26/02/2009

Lettre des ethnologues à Albanel

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Lettre des ethnologues à Albanel


Paris, le 24 février 2009

Madame la ministre,

En novembre dernier, Nicolas Sarkozy faisait force démonstration pour célébrer le centenaire de Claude Lévi-Strauss dont l’œuvre immense a contribué à ériger l’ethnologie comme discipline de recherche scientifique de premier plan reconnue par la communauté internationale. Par là, elle a grandement concouru au développement d’une politique du patrimoine ethnologique en France. Pourtant, force est de constater que, depuis une dizaine d’années, la politique du Ministère de la culture en matière d’ethnologie ne cesse de péricliter.






Lettre des ethnologues à Albanel


Paris, le 24 février 2009

Madame la ministre,

En novembre dernier, Nicolas Sarkozy faisait force démonstration pour célébrer le centenaire de Claude Lévi-Strauss dont l’œuvre immense a contribué à ériger l’ethnologie comme discipline de recherche scientifique de premier plan reconnue par la communauté internationale. Par là, elle a grandement concouru au développement d’une politique du patrimoine ethnologique en France. Pourtant, force est de constater que, depuis une dizaine d’années, la politique du Ministère de la culture en matière d’ethnologie ne cesse de péricliter.

Dans le cadre de la RGPP, non seulement la mission Ethnologie, pourtant déjà réduite à la portion congrue, mais aussi toute référence à cette matière disparaît de l’organigramme de la future Direction générale des patrimoines de France. Ce qui, aux yeux de nombreux chercheurs, comme aux nôtres ainsi qu’aux yeux d’acteurs culturels et territoriaux, confirme la volonté du Ministère de marginaliser cette mission, comme il a tenté de le faire dans le domaine de la langue française.

En DRAC, si rien n’est fait, les conseillers à l’ethnologie disparaîtront d’ici peu. Dans le récent projet de décret relatif aux directions régionales des affaires culturelles, l’ethnologie n’est d’ailleurs plus expressément mentionnée parmi les missions de ces dernières. Mais il est vrai que le rapport Berthod, dont on nous a pourtant dit à plusieurs reprises qu’il n’aurait aucun effet, préconisait, au regard des caractéristiques démographiques des conseillers pour l’ethnologie, de laisser le corps s’éteindre. Cette situation risque d’interdire à terme, malgré la forte demande du terrain, toute mise en œuvre d’une véritable politique de recherche et d’intervention ethnologiques sur l’ensemble du territoire national.

Dans le même temps, le Musée national des arts et traditions populaires, outil irremplaçable pour la compréhension de l’histoire de la société et de la citoyenneté françaises, est fermé au public depuis trois ans. Il est ainsi promis au démantèlement, suivant en cela le triste sort du musée de l’Homme ou du musée des arts d’Afrique et d’Océanie. En quelques années, le pouvoir a ainsi détruit de vénérables musées nationaux d’ethnologie, dont le rôle était de présenter à un très large public les différents aspects d’un ensemble de recherches en sciences sociales relevant de disciplines souvent fort mal connues.

C’est ainsi tout un pan de l’activité du ministère, laquelle a permis à la fois le développement d’actions culturelles en lien avec le territoire et les populations et la prise en considération de nouveaux patrimoines, qui va disparaître. Deux grands domaines concernant les sciences sociales au sein du ministère sont concernés : l’un dans une logique de diffusion des résultats des recherches en sciences sociales dans les musées articulées à la question des collections, l’autre de procédure de construction du savoir en lien avec les acteurs présents (habitants, professionnels de la culture, politiques et scientifiques), voire de mise en place de procédures de démocratie patrimoniale.

Nous estimons que, comme la loi lui en fait obligation, il appartient au ministère de la culture de se donner les moyens de contribuer aux travaux d’inventaire et d’élaboration des dossiers relatifs au patrimoine culturel immatériel dans la cadre de la convention de l’UNESCO de 2003. Il se doit également de répondre aux multiples demandes d’accompagnement émanant notamment des collectivités territoriales pour la connaissance, la construction et la mise en valeur de leur patrimoine local.

Plus que jamais, les compétences des ethnologues, leurs capacités d’expertise territoriale, leur haut niveau scientifique sont essentiels au moment où le ministère de la culture doit répondre à de nouveaux enjeux. Comme ils le signalent eux-mêmes : « L’inventaire du patrimoine culturel immatériel suite à la ratification par la France en 2006 de la Convention de l’UNESCO en est un. Mais plus généralement, ces enjeux sont liés à la demande croissante de reconnaissance de nouvelles cultures et de nouveaux patrimoines dans une société française plus urbaine, tournée vers l’Europe, amenée désormais à prendre en compte sa diversité intrinsèque - sans que celle-ci puisse être encore considérée comme une menace de désintégration nationale. »

Rappelons que l’Association Nationale des Ethnologues Régionaux (ANER) vous a déjà interpellé dans un courrier daté du 19 décembre 2008. Accompagné d’un document mettant en perspective les modalités de l’expertise des conseillers à l’ethnologie et des ethnologues régionaux, celui-ci faisait mention de propositions concrètes pour une réorganisation de l’ethnologie au sein du ministère de la culture et de la communication et sollicitait un entretien avec vous. En dépit de cette volonté pour trouver une solution dans l’intérêt du ministère et de ses agents, la lettre est restée sans réponse à l’heure actuelle de votre part.

L’intersyndicale Culture vous demande de recevoir les organisations syndicales dans les meilleurs délais afin d’évoquer ces questions cruciales pour l’avenir de l’ethnologie.

Nous vous prions de croire, madame la ministre en l’expression de notre considération distinguée.

CFDT, CFTC, CGT, FO, FSU, SUD, UNSA







http://torapamavoa.blogspot.com

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