03/09/2007

J'aime trop la Corse..bla bla bla

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Mise en orbite agitée de la chaîne corse Via Stella
France 3 doit enfin lancer à l’automne la locale, en version réduite et après le limogeage remarqué d’un responsable du projet.

Par MICHEL HENRY
QUOTIDIEN : lundi 3 septembre 2007
Marseille de notre correspondant/LIBERATION

Après six ans de gestation laborieuse, France 3 devrait lancer, cet automne, sa chaîne corse par satellite, Via Stella. Mais ce projet, cher à Nicolas Sarkozy, démarrera dans une version réduite (1) et sans l’homme qui a présidé à sa création : Sampiero Sanguinetti, directeur des antennes à France 3 Corse, a été licencié, en juin, après trente-quatre ans de travail à la chaîne. Pour «déloyauté, ce que je conteste absolument, affirme le journaliste. Etre déloyal signifie ne pas dire ce que l’on pense. Or, j’ai exactement fait l’inverse.» Il a porté l’affaire devant les prud’hommes. France 3, de son côté, «ne souhaite pas commenter les raisons de son licenciement car elles n’ont pas pour vocation à être rendues publiques».
Parrain. Ce divorce pose une question : France 3 a-t-elle vraiment envie de cette chaîne numérique ? A priori, l’idée est bonne : toucher, avec une télé alternant directs (politique, culture, sport…), programmes et documentaires spécifiques, les Corses non desservis par le réseau hertzien, ceux du continent et tous les téléspectateurs que l’île intéresse. En plus, la chaîne a un très bon parrain : Nicolas Sarkozy. «Il faut une chaîne de télévision dédiée à la Corse. On est au cœur des missions de service public, si on a de cette mission une lecture ouverte et intelligente», affirmait le futur Président, le 28 avril 2006, lors de la signature de la convention créant Via Stella. Le ministre de l’Intérieur ajoutait : «La Corse doit se faire connaître au lieu de laisser les autres parler d’elle.»
Muni ede cette feuille de route, et d’un cofinancement de la Collectivité territoriale corse (CTC), qui l’a voté à l’unanimité pour 2,9 millions d’euros, de l’Etat (1,65 million), et de France 3 (450 000 euros), Via Stella («la voie des étoiles») aurait dû s’élever vers le firmament. Elle est restée engluée. Même si la chaîne s’en défend : «Aucun retard n’est intervenu dans le lancement de France 3 Corse Via Stella. D’ailleurs nos partenaires, l’Etat ou la CTC, ne se sont jamais plaints d’un quelconque report de calendrier.»
Réticences. Mais, selon Sampiero Sanguinetti, qui a bataillé des années pour sa création, le projet concocté depuis 2001, avec quatorze emplois créés et quinze heures de diffusion quotidienne, «était en décalage total, de plus en plus flagrant, avec les nouvelles orientations de la politique de France 3 en région». L’ambitieuse production de documentaires envisagée, et la crainte que d’autres régions réclament le même traitement, alimentaient peut-être les réticences de France 3. Dans ce cas, «soit il fallait nous demander, et me demander, d’arrêter, analyse Sampiero Sanguinetti. Soit il fallait admettre et proclamer clairement que la Corse serait une exception et qu’on aiderait cette exception à exister réellement. Or, les choses n’ont pas été aussi claires.»
Arrêter ? Impossible : France 3 est tenue d’appliquer la convention que le patron de France Télévisions, Patrick de Carolis, a signée aux côtés de Sarkozy et Ange Santini (président de la CTC). Continuer ? Oui, mais au rabais. «Toutes les décisions importantes concernant les bâtiments ont été ralenties», affirme Sampiero Sanguinetti. Il évoque aussi un budget inadapté et le choix d’un satellite «confidentiel» pour lancer un test depuis décembre 2006. Devant cette situation, il a exprimé ses désaccords : «Je voulais, avant tout, que le projet soit mené dans les meilleures conditions.» Via Stella est important pour la Corse. En dépend notamment la création d’une filière audiovisuelle dans l’île, que Nicolas Sarkozy appuyait, en 2006, en déclarant : «C’est fondamental, car c’est toute une filière d’emplois qui peut se développer.»
Goût amer. Sanguinetti demande : «Il faudrait savoir ce qu’on veut dans notre île : se contenter de grandes déclarations et de condamnations ronflantes de la violence, ou construire pour l’avenir, donner du travail et de l’espoir ?» En tout cas, pour lui, plus de travail ni d’espoir : après avoir porté le projet sur ses épaules, le voilà jeté dehors, et remplacé par Rose Paolacci. Eviction au goût amer : c’est la troisième fois qu’il se fait renvoyer d’un poste de l’audiovisuel public en Corse parce qu’il déplaît à la hiérarchie ou aux politiques. En 1976, un préfet ordonne sa mutation d’office à Nice. En 1987, le ministre Charles Pasqua exige son départ vers Marseille, où il passera plusieurs années au placard. En 2001, retour dans l’île, jusqu’à ce licenciement.
(1) Sur le satellite Astra dans le bouquet de CanalSat, en trois étapes. La première étant prévue vers octobre, avec cinq heures de programme.

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