09/01/2008

Une promesse d'embauche comme seul papier

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C’est une feuille A4 ramollie et pliée en quatre. Une promesse d’embauche en CDI par une grosse entreprise de BTP de la région lyonnaise. Samuel Mkrttchian la garde précieusement dans la poche de sa veste, à hauteur de poitrine. Et ne la quitte jamais. «C’est mon seul papier», dit-il. Un papier qui n’en est pas un. Mais qui, à défaut, prouve sa qualité professionnelle. Et donc son utilité…

SOCIÉTÉ - C’est une feuille A4 ramollie et pliée en quatre. Une promesse d’embauche en CDI par une grosse entreprise de BTP de la région lyonnaise. Samuel Mkrttchian la garde précieusement dans la poche de sa veste, à hauteur de poitrine. Et ne la quitte jamais. «C’est mon seul papier», dit-il. Un papier qui n’en est pas un. Mais qui, à défaut, prouve sa qualité professionnelle. Et donc son utilité…

Il ajoute: «Mes patrons savent bien, je suis spécialiste des car­relages et de la peinture. On me demande dans mon ­métier.» Ses patrons, pour l’instant, l’emploient au noir. «Je suis toujours d’accord pour partir partout sur les chantiers.»Métiers. Samuel est Arménien. Il vit dans la banlieue lyonnaise depuis un peu plus de trois ans avec sa femme Marina et leur fils de 16 ans. Ils ont été déboutés de leurs demandes d’asile, déboutés de la circulaire Sarkozy de l’été 2006 pour la régularisation des familles dont les enfants sont scolarisés en France. Mardi 8 janvier, ils passeront ­devant le tribunal administratif pour tenter de faire annuler l’invitation à quitter le territoire qu’ils ont reçue au printemps et qui fait d’eux des clandestins. Ils plaideront qu’ils ont des métiers dont la France manque. Même si, en tant qu’Arméniens, ils ne rentrent pas dans les cases des quotas métiers-nationalités définis par le gouvernement. Lui, donc, est dans le bâtiment. Elle était infirmière en Arménie. Sa formation n’est pas reconnue en France. Mais elle estime pouvoir exercer dans les services à la personne ou certains métiers paramédicaux. C’est ce qu’elle faisait lorsque, après avoir fui l’Arménie, ils ont longtemps été clandestins en Russie. «Là-bas, on pouvait travailler sans papiers, ça dérange pas, mais c’est vite devenu insupportable politiquement, parce que les nationalistes n’aiment pas les Arméniens.» Ici, Marina ne travaille pas. Elle suit plusieurs fois par semaine des cours de français. Elle ne désespère pas de pouvoir un jour travailler, mais, pour l’instant, c’est Samuel qui fait vivre le foyer. Son secteur d’activité, le bâtiment, est en quête ­permanente de main-d’œuvre, et il trouve sans problème des employeurs pour qui faire travailler au noir des clandestins n’est pas franchement tabou.

Communauté. Vue de l’extérieur, la famille Mkrttchian semble vivre comme n’importe quelle autre famille. Ils habitent un appartement que la mairie les a aidés à trouver dans une barre HLM de Vaulx-en-Velin . Ils paient leur loyer. Salguis, le fils, est en troisième. Il a un peu de retard dû à la période d’apprentissage de la langue et, surtout, à sa non-scolarisation lorsque la famille vivait en Russie. Mais, selon une de ses profs d’histoire-géo, c’est un «excellent élève». La famille a pas mal d’amis à Vaulx-en-Velin. Notamment parmi la communauté arménienne, assez nombreuse dans l’Est lyonnais. Ils reçoivent, sortent. Ne se cachent pas. Ne font pas de bruit non plus. Lorsque les profs du collège de Salguis ont voulu se mobiliser pour eux, Marina a eu peur des vagues. Que cela alerte la police. Les Mkrttchian veulent juste essayer de se faire discrètement une place en France.
A.Gd.



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