Par Hugo Latreille (Rue89) 15H18 27/06/2007
Abonnés SFR, ne vous étonnez pas si le service clients, le 900, pourtant réputé pour sa qualité, répond mal. Voilà un mois et quelques jours que le second opérateur de téléphonie mobile du pays, et filiale de Vivendi, a annoncé son projet d’externalisation de trois de ses quatre centres d'appel grand public. Mille neuf cents employés se verraient ainsi transférés chez deux sous-traitants, spécialistes de la relation clientèle, perdant ainsi une partie de leurs avantages
Voilà plus d'un mois que ces employés écœurés se mobilisent contre un transfert synonyme pour eux de précarisation de l'emploi. Le 23 mai, la direction de SFR Service Client (SFR SC) annonce le projet d’externalisation dans un communiqué de presse. Les centres de relation client grand public de Lyon (582 salariés concernés), Toulouse (724 salariés) et Poitiers (571 salariés) passeraient aux mains des sociétés Téléperformance et Arvato. Objectifs affichés: "Offrir des perspectives professionnelles aux collaborateurs tout en continuant d'assurer la meilleure qualité de service aux clients de SFR", énonce Hervé-Matthieu Ricour, PDG de SFR SC.
Dès l’annonce du projet, les salariés enragent : un confédération syndicale (CGT, CFGT, CFTC, UNSA et SUD) se met en place, et s’organise notamment via un blog, "SFR en colère". Pour les représentants syndicaux, ce transfert est un contresens complet, comme l'explique une représentante syndicale par ailleurs administratrice du blog.
"Il n’a pas de logique économique (SFR fait des profits énormes), ni de logique de qualité (les sous-traitants s’occupent de plusieurs produits à la fois et font moins bien leur travail). C’est un licenciement contourné. SFR prend quelqu’un d’autre pour faire le sale boulot.
Pourtant, la direction de SFR SC affiche des garanties: le transfert est placé sous l’égide de l’article L122-12 du Code du travail, qui stipule que les salariés conserveront leur contrat de travail. La direction explique également avoir négocié "le maintien du volume d’emploi pendant trois ans".
Pour la représentante de l’intersyndicale, ce n’est que "langue de bois": "La garantie du maintien d’emplois est quantitative, pas individuelle. Une fois le transfert effectué, Téléperformance et Arvato feront ce qu’elles voudront." Qui plus est, "les salariés verront leur salaire baisser de 40% en moyenne".
Ce transfert leur ferait perdre certains avantages, comme les primes d’intéressement et de participation: la convention collective des prestataires de service fixe prévoit en effet une grille de salaire et un régime de droits largement moins favorables aux salariés. Une externalisation qui se produit alors que le secteur des centres d'appels est régulièrement mis en cause pour ses conditions de travail stressantes, son fort taux de turn-over et son appétit de délocalisation…
Dominique Martin, directrice de la communication de SFR, relativise ces craintes de précarisation de l’emploi: "Nous ne parlons pas de suppression d’emplois, nous proposons un accompagnement très protecteur, et en enlevant les primes d’intéressement et de participation, la baisse de salaire ne sera en moyenne que de 15%. De plus, M. Lévy (PDG de Vivendi) et M. Esser (PDG de SFR) ont assuré qu’il n’y aurait aucune délocalisation."
Mais les salariés mobilisés n’en démordent pas, et se prévalent de soutiens politiques de poids, comme ceux de Ségolène Royal ou d'Olivier Besancenot. Eric Denjean, de l'intersyndicale, fulmine: "Aujourd’hui, nous voulons montrer que la mobilisation ne faiblit pas et se nourrit de la position méprisante et arrogante de la direction." "On est dans une logique de refus complet du transfert, poursuit la responsable du blog. 80% des salariés concernés sont mobilisés, les AG sont quotidiennes, il y des grèves tous les deux jours, et les téléopérateurs travaillent au ralenti."
Pourtant, la direction persiste, le processus est enclenché, et l'externalisation est au programme du prochain comité central d'entreprise (CCE). "Même si nous sommes dans une logique de dialogue social, il suffit d’un seul partenaire social favorable au projet pour qu’il soit accepté par le CCE", explique Dominique Martin. Or deux syndicats, FO et la CFE-CGC, ont quitté le mouvement de mobilisation mi-juin pour entrer à la table des négociations.
"Ce sont des syndicats largement minoritaires, ils ne représentent que 18% des salariés, rétorque la représentante de l’intersyndicale. La mobilisation ne va pas s'arrêter là." Les salariés sont inflexibles, la direction déterminée. Même si Dominique Martin affirme que "l’objectif initial du 1er août pour l’externalisation pourra être remis en question selon l’avancée des négociations", Hervé Matthieu Ricour réitère sa volonté de mener le projet à son terme.
Quoi qu’il en soit, les deux parties s’en remette pour l’instant à la décision de la justice: un recours contre le projet de transfert a été déposé au tribunal de grande instance de Paris par le CEC et la CFDT. Il sera examiné le 10 juillet prochain.
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