puis 2002, le Président est à l’origine de neuf lois sur la délinquance. Une frénésie sans effets qui rassure l’opinion. A chaque fait divers sa réforme législative ou administrative, promesse que le problème sera enfin pris à bras-le-corps et finalement réglé.
C’est la marque de fabrique de Nicolas Sarkozy depuis 2002. Lundi, sur le perron de l’Elysée, le Président a annoncé une nouvelle loi censée combattre la récidive des pédophiles. La troisième du genre, après l’instauration du bracelet électronique pour les délinquants sexuels, dont seulement dix ont depuis été mis en place, la constitution d’un fichier d’empreintes génétiques et enfin (publiée il y a dix jours au JO) la loi Dati instaurant une peine plancher pour les récidivistes.
Florilège de ces effets d’annonce tenant lieu de politique pénale, toujours accompagnés d’un clin d’œil appuyé aux victimes en tous genres :
La petite délinquance
Sitôt nommé ministre de l’Intérieur, en mai 2002, Sarkozy met en place les Groupes d’intervention régionaux (GIR), composés de policiers, gendarmes et douaniers, censés «éradiquer les zones de non-droit». Leur première descente, dans une cité de Nanterre, se solde par un fiasco : 270 hommes déployés pour trois interpellations et la saisie de 256 grammes de cannabis (moins d’un gramme par agent mobilisé). Plus camelot que jamais, il affirme que, «les GIR, c’est un pari d’efficacité, d’imagination et de rapidité qui a été gagné».
Le ministre bombe un peu plus le torse avec sa première œuvre, adoptée l’été 2002 : «Ce projet est d’abord celui des plus pauvres, des plus modestes, de tous ceux dont la vie quotidienne est un enfer.» La loi Sarko I se résume à fournir davantage de moyens aux forces de l’ordre (13 500 créations de postes, 6 milliards d’euros sur cinq ans).
Elle est précédée d’un article 1, curieux fourre-tout pointant du doigt, pêle-mêle, les gitans, les mendiants, les fumeurs de joints, les prostituées et les occupants de cages d’escalier. Le Conseil constitutionnel censure cet article, au motif qu’il est «sans portée normative». Autrement dit, c’est du vent, simplement destiné à flatter les instincts populistes.
La défense des «oubliés»
En attendant la loi Sarko II, le ministre de l’Intérieur fait feu de tout bois. Se rend sur le bassin d’Arcachon en août : «La sécurité doit suivre les Français là où ils se trouvent, car la délinquance suit leur transhumance» ; se transforme en organisateur de rave-party, «tant que ce ne sont pas des drogue-parties» ; rassure la «France des oubliés», en fait des propriétaires de voitures incendiées «dans un tel état de terreur car ils ont peur des représailles» ; reçoit Patrick Pelloux, médiatique médecin urgentiste, après l’agression du personnel d’un hôpital parisien et lui promet des «mesures nouvelles» sous trois mois ; les syndicats de convoyeurs de fonds, après le braquage d’un fourgon de la Brink’s, ont aussi droit à la promesse d’un renforcement législatif.
La sécurité intérieure
Le ministre de l’Intérieur aura sa vraie loi, dite de sécurité intérieure, adoptée en janvier 2003. Il donne le ton d’une «guerre sémantique» : «Quand ils se mettent à dix dans les tournantes, j’appelle ça des barbares ; quand trente voyous attaquent une voiture de police, ce ne sont pas des jeunes, ce sont des voyous.» Son nouveau catalogue répressif consterne jusqu’au sein du gouvernement Raffarin : les peines prévues contre les mauvais parents d’élèves, les mendiants ou les prostituées, sont tellement répressives que le terne Dominique Perben doit monter au créneau. Sarko obtient quand même la pénalisation du racolage passif et du squat en hall d’immeuble.
La critique de la justice
La chancellerie retrouvant son magistère concernant la délinquance, Sarkozy se transforme en commentateur bougon de l’actualité judiciaire, dénonçant une «culture de l’excuse sociale ou économique du délinquant». Quand un tribunal remet en liberté des Roms pour «procédure bâclée» par la préfecture, Sarkozy tempête contre ces «professionnels» judiciaires «qui s’amusent avec la procédure pour des motifs idéologiques».
Elu président, il peut désormais légiférer selon son bon vouloir et l’air du temps. Jusqu’à demander aux médecins de se substituer aux juges en vue d’interner à vie les pédophiles.
RENAUD LECADRE
Libération mercredi 22 août 2007
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