Par Laure Heinich-Luijer (avocate) 11H14 19/05/2007
Un jeune homme a été placé en détention provisoire selon un mandat de dépôt de quatre mois, éventuellement renouvelable.Après une première période d’incarcération, le mis en examen est convoqué, avec son avocat, pour un débat contradictoire devant le juge des libertés et de la détention qui décidera du prolongement, ou non, de sa détention.Ce jour-là, la décision semble prise d’avance. Le magistrat entend le procureur. Puis l’avocat. Et doit donner la parole en dernier au mis en examen.Le problème c’est que, très pressé de rendre sa décision, le juge annonce le maintien en détention juste après la plaidoirie de l’avocat. Sa greffière, garante de la légalité de la procédure, lui souffle à l’oreille qu’il a omis de questionner le mis en examen.Le coup de pied qu’elle lui assène sous la table fait trembler tous les protagonistes: "Ah, oui. Monsieur, au fait, vous avez quelque chose à dire pour votre défense?"L’avocat intervient pour signifier que la question n’a désormais plus sens, la décision ayant déjà été rendue. Au mieux le juge peut-il s’enquérir des observations que le garçon pourrait formuler sur ses conditions de détention.Le magistrat s’énerve et demande à sa greffière d’imprimer le procès verbal retraçant le déroulement du débat. La lecture en est édifiante: "Monsieur est entendu en ses observations." L’avocat proteste: cette mention n’est pas conforme à la réalité du débat.Le juge s’énerve, comme un professeur d’école qui ne supporte pas d’être remis en cause par un élève. Il demande à sa greffière d’imprimer à nouveau le procès-verbal en lui dictant à l’oreille une version inaudible, manifestement destinée à elle seule.La lecture en est tout aussi consternante: "Monsieur X déclare: je n’ai pas d’observation."L’avocat s’insurge et demande qu’il soit pris acte, conformément à la réalité, de ce que M.X n’a pas été entendu en ses observations. Le magistrat hurle.Finalement le procès-verbal demeurera inchangé. L’avocat devra écrire un courrier pour faire mention des difficultés rencontrées.Ce jour-là, un procès-verbal portant des mentions fausses a été soumis à la signature d’un mis en examen présumé innocent.Il n’a pas été possible, en présence d’un magistrat garantissant un procès équitable, d’un avocat de la défense et d’une greffière assermentée, d’obtenir un procès-verbal conforme à la réalité.On imagine plus aisément comment les choses se déroulent en garde à vue, sans magistrat, sans avocat, sans témoin.
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