13/04/2012

Passeport biométrique et empreintes digitales : l’Etat assigné

Partager

Passeport biométrique et empreintes digitales : l’Etat assigné

REUTERS/Beawiharta Beawiharta

Faute d’instructions claires, des préfectures continuent à exiger huit empreintes digitales au lieu de deux aux citoyens venus demander un passeport. L’Etat est assigné devant le tribunal de Paris le 15 mai.

Fin octobre, le Conseil d’État annulait en partie le décret sur le passeport biométrique de 2008. Celui-ci prévoyait la collecte et la conservation de huit empreintes digitales dans un fichier central (tous les doigts sauf les pouces), même si seulement deux empreintes figuraient effectivement dans la puce du passeport (les deux index).
Désormais, seules les deux empreintes d’index contenues dans la puce sont légales. Pour éviter un flou juridique sur les démarches administratives et sur les 6,3 millions de passeports biométriques déjà en service, le ministère de l’Intérieur avait assez vite réagi. Par la voix de son porte-parole, Pierre-Henry Brandet :


“À partir du 1er décembre, tout sera effectif dans le système, on ne collectera plus que deux empreintes de doigt – deux index – au lieu de huit.” Concernant les passeports déjà délivrés : “Il va falloir que l’Agence nationale des titres sécurisés (ANTS) procède à l’effacement des données de sa base. Cela va concerner 40 millions d’empreintes. Ça prendra plusieurs mois de travail.”
Malgré les intentions claires affichées par le ministère de l’Intérieur, aucune circulaire n’est venue préciser depuis aux préfectures quelle attitude adopter. Plusieurs députés ont posé des questions écrites au ministère pour savoir ce qui allait se passer : Jean-Luc Warsmann (UMP), Jean-Jacques Urvoas, François Lamy, Gérard Bapt et Martine Martinel (PS). Toutes sont restées sans réponse à ce jour.
L’avocat Christophe Leguevaques, qui défendait déjà les requérants devant le Conseil d’Etat, a repris sa plume. Cette fois-ci, il assigne l’Etat pour “voie de fait”, devant le tribunal de grande instance de Paris. L’audience doit avoir lieu le 15 mai.
Des interprétations variées
A l’appui, plusieurs exemples récents démontrent que “les préfectures ou les communes en charge de la délivrance des passeports continuent à collecter et à conserver [...] HUIT empreintes digitales au lieu de DEUX, et refusent de délivrer des passeports aux citoyens opposant l’arrêt du Conseil d’État à l’administration”.
Dans la Somme, le site de la préfecture donne des consignes tortueuses :
“Les demandeurs de passeport continuent de montrer 8 doigts, mais seules 2 empreintes qui seront portées sur la puce du passeport sont conservées dans la base informatique centrale du ministère de l’Intérieur.”
La préfecture du Var, elle, s’est fendue d’une lettre interprétant de manière très originale l’arrêt du Conseil d’Etat :
“Seule la collecte des 8 empreintes et leur conservation dans la base nationale centralisées ont été jugées non conforme au droit. Il est donc possible de collecter huit empreintes mais de ne conserver que les deux qui figurent sur le passeport. Conformément à cette décision, votre demande de passeport est rejetée.”
Christophe Leguevaques estime qu’en refusant de délivrer un passeport à ceux qui ne veulent pas donner huit empreintes, l’Etat les empêche d’aller et venir :
“Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 22 mars sur le “fichier des gens honnêtes”, nous donne raison : créer un tel fichier serait une atteinte aux libertés fondamentales.”
L’avocat demande la remise du passeport à ses clients, sous 48 heures, sous peine d’astreinte. Pour ceux qui ont déjà donné leurs empreintes, il veut une preuve de leur destruction. Et dans tous les cas, il demande que l’État donne des consignes claires aux administrations

lesinrock

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire