13/08/2007

Quand Cécilia fait la fine Bush

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Du Fouquet’s aux hot-dogs il y a un monde. La première dame du premier homme de France n’a pas voulu franchir le pas. C’est un président en jean, en retard et sans famille qui est donc allé rendre visite aux Bush, pour discuter Lafayette, saucisses et ketchup.


Grosse épidémie d’angine blanche, le week-end dernier, du côté de Wolfeboro, Etats-Unis. Manque de chance, ce lieu paisible du New Hampshire avait été choisi comme résidence de vacances par la famille Sarkozy. Seul Nicolas a survécu. Les autres, tous les autres, ont été victimes de l’angine et n’ont pu répondre à l’invitation lancé par les tontons Bush, eux tous bien portants et au complet, dans leur modeste résidence de Kennebunkport. Une tragédie élisabéthaine, mal vécue par le héraut de Neuilly, qui dut se rendre seul, en jean, et très attardé, au pique-nique texan. Mais le président courant ne faisant jamais une seule chose à la fois, il profita illico de ce modeste retard pour achever sa lecture (relecture ?) de la biographie de Lafayette, écrite par Gonzague Saint-Bris. Du coup, à peine excusé de son inélégance, notre transpirant président récita que cela faisait au bas mot bien « 250 ans » que les Etats-Unis et la France étaient des alliés et des amis. Et qu’une bisbille, par ci, par là, entre amis ou en famille ça ne fait pas de mal et n’atténue en rien la profondeur des liens. On se rassure comme on peut



Quel talent, tout de même, ce Sarko ! Là où les Bush, sourires carnassiers et moumoutes ajustées, ne voyaient qu’un mari incapable de se faire obéir par sa femme, lui s’arrange pour garder l’air décontracté, sourire de même, enfiler ses lunettes et partir pêcher, comme si de rien n’était. Remarquez, négocier avec Cécilia, même Kadhafi a dû céder, alors... Il n’empêche, Sarko se serait bien passé de cette boulette intime, trahissant un certain désordre dans ce que seuls les plus optimistes encartés UMP appelleront encore un « couple présidentiel ». Quel couple ? Pas plus au pique-nique hamburgers-hot-dogs qu’au dîner du lendemain les Bush ne verront autre chose qu’un président délaissé, aux enfants absents et à la femme invisible, sauf dans l’objectif de quelques caméras, apparemment. C’est pas Bernie qui aurait planté son Jacquot, comme ça, au milieu du gué, une bière devant, une saucisse derrière ! Tout se perd ! L’ancienne femme de Jacques Martin n’en fait manifestement qu’à sa tête, consentant un jour à aller libérer quelques otages en Libye, aider si possible à sortir Betancourt de la jungle, mais peu disposée à aller s’empiffrer de junk food chez un président américain que le monde entier présente comme un benêt irresponsable. Cécilia chez les Simpsons, c’est pas demain la veille !



Son « mari », lui, voit les choses autrement. Les vacances, les riches vacances aux Etats-Unis, s’inscrivent dans une suite logique, démarrée au Fouquet’s le soir du sacre, poursuivie sur le yacht de Bolloré. Une petite demeure à plus de 20 000 dollars la semaine, et alors ? Le leader rapido a des amis qui louent des maisons et qui lui en font profiter, quoi de mal ? L’essentiel est ailleurs. L’essentiel, c’est d’occuper l’écran. Sarkozy déplace autant de journalistes qu’un Philibert de Savoie ou qu’une Paris Hilton. Il intéresse, il est people, on veut savoir. Savoir ce qu’il porte, comment il court, avec qui, pourquoi. Pas besoin d’attendre l’été pour photographier une coucougnette à l’air au fort de Brégançon, Sarkozy c’est toute l’année qu’il est en représentation, jamais sans « ses » journalistes. Des journalistes qui ne sont pas tous bêtement inféodés au bonhomme ou à son parti, mais qui suivent parce que ça se vend. Et un président qui se vend autant, ça fait un bail que ça n’était pas arrivé. Ni Giscard ni Mitterrand ni Chirac n’avaient ce gène Voici-Gala de Sarko. Imaginez Mitterrand en maillot de bains les pieds dans le vide sur la proue d’un yacht avec des lunettes de soleil... Giscard en baskets en train de jogger dans le bois de Boulogne... Chirac en train de pêcher je ne sais quel poisson avec Bush sénior et junior... En fait, contrairement à ses prédécesseurs, Sarkozy est de son époque. Pleinement. Avec bien sûr, toute l’inculture qui l’accompagne. Le petit Nicolas n’est pas un lettré, pas un benêt non plus, mais plutôt un arriviste à la mentalité de commercial, un commercial spécialisé en marketing. Il a faim, il en veut, il le montre. Son agitation, son omniprésence, son éparpillement sont là pour le prouver. L’homme pense qu’être c’est se montrer, c’est être vu. C’est plus la philosophie dans une bergerie à Latché, c’est plus Chateaubriand, c’est plus les arts premiers non plus, c’est même pas les sumos, même pas les gens de la terre, non, c’est plutôt David Guetta. De grosses basses, un rythme efficace et une femme toujours bronzée.




Mais c’est sur ce dernier point que se joue pour l’instant le drame de Sarkozy. Cécilia. La seule qui ose l’affronter, de l’intérieur. La seule qui ne se contente pas de suivre. Les ministres, eux, la ferment et écopent. L’UMP grogne parfois, mais tout bas. Les Français plébiscitent ou repoussent aux calendes de septembre quelque action. Non, la seule qui résiste encore et toujours à l’envahissant, c’est Cécilia, celle qui a dit non. Quel patron de presse, directeur de chaîne de télé ou de radio oserait en faire autant ? Quel paparazzi ? Quel Montebourg ? Quel Jack Lang ? Quelle Royal ? Quel Delanoë ? Quel MoDem ?



Avec son angine blanche, Cécilia Sarkozy a peut-être ouvert une brèche. Ou démontré un peu plus à quel point ce couple est atypique, singulier, non protocolaire et surprenant à ce degré-là de responsabilité, de représentativité. A moins qu’elle n’aime peut-être tout simplement ni les hot-dogs ni les hamburgers ni les Bush, et qu’elle ne voyait pas en quoi elle aurait dû se forcer. « T’as qu’à dire que je suis malade ! », a-t-elle dû annoncer à son pressé de mari, qui n’a rien pu faire (que reprendre son Lafayette). Qui aura peut-être moins de mal à virer Alliot-Marie du gouvernement qu’à faire inaugurer les chrysanthèmes à sa charmante épouse. C’est pas demain qu’il lui fera peser des sacs de pièces jaunes avec David Douillet. L’amitié franco-américaine, 250 ans et toutes ses dents, valait bien ce vaudeville-là.

par lilian massoulier


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