Nouvelles d’Orient
Carnets du Diplo
2 septembre 2007
Nicolas Sarkozy critiqué par le New York Times
par Alain Gresh
Le Quai d’Orsay, tous des lâches...
Dans son livre apologétique sur Nicolas Sarkozy, L’Aube, le soir ou la nuit, (encensé par la presse de gauche comme de droite, on lira avec quelque étonnement les délires de Jérôme Garcin dans Le Nouvel Observateur qui lui a consacré sa couverture) Yasmina Reza rapporte ces propos de l’actuel occupant du Palais de l’Elysée : « Il devient très important de se débarrasser du Quai d’Orsay »
« J’ai un mépris pour tous ces types, ce sont des lâches. Quand on est lâche, on ne réfléchit pas »
Rappelons la polémique qui avait suivi la publication sur le site du Crif en novembre 2005 des propos de François Hollande, premier secrétaire du Parti socialiste selon lesquels « il y a une tendance qui remonte à loin, ce que l’on appelle la politique arabe de la France et il n’est pas admissible qu’une administration ait une idéologie ». Il avait ajouté qu’il y avait un « problème de recrutement au Quai d’Orsay et à l’ENA » et que le recrutement « devrait être réorganisé ».
Surenchères républicaines.
L’élection présidentielle américaine aura lieu en novembre 2008. Le départ de George W. Bush entraînera-t-il un changement de la politique étrangère américaine au Proche-Orient ? A lire les déclarations des différents candidats, y compris celles de Hillary Clinton, on peut en douter. Un des principaux candidats républicains Rudolph W. Giuliani, l’ancien maire de New-York, présente sa vision dans la dernière livraison de Foreign Affairs, sous le titre « Towards Realistic Peace ». Il appelle à défendre la civilisation, envisage une action militaire contre les installations nucléaires iraniennes (ce que font pratiquement tous les candidats à la présidentielle) et émet les plus vives réserves à l’égard de la création d’un Etat palestinien.
Nicolas Sarkozy critiqué par le New York Times
Deux réactions au discours de Nicolas Sarkozy sur la politique étrangère de la France. La première, un éditorial très critique du New York Times du 30 août « No time for threats » (l’heure n’est pas aux menaces), (repris par International Herald Tribune du 31 août sous le titre « This is no time for threats against Iran »). Le quotidien américain n’y va pas par quatre chemins :
« Le président Nicolas Sarkozy a fait, dans son premier grand discours de politique étrangère, le mauvais geste au mauvais moment en brandissant l’usage possible de la force contre le programme d’armement nucléaire iranien. Les Etats-Unis et leurs alliés doivent intensifier leurs efforts pour résoudre les dangers sérieux que fait peser l’Iran par des négociations globales et des pressions économiques accrues, et non en parlant d’action militaire. » (...)
« Ce qui est inquiétant c’est que ses commentaires pourraient refléter la manière dont il appréhende l’évolution de la politique américaine. Bien plus proche de Washington que son prédécesseur, Sarkozy a passé du temps avec le président Bush dans le Maine durant ses vacances. Ses remarques, bien dans son style direct et sans nuance seront lues comme un avertissement à Téhéran et aux pays qui sont réticents à imposer des sanctions supplémentaires à l’Iran. Le message : si l’initiative diplomatique échoue, l’Iran aura l’arme nucléaire ou il y aura une action militaire pour l’en empêcher. Bush a ajouté à la pression en suggérant hier que la menace nucléaire iranienne était une raison pour garder des troupes américaines en Irak. »
Autre réaction, plus favorable cette fois, celle du quotidien israélien Haaretz qui, dans son éditorial du 31 août,« A realist at the Elysée Palace », écrit :
« L’analyse de Sarkozy est similaire à celle du premier ministre Ehoud Olmert et de ses collègues de la direction iranienne, qui ont fait des déclarations similaires et ont présenté la bombe iranienne comme un problème international qui nécessite une solution diplomatique urgente. Sarkozy a montré qu’il reconnaissait le caractère sérieux de la menace iranienne et qu’il était prêt à s’y opposer et qu’il ne tente pas d’en faire un problème pour le seul Israël. »
Après avoir critiqué la politique précédente de Jacques Chirac, l’éditorialiste poursuit :
« Il est trop tôt pour savoir si une telle approche définira les relations avec Israël. On ne peut pas penser que la France retirera son opposition traditionnelle à l’occupation et aux actions d’Israël dans les territoires, mais il est possible que la France ne soit plus, comme dans le passé, à la tête des critiques d’Israël. »
Le discours de politique étrangère du président Sarkozy s’est immédiatement traduit sur le terrain du Proche-Orient par un rapprochement avec les Etats-Unis aussi bien sur le dossier iranien que sur l’Afghanistan.
Dans un article intitulé « Paris réfléchit à des sanctions hors ONU contre l’Iran » (1er septembre), Nathalie Nougayrède du Monde écrit :
« La France est disposée à passer à une phase de sanctions contre l’Iran en dehors du cadre de l’ONU. Ce tournant a été imprimé par le président français, Nicolas Sarkozy, sans faire, pour l’heure, l’objet d’annonces publiques, et sans qu’une décision n’ait encore été prise quant au contenu de telles sanctions. »
Elle poursuit :
« Il s’agit d’un changement car, sous la présidence de Jacques Chirac, une approche de nature unilatérale, hors de l’ONU, était rejetée par l’Elysée. Les Etats-Unis appliquent depuis les années 1980 une série de sanctions unilatérales, notamment d’ordre financier, contre la République islamique. »
« Les diplomates français ont désormais intensifié la réflexion, aux côtés de leurs interlocuteurs américains et d’autres Européens, à propos de mesures coercitives supplémentaires contre l’Iran hors ONU. L’idée d’agir en dehors de l’ONU a été évoquée à Paris fin juin, lors d’une rencontre entre M. Sarkozy et la secrétaire d’Etat américaine Condoleezza Rice, en marge d’une réunion sur le Darfour. M. Sarkozy a alors signifié qu’il était ouvert à cette option. En avril, pendant la campagne électorale française, M. Sarkozy avait déjà indiqué que, pour lui, des sanctions hors ONU ne posaient "pas un problème de principe". »
Ces informations coïncident avec le nouvel accord conclu le 22 août entre l’Iran et l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) sur un calendrier de plusieurs mois pour que Téhéran réponde aux questions en suspens sur son programme nucléaire.
Au même moment, toujours selon le quotidien Le Monde (Laurent Zecchini, 30 août) « La France redéploie ses avions de combat dans le Sud afghan » :
« La France a décidé de s’impliquer davantage en Afghanistan. Le ministre français de la défense, Hervé Morin, doit effectuer un voyage au Tadjikistan et en Afghanistan, du 6 au 8 septembre. Il profitera de cette occasion pour annoncer que les avions de combat Mirage 2000 D et Mirage F-1, qui se livrent à des missions de bombardement dans le sud de l’Afghanistan à partir de l’aéroport de Douchanbé au Tadjikistan, vont être prochainement stationnés sur celui de Kandahar, la grande ville du sud afghan. »
« Cette décision, prise à la mi-août et officiellement présentée comme un "redéploiement technique", souligne la volonté politique de la France de répondre favorablement aux appels pressants lancés par l’Alliance atlantique et Washington pour une plus grande implication militaire des pays européens en Afghanistan, en particulier dans le Sud et l’Est où se déroule l’essentiel des combats contre les talibans. Elle confirme aussi de facto la volonté de rapprochement avec les Etats-Unis, récemment affirmée par le président Nicolas Sarkozy. » `
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