Si, officiellement, la mairie de Montpellier, tenue par la socialiste Hélène Mandroux, déclare que "la délation n’est pas sa pratique", il semble que, dans les faits, certains fassent du zèle. Sur l’ordre de qui?La mairie (PS) de Montpellier traque-t-elle les sans-papiers?
Par Carole Rap (journaliste) 19H34 03/10/2007
"On nous demande même de prévenir la PAF"
Mardi après-midi, Elif, jeune femme de nationalité française, se rend au guichet de la mairie en compagnie de son ami Evren, un Turc d’origine kurde dont la demande de titre de séjour est en cours d’examen à la préfecture. Aux yeux de la loi, il est donc en situation irrégulière. Ce que ne manque pas de constater l’employée de l’état civil.
"Elle nous a alors dit que depuis quelques temps, ils (la mairie, ndlr) étaient obligés de prévenir le procureur de la République si un des futurs conjoints était en situation irrégulière. Elle s'est ensuite absentée pendant quelques minutes", relate Elif.
Quand l’employée revient, elle annonce aux deux jeunes gens que leur dossier est accepté. Mais elle semble visiblement embarrassée et finit par leur confier:
"C'est la préfecture qui nous demande de prévenir le procureur. Depuis quelques temps, surtout depuis quinze jours, nous avons une pression énorme. Je ne devrais pas vous le dire mais vous êtes en plein dedans. On nous demande même de prévenir la PAF (Police aux Frontières, ndlr)".
Etrange coïncidence, en sortant de la Mairie, Elif et Evren remarquent trois agents de la PAF qui les suivent et viennent les stopper quelques dizaines de mètres plus loin. Contrôle d'identité. "Ils prennent nos papiers et appellent la préfecture".
Heureusement pour Evren, son dossier étant en cours d’étude en préfecture, il est relâché. Contactée par le couple, la Cimade de Montpellier (association d’entraide aux étrangers) se fend d’un communiqué pour expliquer que "les maires ne sont pas tenus de saisir le procureur lorsqu'un étranger en situation irrégulière souhaite se marier avec un français. Une telle saisine n'est envisageable que s'il existe un doute sur la sincérité du mariage". La Cimade enfonce le clou:
"Il n'appartient pas aux maires de prévenir la police lorsqu'ils sont saisis d'une demande de mariage d'un étranger et d'un Français".
"La municipalité nous l'a demandé au début de l'été"
La mairie nie qu’un contact ait pu être établi entre quelqu’un de chez eux et la PAF dans cette affaire. Mercredi soir, elle a tout de même annoncé qu'elle lancerait une enquête administrative pour faire toute la lumière.
Du côté de la police, on assure aujourd’hui que "la PAF n’est pas venue d’initiative. Elle n’est pas tombée sur la personne par hasard". D’ailleurs, certains policiers en ont marre d’endosser seuls la responsabilité de la traque aux sans-papiers. Au point de s’exprimer publiquement, comme Philippe Sebag, secrétaire régional du syndicat Alliance police nationale, dans une interview parue dans Midi Libre le 29 septembre. A la question: "Les contrôles et arrestations de personnes en situation irrégulière ont pourtant fortement augmenté cet été à Montpellier?", il répond:
"Dans les faits c’est indéniable mais il faut rétablir un semblant de vérité. (…) La police ne se réveille pas le matin en se disant: 'Tiens, on va taper sur certains quartiers.' Non, la municipalité nous l’a demandé au début de l’été et il faut qu’elle ait le courage de l’assumer. C’est Christian Bouillé en personne (adjoint au maire et vice-président de la commission Sécurité publique et sûreté de la ville, ndlr) qui nous a 'bougés' pour que la Police nationale réinvestisse certains quartiers où les troubles publics étaient en augmentation".
L’adjoint au maire dément avoir "donné aucune instruction à Monsieur Sebag". Mais à ce jour, Guillaume Neau, du service communication de la police de Montpellier, confirme les propose tenus par Philippe Sebag.
La police nationale est-elle pour autant aux ordres de la Mairie? Non, bien sûr, mais "il se trouve que cela correspond à l’un des objectifs de notre direction centrale: si on veut faire plus de personnes en situation irrégulière, il faut faire plus de contrôles", répond le policier en charge de la communication.
"Les syndicats de la TAM ont demandé une présence policière accrue"
De là à effectuer des contrôles d’identité systématiques dans les bus et les trams de la ville? C’est ce qui est arrivé cet été dans le bus 15, qui relie le centre de Montpellier à la Paillade, quartier excentré où vivent beaucoup de personnes d’origine maghrébine. Choqués, plusieurs passagers ont rapporté comment ils avaient vu des policiers bloquer le bus avec leur véhicule entre deux arrêts, monter à l’intérieur, demander à voir les papiers d’identité de chaque passager (et non pas le ticket de transport car il ne s’agissait pas d’un contrôle de billets) et faire descendre plusieurs personnes. Une opération que ne réfute pas la Police nationale, indiquant qu’elle agit sur réquisitions du procureur mais qu’elle a aussi un "partenariat important" depuis l’an dernier avec la TAM (Transports de l’agglomération de Montpellier), auquel la Mairie participe, dans le cadre du Conseil local de sécurité et prévention de la délinquance" (CLSPD, mis en place le 25 octobre 2006).
"Suite à des agressions, les syndicats de la TAM ont demandé à avoir une présence policière plus accrue", justifie Guillaume Neau. La dernière agression contre un chauffeur remonte à un an. "Malgré l’inquiétude des syndicats, la majorité des faits relève d’incivilités. Mais comme nous, on a des objectifs en matière d’étrangers, si on a des personnes en irrégularité, on ne va pas les laisser partir", poursuit le policier.
Dans l’Hérault, ces objectifs correspondent au prorata par département du chiffre souhaité au niveau national, qui est de 20000 interpellations. Ils sont, paraît-il, loin d’être atteints. De là à inciter la mairie à s’en mêler?
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