13/04/2011

Abandon du bouclier fiscal

Partager
.

L'abandon du bouclier fiscal, fin d'un symbole du sarkozysme

LEMONDE | 13.04.11 | 13h27  •  Mis à jour le 13.04.11 | 13h27
 
  Nicolas Sarkozy a tranché. Après avoir longtemps rêvé de supprimer l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF), le président de la République s'est rangé, mardi 12 avril, à l'avis dominant de sa majorité parlementaire. L'ISF, qui a rapporté 4,2 milliards d'euros en 2010, ne sera pas supprimé, mais allégé, tandis que le bouclier fiscal (600 millions d'euros) sera abrogé. Pour ne pas heurter les classes moyennes à un an de l'élection présidentielle, le gouvernement a fait le choix de ne pas toucher à l'assurance-vie, l'un des produits de placement préférés des Français, afin de financer sa réforme fiscale.

Il a choisi de taxer les successions, les non-résidents et les expatriés. La réforme sera incluse dans le projet de loi de finances rectificative présenté au conseil des ministres du 11 mai et examiné au Parlement début juin
Le paquet fiscal de l'été 2007, symbole du sarkozysme triomphant, n'en finit pas de mourir : outre le bouclier fiscal et un allégement massif des droits de succession, il comportait la déductibilité des intérêts d'emprunts pour la résidence principale supprimée depuis le 1er janvier 2011. De cette loi emblématique qui pariait sur la croissance et le "travailler plus pour gagner plus", il ne reste que la non-imposition des heures supplémentaires. "Nul d'entre nous n'avait osé dire que c'étaient de mauvaises mesures", confesse un ancien conseiller du président.
Le bouclier fiscal, qui plafonne les impôts directs, y compris les contributions sociales, à 50 % des revenus était devenu avec la crise un boulet pour la majorité et le symbole de l'injustice de la politique fiscale de l'exécutif. Le chèque de 30 millions d'euros perçu à ce titre par Liliane Bettencourt, l'héritière de L'Oréal, avait rendu la situation intenable.
Les arbitrages ont été pris mardi 12 avril par M. Sarkozy au cours d'un déjeuner avec le premier ministre François Fillon, la ministre des finances, Christine Lagarde, et le ministre du budget, François Baroin. Les présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat, Bernard Accoyer et Gérard Larcher, ont ensuite été consultés, tout comme le secrétaire général de l'UMP, Jean-François Copé. En fin d'après-midi, M. Baroin a présenté le projet en fin d'après-midi au groupe de travail parlementaire sur la fiscalité du patrimoine.
Invoquant l'exemple allemand, le chef de l'Etat a défendu pendant des semaines une double suppression, celle de du bouclier fiscal et de l'ISF. Mais il a dû se rendre à l'évidence : il ne disposait pas de majorité pour prendre cette double mesure qu'il juge économiquement nécessaire pour conserver entreprises et talents en France.
A un an des législatives, les parlementaires ne voulaient pas être accusés de mener une politique en faveur des plus riches et abroger l'impôt sur la fortune. Ils ont en souvenir l'échec de Jacques Chirac à l'élection présidentielle de 1988, qui avait aboli l'impôt sur les grandes fortunes. Jusqu'au bout, Nicolas Sarkozy a envisagé de maintenir un bouclier fiscal assoupli, comme celui de Dominique de Villepin (60 % des revenus sans prendre en compte les cotisations sociales) ou au moins un plafonnement, comme celui instauré par Michel Rocard en 1988 (l'impôt sur le revenu et l'ISF ne devaient pas excéder 70 % du revenu) qui perdure, mais au taux de 85 %.
C'était prendre le risque, souligné par François Fillon, de se faire accuser par les socialistes de ne pas avoir supprimé complètement le bouclier fiscal. Bercy, en quête de recettes fiscales, plaidait lui aussi pour le renoncement à tout mécanisme de plafonnement. La suppression du bouclier rapportera 600 millions d'euros au fisc, la fin du plafonnement 200 millions d'euros.
Après avoir défendu une approche économique de la fiscalité du patrimoine - il ne faut pas faire fuir les talents et les entreprises -, l'Elysée a opté pour une approche sociale, en pleine polémique sur le pouvoir d'achat. L'Elysée toutefois défend la pertinence économique du modèle adopté : la France avait un impôt jugé "confiscatoire" qui avait été "bricolé" avec le bouclier fiscal. L'impôt n'est désormais plus confiscatoire, assure l'Elysée, puisque le taux maximal d'imposition passe de 1,8 % à 0,5 %.
