LE MONDE | 08.06.07 | 14h51 • Mis à jour le 08.06.07 | 14h51
C'est, selon EDF, une décision sans précédent. Le tribunal administratif de Melun vient de valider un arrêté municipal qui proscrit les coupures d'électricité, d'eau et de gaz pour les particuliers en situation de précarité. Rendu le 16 mai, le jugement a été notifié, il y a quelques jours, à la commune concernée, Champigny-sur-Marne (Val-de-Marne), ainsi qu'à EDF et à GDF.
Par un arrêté du 7 avril 2005, le maire (PCF) de cette ville, Dominique Adenot, avait interdit la suspension de la fourniture d'énergie et d'eau aux familles en difficulté économique et sociale qui habitent sa commune. En septembre 2006, EDF et GDF avaient demandé à l'élu d'abroger son texte. Sans succès. Les deux sociétés avaient alors saisi le tribunal administratif, en faisant valoir, notamment, que M. Adenot n'était pas compétent pour prendre une telle initiative, contraire, selon elles, au principe de liberté contractuelle.
Jusqu'à présent, les contentieux de cette nature avaient constamment tourné en faveur d'EDF-GDF - ou des préfets, lorsque ceux-ci attaquaient des arrêtés "anticoupure". Mais le tribunal de Melun s'est éloigné de cette jurisprudence, considérant que "le maire est chargé de veiller à la sauvegarde de l'ordre public et notamment de la sécurité publique". "Dans le cas où des coupures d'électricité ou de gaz provoqueraient des risques sérieux et avérés pour la sécurité publique, le maire peut user de ses pouvoirs de police pour prévenir de tels troubles", a-t-il ajouté.
Les magistrats ont sans doute été sensibles au fait que la municipalité de Champigny-sur-Marne avait strictement délimité le champ d'application de son arrêté. L'interdiction ne peut jouer qu'au bénéfice de personnes en difficulté qui n'ont pas pu bénéficier de tous les dispositifs destinés à résorber ou à empêcher leurs impayés.
Le jugement de Melun tombe à point nommé pour les maires de Laudun-l'Ardoise, Sauveterre (Gard), Molezon et Sainte-Croix-Vallée-Française (Lozère). Ceux-ci ont pris des arrêtés ou fait voter par leur conseil municipal des délibérations qui interdisent la suspension du courant aux familles ayant des problèmes pour régler leurs factures. Contestées par le préfet de Lozère ou par EDF, ces décisions font l'objet de requêtes en annulation, que le tribunal administratif de Nîmes doit examiner, vendredi 8 juin.
"Notre démarche avait valeur de symbole, explique Patrice Prat, maire (PS) de Laudun-l'Ardoise. Elle cherchait à marquer les esprits, dans une période où les dépenses de logement pèsent de plus en plus lourd dans le budget des ménages." A Sainte-Croix-Vallée-Française, la délibération du conseil municipal a été adoptée après que deux familles de la commune ont subi des coupures de courant, d'après la maire, Michèle Manoa.
Du côté d'EDF, on rappelle que de nombreuses mesures ont été mises en place pour aider les plus démunis : création d'"interlocuteurs solidarité", abondement de fonds pour couvrir les incidents de paiement, instauration de services minimum de fourniture d'électricité... Grâce à ces dispositifs, "le nombre des suspensions d'énergie pour cause d'impayés (...) est passé de 700 000 en 1996 à plus de 200 000 en 2006", selon EDF.
Bertrand Bissuel
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