est l'idéologie qui définit ce qui est juste et ce qui ne l'est pas. Les blocus est certes une limitation de certaines libertés individuelles (liberté d'étudier, d'aller en cours, etc., si tant est qu'on se considère libre d'aller en cours (ou non), c'est-à-dire libre de faire des études (ou non), c'est-à-dire libre de réussir de réussir son insertion professionnelle (ou non) etc.) mais ce n'est pas que parce que l'idéologie dominante actuelle (l'idéologie libérale) prône le respect des libertés individuelles comme valeur suprême qu'un blocus devient injuste et liberticide.

Qu'en déduit-on Que les bloqueurs sont contre la Liberté ? Bien sûr que non. Bloqueurs, anti-bloqueurs, tout le monde est pour la Liberté, ça va de soi, personne n'est pour l'oppression et la dictature. Mais de quelle liberté parle-t-on ? La Liberté n'est pas un concept unidimensionnel évidemment. On peut en discerner 2 types : Libertés Civiles et Liberté Publique (chez H. Arendt par exemple, ou Liberté des Modernes et Liberté des Anciens chez B. Constant ce qui revient un peu au même pour nous aujourd'hui).

Le problème revient à hiérarchiser ces différentes Libertés entre elles. On est tous pour les Droits de l'Homme (comment être contre ?) mais ce n'est pas ça qui compte. Ce qui compte, c'est la manière dont on les hiérarchise, si l'on met le droit à la vie devant le droit à la liberté, on est contre l'avortement. Si on met le droit à la liberté (des femmes à disposer de leur corps) devant le droit à la vie, on est pour l'avortement. Ca change donc tout.

Pour certains, les libertés civiles (libertés individuelles) sont les plus importantes. Ces gens sont plutôt sur un "pôle libéral". L'individu passe avant le collectif et d'ailleurs le collectif n'est que la somme des individus, ni plus ni moins. Le système politique qui sied bien à ces gens, c'est le notre, la démocratie libérale, où notre droite s'arrête à notre voix (électorale). Le système économique, c'est aussi le notre, le capitalisme où le marché (l'accumulation des choix privés et individuels d'acheter ou de vendre des choses) se régule tout seul. Bref, c'est plutôt l'option droite/centre gauche.

Pour d'autres, la Liberté publique est plus importante. C'est le vivre-ensemble qui prime et pour ces gens, le social, c'est plus qu'une somme d'individus. Une foule, ce n'est pas le comportement additionné de plein de gens rationnels, c'est une nouvelle entité. Et pour ces gens, être citoyen, c'est pas seulement aller aux urnes. Ca, c'est plutôt l'option gauche/extrême gauche.

De fait, dire qu'on est neutre, apolitique et objectif, c'est faux. Chaque positionnement est idéologique. Et en général, un positionnement qui se dit neutre, c'est un positionnement qui, en filigrane, est simplement concordant avec la pensée dominante (ici le libéralisme bien sûr). Faire un blocus, c'est injuste mais surtout au regard de l'idéologie libérale, pas forcément au regard d'une autre d'une autre manière de penser. Dire que c'est injuste, c'est donc prendre parti pour une idéologie (traditionnellement de droite puisqu'elle favorise les porteurs du capital, etc.)

Voilà pour les arguments théoriques. Pour les arguments factuels :

Des études montrent que les mouvements sociaux les plus efficaces (ceux dont les revendications sont les plus satisfaites) sont ceux qui, entre autres, sont capables d'adopter des formes d'actions perturbatrices, voire violentes (W. Gamson, 1975, 1990)... Et oui, c'est moche mais c'est comme ça. Un mouvement social non médiatisé, qui ne gêne personne et dont personne n'a d'intérêt à ce qu'il s'arrête le plus tôt possible, c'est un mouvement invisible et/ou mort. On ne peut se dire à la fois contre le blocus des facs et pour les revendications des bloqueurs/manifestants/grévistes (ou alors, c'est une simple posture intellectuelle, confortable et charitable...)

Dans le monde anglo-saxon (Royaume-Uni, USA, etc.) un monde très libéral, très respectueux des libertés individuelles (pour rappel, c'est l'article 1 de la constitution américaine.), chacun peut protester autant qu'il veut, à son échelle individuelle. Les mouvements collectifs (grève, blocus, etc.) sont très mal vus et il y en a très peu, c'est comme ça, c'est pas dans leur culture. Et bien malgré de nombreux sous-groupes d'activistes très actifs, ce sont les pays qui ont socialement régressé le plus rapidement en 30 ans de libéralisme. Le fossé entre riches et pauvres est énorme et s'agrandit toujours. En partie parce que les salariés se sont interdits des moyens de luttes collectifs efficaces (bien plus qu'un film de Michael Moore seulement regardé par les déjà convaincus/convertis) mais contraignants pour les libertés individuelles (liberté d'aller au travail tous les matins à 8h)

Conclusion

On ne peut décidément pas dire : "Je suis contre le blocus parce que je défends juste la liberté de chacun de faire ce qu'il veut". C'est manifestement plus complexe et c'est même un positionnement qui finalement en dit long sur les partis pris inconscients (en terme d'idéologie) de celui qui l'affiche.

En revanche, je n'ai rien contre quelqu'un qui dirait : "Le blocus, ça m'emmerde parce que je peux pas aller en cours et je peux pas assurer mon avenir (avoir mon année, un bon diplôme, etc.). Les réformes et l'avenir de la fac, je m'en fous parce que de toute façon, ce n'est pas l'avenir collectif qui m'intéresse mais le fait qu'on n'empiète pas sur mes libertés individuelles. Oui, je suis individualiste, libéral et je vous emmerde."

Je serais même contraint au respect devant une telle honnêteté intellectuelle. J'en appelle donc (modestement) en conclusion à l'honnêteté intellectuelle...

Texte trouvé sur les tables des bloqueurs à l'université de Poitiers.

http://lemouvementetudiant.blogspot.com
le jeudi 6 décembre 2007 à 01h30

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Très belle trouvaille, Cat ;)

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