05/02/2008

Tchad un point de vue

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Tres bon article à lire ici...
Par Théophile Kouamouo
http://kouamouo.ivoire-blog.com/archive/2008/02/03/tchad-le-dictateur-s-en-va-bienvenue-au-dictateur.html

03.02.2008
Tchad : le dictateur s'en va, bienvenue au dictateur ?


Au moment où j'écris ce billet, s'interroger sur le cas Idriss Déby, c'est d'abord s'interroger sur la durée de sa résistance et sur la violence du sort qui l'attend. Sera-t-il totalement renversé dans deux heures, dans six heures, dans deux jours, dans une semaine ? Va-t-il accepter d'être exflitré, d'être arrêté, de mourir les armes à la main, d'être pendu à la Saddam Hussein ?


Bien entendu, les rebelles ne doivent pas vendre la peau de l'ours avant de l'avoir tué, et un spectaculaire retournement de la situation est toujours envisageable. Mais il est évident que Déby, (ex ?) président tchadien, est dans un beau pétrin. Ses frères ennemis sont à l'intérieur de Ndjaména et ouvrent de nouveaux fronts dans l'est, son chef d'état-major a été tué, et ses alliés français affirment ne pas vouloir aller plus loin que le "service minimum" pour lui. Il est donc très probable que Déby subisse bientôt le sort d'Hissène Habré (qu'il a renversé) ou d'Ange-Félix Patassé (qu'il a participé à renverser).









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Peu d'observateurs verseront des larmes pour Idriss Déby. La chute de Zaghawa fruste, membre de la tribu des Bidéates, qui a obtenu son pouvoir par la force et s'est montré à l'usage un prévaricateur forcené, ne ferait que confirmer l'adage biblique : qui règne par l'épée, périra par l'épée !

Personnellement, j'ai eu l'occasion d'observer Idriss Déby pendant plusieurs heures, alors que je couvrais une visite du président ivoirien Laurent Gbagbo à Ndjaména. J'ai été frappé par la pauvreté de Ndjaména, pas mieux lotie qu'un chef-lieu de département au Cameroun voisin, mais aussi par le nombre de Hummer à la disposition de Déby. J'ai été écoeuré en voyant les soldats ordinaires prendre leurs libertés dans le salon d'honneur de l'aéroport, et quitter leur poste pour plonger des doigts crasseux dans les assiettes de cacahuètes offertes aux délégations officielles. Détail certes, mais détail révélateur !
J'ai entendu, avec effarement, lors d'une conférence de presse, un chef d'Etat presque parfaitement analphabète, accumuler les fautes de français dès qu'il ouvrait la bouche - "les Lions de Côte d'Ivoire" à la place des "Eléphants de Côte d'Ivoire", "la coupe FIFA" au lieu de la "coupe du Monde", et j'en oublie des plus belles... Un chef d'Etat analphabète applaudi de manière hystérique par sa Cour à chacune de ses bourdes.

Ma première réaction, à l'annonce d'un revers de Déby, serait donc d'avoir une joie mauvaise et de lancer un sonore : bien fait ! Mais les émotions primaires n'ont jamais fait une bonne analyse politique.

Il faut comprendre. D'abord le contexte géopolitique.
Les rebelles tchadiens sont fortement soutenus par le Soudan, dictature ignoble, souvent qualifiée de raciste, et aujourd'hui accusée de "génocide" par des Occidentaux qui ne sont pas sans arrières-pensées, tout à leur guerre contre l'expansionnisme chinois. Les chiens ne faisant pas des chats, les dictateurs tchadiens étant toujours été "produits" par la dictature soudanaise, l'on est tenté de se dire : le dictateur s'en va, vive le dictateur !
On peut aussi penser que les putschistes tchadiens, pour se légitimer, pourraient encourager des progrès démocratiques comme on l'a vu au Mali et en Mauritanie. Les paris sont ouverts...

On peut analyser la situation tchadienne à l'aune des calculs, des réussites et des revers de la Françafrique. Mais il est difficile d'y lire clairement.
Paris avait intérêt au maintien de Déby, puisque de lui dépend l'installation de l'Eufor à quelques kilomètres du Darfour, ce qui est d'une importance stratégique capitale et qui serait une réussite pour l'exécutif Sarkozy, qui brûle de se faire valoir auprès des Etats-Unis en prenant des positions fortes à des endroits-clés. Pourquoi donc lâcher le satrape de Ndjaména ?
L'agacement lié à l'affaire de l'arche de Zoé est-il une raison suffisante ? Déby est-il victime, comme Bédié hier, des divergences d'appréciation entre l'Elysée, Matignon, le Quai d'Orsay, les militaires ?
Il n'y a pourtant pas de cohabitation au sommet. Peut-être aussi que Paris s'est dit que le degré de pourrissement interne du régime Déby l'aurait obligé à intervenir trop fortement, ce qui aurait été un danger pour les ressortissants français, et pour la réputation de la France en Afrique, déjà en lambeaux. Il est aussi possible que Paris ait négocié un "deal raisonnable" avec des rebelles bien connus, puisqu'ils étaient hier les grognards du régime Déby.
De manière fondamentale, on constate que les accords de Défense entre Paris et ses anciennes colonies ne valent que pour ceux qui y croient ; et qu'ils ne sont pas synonymes de stabilité, puisque le Tchad, où sont positionnés depuis une trentaine d'années des centaines de militaires hexagonaux, est un des pays les plus instables du continent.

A mon avis, la seule grille d'analyse de ce qui se passe actuellement au Tchad est le modèle démocratique qui sortira de cette nouvelle crise. Le Tchad n'a jamais connu de démocratie, de droits de l'homme, de libertés économiques, depuis son indépendance. Les chefs de guerre nordistes y règnent depuis des décennies, travestissant la notion d'alternance en se succédant au gré des issues de leurs combats fratricides.
Il faut enfin donner la parole au Tchadien de base, pour entendre ses aspirations, et lui donner le droit de choisir ses dirigeants, au-delà de la brutalité et des mascarades électorales.
Peu importent les allégeances internationales de ceux qui auront le courage du changement, ils seront des héros.
Peu importent les allégeances internationales de ceux qui voudront faire du Déby sans Déby, ils seront des tyrans.



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