Un salarié frappé par un collègue, des journalistes au placard : sale ambiance.
Par éDOUARD WAINTROP
QUOTIDIEN : lundi 3 septembre 2007
Perpignan envoyé spécial/LIBERATION
Vendredi 31 août, à 11 heures du matin, Victor Simal, journaliste, se fait frapper et bousculer dans les locaux de Perpignan Information, alias Perpignan TV, par un technicien. Chute dans l’escalier, six jours d’arrêt de travail. Au-delà de son côté violent, l’incident est significatif de l’atmosphère empoisonnée qui règne dans cette télé municipale. Une télé qu’à Perpignan personne ne regarde.
Il y a à peu près trois ans, Perpignan Information était lancée par Jean-Paul Alduy, le maire (UMP) de la ville. Avec quelques espoirs : d’abord d’être le miroir de la vie locale et aussi de se faire une place sur la TNT. Certains s’alarment pourtant, et estiment que ce n’est pas la vocation d’une municipalité de faire de la télé. Et qu’il y a danger que cette télé ne devienne Télé-Alduy. Ce qu’elle ne sera pas. La société mixte créée (avec comme PDG, un élu, Jean-Michel Grabolosa) a embauché un directeur, Daniel Tichadou, des techniciens, et trois journalistes dont Stéphane Babey, ex-attaché de presse du maire, et Simal qui vient de M6, qui font un travail de professionnels. Avec de modestes moyens, ils réalisent chaque jour un JT de six à neuf minutes. Et n’hésitent pas à traiter des sujets qui fâchent comme, en 2005, les émeutes des quartiers Saint-Jacques et Saint-Mathieu.
Invisibilité. Pendant plus de deux ans, les trois journalistes travaillent librement. Montant même avec des collègues de la presse locale une revue de presse au ton persifleur. Leur travail est salué mais la télé reste invisible. Les autorisations de diffusion hertzienne sont précaires. Le câble et Internet ne sont que de maigres palliatifs. Crise. La direction commence par supprimer la revue de presse à la rentrée 2006, puis le 15 février 2007, Jean-Michel Grabolosa annonce brutalement que le JT du jour sera le dernier. Consternation. La dotation de la télé ne cessant d’augmenter malgré son échec, les journalistes pensent que ce ne sont pas les difficultés économiques qui sont à l’origine de ces suppressions. Le ton de l’équipe aurait été trop libre, notamment pendant les émeutes. De plus, Babey, un des trois journalistes, serait devenu la bête noire du député UMP Daniel Mach.
Perpignan TV, devenue Télévision sans frontière (TSF) après un accord avec une chaîne de Catalogne espagnole, cherche donc à se débarrasser de ses journalistes. Sans trop faire attention à la légalité. Une lettre leur est envoyée par Grabolosa, le PDG, et les services de la mairie. Il leur propose de devenir techniciens, avec une baisse d’un tiers de leur salaire. En violation de la convention qui règle la profession. Ils refusent, prennent un avocat, attaquent leur employeur.
Salle isolée. TSF oblige les récalcitrants à passer leurs journées dans une salle isolée, sans téléphone ni Internet. Puis elle entame une procédure de licenciement économique. Pas de chance, la société a oublié de convoquer des élections de délégués du personnel. La procédure de licenciement ne peut commencer. Pour corser le tout, les patrons montent les autres salariés contre les mauvais coucheurs qui mettraient en péril une entreprise qu’eux-mêmes gèrent pourtant avec une fantaisie coupable. La tension monte jusqu’à l’incident de vendredi.
Samedi, Daniel Tichadou a estimé que dans cette affaire, les conseils juridiques avaient fait des erreurs et il a décidé de reprendre le dossier. Les licenciements se feraient selon la loi. Une élection de délégués va avoir lieu. De leur côté, les trois «relégués» donnent lundi une conférence de presse pour expliquer que TSF ne manque pas de moyens et ne peut se passer de journalistes.
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