C'est aussi l'avis du sénateur Philippe Marini, rapporteur de la commission des finances du Palais du Luxembourg, qui parle d'un "aménagement raisonné" de l'ISF. Un ministre est beaucoup plus dubitatif : "Tout ce qui pouvait dissuader les gens de partir de France vole en éclat." "On est passé d'une logique économique à un affichage politique", s'afflige ce ministre.
En 2007, M. Sarkozy n'avait pas osé toucher à l'ISF, ni baisser son taux, comme le proposait le candidat centriste François Bayrou, partisan d'une imposition d'un pour mille avec une assiette large.
Cet affichage "social" est censé compenser une mesure à destination des classes supérieures, dont le patrimoine a progressé avec l'envolée de l'immobilier. La résidence principale n'est pas exonérée, mais, comme M. Baroin l'avait indiqué le 5 avril, le seuil d'entrée de l'ISF sera relevé de 800 000 euros à 1,3 million, ce qui permet d'en faire sortir quelque 300 000 contribuables et devrait coûter 300 millions d'euros à l'Etat.
Les contribuables dont le patrimoine net imposable est compris entre 1,3 million et 3 millions d'euros auront à acquitter un ISF aux taux de 0,25 % dès le premier euro. Cette mesure va entraîner un effet de seuil important : le contribuable qui franchit le cap de 1,3 million aura 3 250 euros d'impôts à payer. Au-delà de 3 millions d'euros, le taux d'imposition sera de 0,5 %. La réforme, qui fait passer le nombre de tanches de 7 à 3, coûte 900 millions d'euros à l'Etat. L'assiette de l'ISF ne change pas. Les oeuvres d'art et les biens professionnels en resteront exonérés, et la résidence principale continuera de bénéficier d'un abattement de 30 %.
Les parlementaires, et en particulier M. Marini et Hervé Mariton (UMP, Drôme) qui plaidaient pour que l'allégement de l'ISF fût appliqué dès 2011, ont été entendus. Les redevables de la première tranche (entre 800 000 euros et 1,3 million) n'auront pas cette année à faire de déclaration spécifique d'ISF en juin et seront exonérés de cet impôt en 2011. L'ISF-PME est maintenu.
En contrepartie de cet allégement, dont M. Marini chiffre le coût global à 1,5 milliard, différentes mesures alourdiront l'imposition des successions : la suppression de la réduction des droits de donation liés à l'âge, le rallongement de 6 à 10 ans du rythme des donations (Nicolas Sarkozy les ayant fait passer de 10 à 6...) qui rapporterait 450 millions mais poserait des problèmes de rétroactivité. Le taux d'imposition sur les successions de plus de 4 millions d'euros augmentera de 5 points.
Faute de s'attaquer à l'assurance-vie, le gouvernement va mettre les expatriés et les non-résidents à contribution. Une "exit tax", imposant à 19 % les plus-values réelles réalisées lors de la cession d'un patrimoine expatrié, sera mise en place. En 1997, Lionel Jospin avait instauré un mécanisme qui taxait les plus-values latentes, mais il n'était pas conforme avec la législation européenne et avait été supprimé en 2002. De même, il y aura une taxation forfaitaire des résidences secondaires détenues par des non-résidents.
Certains parlementaires s'emploieront à éviter une entrée trop brutale dans le barème de l'ISF par un effet de lissage. Députés et sénateurs UMP sont aussi décidés à imposer un débat sur la tranche marginale de l'impôt sur le revenu. Mais, à ces nuances près, la plupart se félicitaient mardi soir des arbitrages présidentiels. In fine, M. Sarkozy n'a pas pu imposer la réforme qu'il souhaitait, la double abolition de l'ISF et du bouclier, compensée par un accroissement de la fiscalité de l'épargne. La mesure aurait pénalisé les classes moyennes.
Les principales mesuresSuppression du bouclier fiscal
et de tout plafonnement de l'ISF.
Allégement de l'ISF : le seuil d'entrée est relevé de 800 000 euros à 1,3 million d'euros de patrimoine net taxable. Les taux sont abaissés mais les patrimoines taxés dès le premier euro.
Imposition sur les successions alourdie et mise à contribution des expatriés : suppression de la réduction des droits de donation liée à l'âge ; rallongement de six à dix ans du rythme des donations ; taxation accrue des successions de plus de 4 millions ; exit tax sur les plus-values réalisées en cas de cession d'un patrimoine expatrié.
Claire Guélaud et Arnaud Leparmentierun article propulsé par TORAPAMAVOA :
http://torapamavoa.blogspot.com Clikez LIRE LA SUITE ci dessous pour lire la suite de l'article...^^

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire