AP
Nicolas Sarkozy, "un président qui gouverne"
Envoyer par mail Envoyer via Y! Messenger Blog via Yahoo! 360 Imprimer
PARIS (AP) - Depuis son installation, Nicolas Sarkozy est un président qui gouverne. Cette nouvelle pratique des institutions lève une hypocrisie entretenue par ses prédécesseurs, mais peut se révéler risquée en cas de crise.
"Je serai un président qui gouverne. Les Français élisent un président de la République pour qu'il agisse et pour qu'il décide", a lancé le chef de l'Etat mardi soir au Havre.
Nicolas Sarkozy n'a jamais caché sa conception de la fonction présidentielle. En janvier 2006, il avait plaidé pour "un président leader qui s'engage et qui est responsable".
Il s'agit pour lui de tirer les conséquences de la réforme du quinquennat, qui a accentué la présidentialisation du régime. Mais aussi de mettre la fonction en adéquation avec son tempérament hyperactif.
Tous ses actes depuis le 6 mai ont mis en évidence cette conception nouvelle de la présidence. Nicolas Sarkozy a constitué lui-même le gouvernement, s'installant même à la Lanterne, résidence de week-end des Premiers ministres. Il a pris à bras le corps les dossiers économiques comme Airbus, reçu à deux reprises les partenaires sociaux et préparé le "Grenelle de l'environnement" avec les ONG.
Les arbitrages remontent tous à l'Elysée, de la déduction d'impôt sur les intérêts d'emprunts immobiliers à la défiscalisation des heures supplémentaires, en passant par le sort du décret Robien sur les obligations de service des enseignants. Et M. Sarkozy a déjà prévenu qu'il présenterait lui-même le plan d'action du gouvernement après les élections législatives.
Le Premier ministre François Fillon est réduit à un rôle d'exécutant chargé d'appliquer "scrupuleusement" les engagements du président.
Cette pratique semble éloignée de la lettre de la Constitution de la Ve République. Le président de la République "assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l'Etat", stipule l'article 5. Le gouvernement, dirigé par le Premier ministre, "détermine et conduit la politique de la Nation", selon l'article 20.
Pourtant, tous les prédécesseurs de M. Sarkozy dirigeaient bel et bien l'action gouvernementale, excepté pendant les périodes de cohabitation. L'élection du président au suffrage universel depuis 1962 en a fait le chef incontesté de l'exécutif.
"C'est la fin d'un faux semblant", remarque le constitutionnaliste Didier Maus, professeur à l'université de Paris I. Selon lui, ce président qui gouverne est "dans la logique du quinquennat", et de l'intention de M. Sarkozy de se représenter en 2012: "à partir du moment où le président veut être jugé le moment venu sur ses actes, il n'a pas d'autre solution que de diriger directement le gouvernement".
A ses yeux, une telle pratique n'est pas contraire à la Constitution. "Le gouvernement est présidé par Nicolas Sarkozy et dirigé par François Fillon", estime-t-il.
Professeur à l'université de Montpellier et auteur de "La Ve République se meurt" (Odile Jacob), Dominique Rousseau n'est pas de cet avis. "Le président de la République, de manière très décomplexée, assume tous les pouvoirs. On est dans une pratique constitutionnelle contraire au texte de la Constitution. La question qui va se poser est de mettre le droit en accord avec les faits", explique ce constitutionnaliste.
Dominique Rousseau prône une révision de la Constitution pour supprimer le poste de Premier ministre, transformé en "ministre sans portefeuille", et inventer de nouveaux lieux d'équilibre des pouvoirs. "Cette évolution n'est acceptable que si elle est accompagnée d'une reconnaissance de contre-pouvoirs", dit-il en citant le Conseil constitutionnel, le Conseil supérieur de la magistrature ou le Conseil supérieur de l'audiovisuel.
Autrement, Nicolas Sarkozy court le risque d'être en première ligne en cas de crise et sans le fusible que constitue traditionnellement le Premier ministre. "Ce système de responsabilité peut se retourner contre lui de façon très violente", remarque Dominique Reynié, professeur à Sciences-Po. AP
egp/mw
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire