25/07/2007

Une Chaire TOTAL !!!

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Les patrons d’université se voient déjà managers
Certains présidents se félicitent de leur future autonomie, d’autres s’y résignent.
Par VÉRONIQUE SOULÉ/ LIBERATION
QUOTIDIEN : mercredi 25 juillet 2007

«Moi l’autonomie, je ne la réclamais pas, nous fonctionnions plutôt bien jusqu’ici.» : Camille Galap préside l’université du Havre, l’une des plus petites de France avec 6 500 étudiants. Il comprend que de plus grands établissements aspirent à l’autonomie «mais il ne faudrait pas pour autant qu’on se retrouve lâchés dans la nature et que l’Etat se désengage». La loi sur « les libertés des universités» modifie sensiblement le rôle des présidents.

Désormais élus par le conseil d’administration pour un mandat de quatre ans, renouvelable une fois, ils disposeront de pouvoirs renforcés. Ils auront un droit de veto sur les nominations, pourront attribuer des primes au mérite, embaucher des CDD, engager des enseignants-chercheurs dans le cadre d’une procédure simplifiée. Surtout ils pourront gérer leur budget global, y compris les salaires jusqu’ici alloués par l’Etat, ainsi que le patrimoine immobilier.
Certains présidents d’universités, généralement les plus grandes, se voient déjà en managers, à la tête d’un budget démultiplié, faisant venir les meilleurs chercheurs avec la promesse de salaires «internationaux», cherchant des mécènes, créant des fondations. D’autres sont résignés à jongler avec des moyens modestes, avec la crainte de devenirdes dirigeants d’universités de second rang à qui on supprimerait les troisièmes cycles.
Sans complexes. « C’est impossible», tranche Camille Galap. Avec ses onze labos de recherche, son université ne peut concurrencer les grandes qui en comptent parfois une centaine. Mais sans complexes, il se présente comme un manager soucieux d’insérer son établissement dans le tissu industriel du Havre et de faire réussir ses étudiants. Les licences professionnelles et l’IUT offrent des débouchés quasi assurés, notamment dans la logistique portuaire. «Ce n’est pas pour autant que nous perdons notre âme», assure Camille Galap qui envisage même la création d’une chaire avec Total.
Troisième université de France avec 35 000 étudiants, première dans la filière santé, Lyon-I est, a priori, mieux armée pour l’autonomie. Lionel Collet, son président, a appris à gérer. Des partenariats ont été noués avec le puissant secteur médical lyonnais, la Banque populaire et la firme de médicaments Sanofi. L’université vient même de créer une fondation qui vise àcollecter 10 millions d’euros d’ici quatre ans. La fondation voudrait «doper l’offre de stages, construire une plate-forme expérimentale centrée sur la biologie et le génie électrique, faire revenir des cerveaux en créant des chaires d’excellence.».
Lionel Collet est toutefois prudent : «La réforme est une avancée mais je reste ­mitigé.» Il est d’accord pour gérer le budget qui passerait à 300 millions d’euros, mais tique sur l’immobilier : «Nous avons 14 sites, des bâtiments parfois très anciens, il faudrait que tout soit remis en état.» Une concurrence accrue entre universités pour attirer les meilleurs ne l’effraie pas : «Il y en a déjà, inutile de se voiler la face. Mais je préfère me placer sur une échelle européenne.»
«Souplesse». A Paris-VII-Diderot, une université pluridisciplinaire qui compte 26 000 étudiants, le président Guy Cousineau, un informaticien, n’est pas non plus demandeur des bâtiments. Mais il se félicite de la « souplesse» apportée par la loi : «On est responsabilisés, on peut décider s’il faut plutôt un enseignant chercheur ou un maître de conférences, attribuer des fonds à tel labo, etc.» Il s’estime relativement préparé avec son équipe, mais «l’idéal serait d’être aidé au début par l’administration».
Jean-François Dhainaut, président de Paris-V-Descartes - 33 000 étudiants, dont un tiers dans les filières de santé -, est franchement enthousiaste. Lors de la campagne, il avait signé une lettre de soutien à Nicolas Sarkozy. La loi donne cinq ans aux universités pour prendre en charge leur budget, voire le patrimoine. Lui est partant pour tout et tout de suite. «On a enfin les moyens d’avoir une stratégie. Avec un conseil d’administration réduit, on peut constituer une équipe de direction qui dirige et décroche des sources de financement à l’extérieur, se félicite -t-il. Nous avons un projet de maison de la génétique, mais il nous faudrait trouver quelqu’un pour le fund raising.»
Résistances. Avec cette collecte de fonds, il pense passer d’un budget de 100 à 300 millions d’euros. «Avec les primes, on pourrait garder nos chercheurs et attirer des étrangers, estime ce cardiologue réanimateur. Pe ndant quinze ans, j’ai envoyé mes meilleurs élèves aux Etats-Unis : au début, sur cinq il en revenait cinq, là, on en récupère un ou deux.» Pour lui, la propriété des locaux a aussi des avantages : «On pourrait vendre un bâtiment extrêmement cher et construire un grand campus en dehors de Paris.»
Au Havre, Camille Galap ne sait pas encore ce qu’il va faire. Dans son université comme dans d’autres, il y a des résistances. Le conseil d’administration a voté un texte pour le report du débat au Parlement. Selon lui, la priorité du gouvernement aurait dû être de réformer le premier cycle où tant d’étudiants échouent encore, quittant la fac sans diplôme : «Je dirigeais en parfaite collégialité . Par exemple, le droit de veto sur les nominations, je n’en avais pas besoin.» Il lui faudra pourtant devenir un vrai patron.

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