03/09/2007

Le SM grince a nouveau, rien ne va

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Défiance croissante des milieux judiciaires à l'égard de Rachida Dati et de la politique de Nicolas Sarkozy
LE MONDE | 03.09.07 | 14h25 • Mis à jour le 03.09.07 | 14h25

Projets de loi à répétition, dépénalisation du droit des affaires, convocation d'un juge, grogne syndicale : les relations se tendent entre les magistrats et Nicolas Sarkozy et sa ministre de la justice, Rachida Dati. Les nouvelles annonces du président de la République, jeudi 30 août, devant le Medef, ressuscitant le spectre d'un "gouvernement des juges" relance les polémiques contre les magistrats régulièrement déclenchées par Nicolas Sarkozy au ministre de l'intérieur.

Après un mois de juillet tourmenté, la rentrée est difficile pour Rachida Dati. Elle a subi les foudres des syndicats de magistrats, mais aussi de la Conférence nationale des procureurs, une association, peu connue pour ses éclats. L'annonce le même jour du départ de son chef de cabinet, Michel Marquer, ravivait le souvenir de la crise traversée par la Chancellerie, au moment de la démission, début juillet de son directeur de cabinet, Michel Dobkine. Les deux principaux syndicats de magistrats, l'Union syndicale des magistrats (USM, modérée, majoritaire) et le Syndicat de la magistrature (SM, gauche, minoritaire) ont refusé d'accompagner Mme Dati, aux Pays-Bas, afin de ne pas "servir de faire-valoir à la politique de communication de la ministre".

Sur la méthode de la ministre, Emmanuelle Perreux, présidente du SM, dénonce "un affichage de concertation et de dialogue social qui n'a aucune existence réelle". En arrivant à la Chancellerie, Rachida Dati avait expliqué que sa porte était ouverte. "Nous sommes allés plus souvent au ministère de la justice en trois mois qu'en deux ans avec Pascal Clément", reconnaît Laurent Bedouet, de l'USM. Mais la discussion a été impossible sur les lois récidive. Le même scénario se profile sur les hôpitaux-prisons et le jugement des irresponsables, qui suscitent de vives réactions.

"INSTRUMENTS DU POUVOIR"

La polémique après la convocation d'un magistrat dépasse le cadre du conflit syndical et risque de laisser beaucoup de traces. Philippe Nativel, vice-procureur à Metz, a été convoqué à la Chancellerie, à la demande de la garde des sceaux, pour avoir dit en audience - ce qu'il conteste -, que "les magistrats ne sont pas les instruments du pouvoir". Le Syndicat de la magistrature a alerté le Conseil supérieur de la magistrature (CSM). Bruno Thouzellier, président de l'USM, dénonce "une atmosphère kafkaïenne". La convocation du magistrat est perçue comme une volonté de reprise en main. "C'est le statut du magistrat du parquet qui est en cause et sa liberté de parole, explique le président de la Conférence des procureurs, Joël Guitton. Nous appliquons la loi, nous affirmons notre loyauté à l'égard de notre hiérarchie, mais nous ne sommes pas les instruments du pouvoir."

Plus fondamentalement, c'est le rôle du garde des sceaux qui est posé. On reproche à Rachida Dati de se contenter de traduire la volonté du président. L'avocat général, Philippe Bilger, réputé proche de la droite, le souligne sur son blog : "S'il se contente d'être la main dirigée par l'esprit présidentiel sans exprimer aussi la parole judiciaire auprès de Nicolas Sarkozy, il manquera son rôle et (...), il sera gravement atteint par une défiance chaque jour plus vive." D'autant que la ministre s'est engagée dans un chantier explosif, la réforme de la carte judiciaire, qui a déclenché d'importants mouvements en juin et nécessite un large consensus.
Alain Salles

Article paru dans l'édition du 04.09.07.

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