08/07/2007

Sarko l'Europe a lui tout seul..

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L'Eurogroupe, policier désarmé face à Nicolas Sarkozy
Reuters
Par Yves Clarisse Reuters - il y a 15 minutes

BRUXELLES (Reuters) - Les partenaires européens de la France se retrouveront lundi dans la position d'un policier désarmé face à un Nicolas Sarkozy décidé à réduire les déficits publics à son rythme malgré les engagements passés.

Le président français assistera en personne à la réunion des ministres des Finances de la zone euro pour y appuyer Christine Lagarde de tout le poids de sa fonction, ce qui est rarissime.

Avant lui, seul le président du Conseil italien Silvio Berlusconi avait lui-même présenté ses projets budgétaires devant l'Eurogroupe en 2005, mais son ministre de l'Economie, Giulio Tremonti, avait à l'époque démissionné.

Dans une interview au Journal du Dimanche, le président français annonce qu'il proposera à l'Eurogroupe l'organisation d'un sommet européen à la rentrée sur la politique économique.

"Je proposerai lundi qu'il y ait, à la rentrée, une réunion européenne des chefs d'Etat et de gouvernement pour parler de la politique économique", déclare-t-il.

"J'expliquerai à nos partenaires ce que nous allons faire pour retrouver de la croissance", dit-il.

Sarkozy aura à cet égard du pain sur la planche à Bruxelles.

Il devra expliquer pourquoi il a décidé de reporter à 2012 l'assainissement des finances publiques françaises afin, selon ses voeux, de créer un "choc fiscal" pour permettre à la France "d'aller chercher ce point de croissance supplémentaire".

Cette décision viole plusieurs engagements de la France.

Elle foule aux pieds son programme de stabilité approuvé le 30 janvier par l'UE et qui prévoit une réduction importante du déficit dès 2007 afin de parvenir à un déficit proche de zéro et à un endettement inférieur à 60% du PIB en 2010.

L'échéance 2010 avait en outre été solennellement réitérée en avril dernier par tous les ministres des Finances de la zone euro, qui s'étaient engagés à tirer parti de la forte croissance actuelle - 2,6% dans la zone euro cette année - pour accumuler des réserves en prévision du vieillissement de la population.

MESURES PONCTUELLES

Au passage, la promesse de réduire le déficit de 0,5% par an passe par pertes et profits: le gouvernement a déjà renoncé à ramener les déficits publics à 1,8% en 2008 après 2,5% en 2007, puisque l'on parle désormais d'une stabilisation l'an prochain.

En outre, si les "réformes structurelles" préparant l'avenir ont bonne presse à Bruxelles, les mesures annoncées par le gouvernement français font tiquer dans les milieux européens.

Le seul coût du "paquet fiscal" qui sera soumis cet été au Parlement est évalué à 0,6% du PIB par la déduction fiscale des emprunts immobiliers (0,3 point de PIB), la suppression des droits de succession (0,1 point) et l'exonération des charges sociales pour les heures supplémentaires (0,2 point).

"Nous voulons plus de détails, mais ce ne sont pas des réformes structurelles", estime un responsable de la Commission qui doute de leur impact sur la croissance économique.

En outre, la France est loin d'être dans un fauteuil.

Loin de se stabiliser, sa dette est repartie à la hausse au premier semestre pour atteindre environ 65% du PIB au lieu de 63,7% fin 2006, et son déficit en fait le cancre de la zone euro, surtout par rapport à l'Allemagne, qui devrait avoir un déficit de 0,6% cette année à comparer aux 2,5% français.

Les partenaires de la France ont déjà réagi.

Le ministre allemand des Finances, Peer Steinbrück, est sorti de la réserve que lui impose l'axe franco-allemand.

"S'il est confirmé que la France revient sur ses engagements (...) il y aurait un problème, non seulement du point de vue allemand mais aussi de celui de la Commission et d'autres Etats-membres", a-t-il estimé la semaine dernière.

Le président de la Banque centrale européenne (BCE), Jean-Claude Trichet, a renchéri: l'objectif 2010 est "essentiel pour la cohésion de la zone euro", a-t-il martelé.

PAS DE SANCTIONS

Le commissaire aux Affaires économiques et monétaires, Joaquin Almunia, ne cache pas non plus son inquiétude: "C'est un accord de tous les pays de la zone euro."

Mais les moyens de pression de l'UE sont limités.

Certes, le pacte de stabilité de l'euro dispose d'un bras "correctif" qui permet de prendre des sanctions sévères contre les Etats membres qui laissent déraper leurs comptes au point de dépasser la limite de 3% du PIB pour le déficit public.

Mais on n'en est pas là et Paris a annoncé vendredi s'attendre à une plus-value de deux à cinq milliards d'euros dans les recettes fiscales pour 2007 qui compenserai un dérapage des dépenses sociales de l'ordre de quatre milliards d'euros.

Sarkozy se contente d'ignorer des engagements pris au titre du bras "préventif" du pacte de stabilité, ce qui est d'une tout autre nature, puisqu'il n'y a pas de sanction légale.

"C'est comme un policier désarmé qui s'époumonerait à siffler dans son sifflet", ironie un diplomate.

Il reste les déclarations et la "pression des pairs".

"Il est très important pour la monnaie unique de mener une politique budgétaire très exigeante", a déclaré lundi dernier le Premier ministre portugais José Socrates, dont le pays assure la présidente tournante de l'Union européenne jusqu'à fin 2007.

Mais c'était pour ajouter aussitôt qu'il n'y avait pas de "pensée unique" en Europe, une manière de dire que personne n'a envie de déclencher une polémique avec la France.

"Il faut être réaliste. Il est évident qu'il y a une différence entre une obligation juridique et une obligation politique", a expliqué le ministre portugais des Finances, Fernando Teixeira dos Santos.

Mais le véritable impact du cavalier seul français se fera sentir sur les progrès vers une meilleure gouvernance économique de la zone euro pour faire contrepoids à la Banque centrale européenne (BCE), un des "dadas" de Nicolas Sarkozy.

"Tout cela n'est pas très cohérent", dit un diplomate.

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