LE MONDE | 07.06.07 | 14h23 • Mis à jour le 07.06.07 | 14h23
LA VALETTE (MALTE) ENVOYÉE SPÉCIALE
Découvrez le Desk, votre écran de contrôle et de suivi de l'information en temps réel.
A
A chaque rencontre, le schéma tendu est presque toujours le même : un tout petit confetti perdu au milieu d'un immense losange. Le confetti représente l'île de Malte, le losange, l'étendue de sa zone de recherche et de sauvetage maritime. Plus de dix jours après le début de la polémique sur le refus des autorités maltaises d'accueillir des immigrants clandestins repêchés par des bateaux étrangers, sous prétexte qu'ils avaient été retrouvés dans les eaux libyennes, le débat sur l'afflux de ces klandestini va bon train dans les officines de la petite île méditerranéenne.
Le débat a pris une ampleur particulière à la suite du sermon de Franco Frattini, le commissaire européen chargé de la justice et des affaires intérieures. Celui-ci a déclaré, le 3 juin, dans un entretien au quotidien italien La Repubblica, que "l'obligation de sauver des vies en mer (procédait) d'une tradition internationale qu'aucun pays n'(avait) jamais violée ausi manifestement".
"Nous sommes totalement conscients de notre responsabilité. Nos moyens ont toujours été adéquats jusqu'à présent, mais pas quand il s'agit d'aller dans les eaux libyennes, et bien que des vies soient en jeu", maintient cependant le commandant Carmel Vassallo, chef des forces armées maltaises, chargé des opérations de secours en mer, interrogé par Le Monde. "Nous ne sommes pas là pour porter le fardeau de la Libye qui manque à ses obligations."
Depuis 2002, Malte doit faire face à l'arrivée croissante d'immigrés clandestins qui tentent leur chance à bord d'embarcations de fortune sur les côtes libyennes jusque vers l'Europe. La plupart somaliens, soudanais et érythréens, ils souhaitent gagner l'Italie ou l'Espagne. Beaucoup connaissent des avaries. Aussi revient-il aux autorités maltaises de les secourir, avec obligation de les ramener sur son territoire.
Plus de 1 500 personnes arrivent ainsi sur l'île chaque année, contre leur gré. Elles s'entassent ensuite dans des centres de détention, dont plusieurs organisations non gouvernementales (ONG) dénoncent les conditions de vie.
Pour gérer cet afflux, la police maltaise a dû tripler ses effectifs. L'armée doit également réclamer en cours d'année de doubler le budget annuel de 1,6 million d'euros qui lui est alloué. Le gouvernement maltais bénéficie d'aides européennes, mais, malgré tout, il considère le coût de gestion de ce phénomène trop élevé pour son budget. Il estime enfin le nombre d'arrivants trop important par rapport à la densité de sa population, la deuxième plus élevée au monde.
Ces arguments semblent porter leurs fruits. A la suite d'un débat organisé mercredi 6 juin au Parlement européen sur les questions de frontières maritimes, de droits des migrants et de solidarité européenne, Franco Frattini est finalement convenu que "Malte ne (pouvait) être seule responsable" dans le secours aux migrants. Il a ainsi invité les membres de l'Union à concrétiser les promesses de matériels promis dans le cadre du programme Frontex, afin de constituer des patrouilles communes en Méditerranée. Il a, par ailleurs, demandé aux Vingt-Sept de partager le "fardeau des centres d'accueil de demandeurs d'asile".
La ligne dure adoptée par le gouvernement maltais, avec laquelle l'opposition est d'accord, est très influencée par l'opinion publique. Cette dernière considère souvent que le pays en fait "déjà trop". Dans les bistrots de la capitale, l'arrivée des klandestini suscite la plupart du temps de cinglantes réactions. "On les voit le soir venir en bateau à la télévision et, ensuite, on attend le bus avec eux le matin", résume à sa manière Vince Vassallo, 49 ans, pâtissier. "Ils veulent nos terres, nos jobs", glisse Joana Wella, une épicière de 36 ans.
Ces dernières années, plusieurs groupes d'extrême droite ont profité de la montée des inquiétudes sur l'immigration pour se faire entendre. Samedi 9 juin, c'est un nouveau parti politique qui doit être créé en partie sur ce terreau. A l'image du "nouveau dicton" que Joana Wella répète à qui veut l'entendre : "Le bateau avec lequel vous êtes venu, vous repartez avec."
Elise Vincent
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire