04/10/2007

Grogne chez les magistrats d'Agen

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PARIS - La mutation du procureur général d'Agen voulue par la ministre de la Justice dans un souci de "modernisation" mobilise les magistrats de son ressort ainsi que les syndicats qui dénoncent jeudi "une véritable tentative de caporalisation des magistrats du parquet, inédite dans un Etat de droit".La mutation du procureur général d'Agen mobilise les magistrats
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Par Verena von Derschau AP - il y a 2 heures 43 minutes

En poste depuis 13 ans au parquet général d'Agen, Bernard Blais s'est vu proposer sa nomination comme avocat général à la Cour de cassation. Une mutation qu'il a refusée à quelques mois de son départ à la retraite.

Ce magistrat se voit donc menacé d'une mutation imposée "dans l'intérêt du service", même si à la Chancellerie on se refuse pour l'instant à prononcer ces mots. "M. Blais a jusqu'au 5 octobre pour faire connaître sa position, laissons-lui le temps", a insisté jeudi le porte-parole de Rachida Dati, Guillaume Didier, feignant d'ignorer la grogne qui monte et le refus publiquement exprimé par le magistrat.

Le premier président de la cour d'appel d'Agen, René Salomon, a ainsi saisi jeudi le Conseil supérieur de la magistrature du cas de son procureur général indiquant au cours d'une conférence de presse qu'il était "inquiet et indigné" des méthodes employées par la ministre. Les magistrats du ressort de la cour d'appel d'Agen ainsi que les fonctionnaires ont voté mercredi deux motions de soutien à M. Blais se disant "consternés".

Il est vrai que l'annonce de la mutation de ce magistrat intervient quelques semaines après la décision de Rachida Dati d'instaurer la parité parmi les 35 procureurs généraux, dont deux seulement sont actuellement des femmes. Et si la Chancellerie se défend que ce changement d'affectation a un lien avec la parité, assurant que "Mme Dati n'a aucun candidat", les magistrats du parquet se sentent une fois de plus menacés.

Le Syndicat de la magistrature (SM) et l'Union syndicale des magistrats (USM) ont ainsi pris l'initiative -rare- d'un communiqué commun pour constater "qu'après la tentative d'intimidation de notre collègue (Philippe) Nativel, vice-procureur à Nancy, le garde des Sceaux tente maintenant d'imposer ses choix en matière de nomination".

Les syndicats dénoncent donc "une véritable tentative de caporalisation des magistrats du parquet, inédite dans un Etat de droit, et rappellent que les procureurs généraux qui ne sont pas des préfets de justice bénéficient comme les autres magistrats de règles statutaires protectrices".

Reste que le discours tenu par le ministère de la Justice ne devrait pas calmer la grogne des magistrats, puisque Guillaume Didier a confirmé jeudi que le cas de M. Blais pourrait faire jurisprudence alors "qu'on est en train de préparer un mouvement des procureurs généraux vraisemblablement d'ici la fin de l'année".

Il a rappelé qu'une loi de 2001, qui n'est pas applicable à M. Blais déjà en poste au moment de son vote, limitait à sept ans le maintien en fonction d'un procureur général. Tous ceux qui sont donc en poste depuis plus longtemps devraient donc céder bientôt leurs places dans le souci de "modernisation de la justice" affiché par Rachida Dati.

La garde des Sceaux a écrit jeudi à la secrétaire générale de FO-Magistrats Naïma Rudloff, dont le syndicat avait exprimé sa préoccupation. Dans ce courrier, rendu public par la chancellerie, elle souligne que les emplois de procureur général près une cour d'appel "pourvus en conseil des ministres" sont des "emplois supérieurs à la discrétion du Gouvernement".

Par ailleurs, estime-t-elle, la loi de 2001 traduit la volonté du législateur de "favoriser la mobilité dans ces fonctions de direction". "Une telle mobilité, nécessaire pour l'ensemble des magistrats, m'apparaît particulièrement indispensable pour ces fonctions de la haute hiérarchie judiciaire, et conforme à l'intérêt du service de la justice".

Mme Dati ajoute que le procureur général près la cour d'appel d'Agen, après plusieurs demandes de mutations non satisfaite, "a cru devoir retirer l'ensemble de ses demandes au début de l'année 2006, manifestant ainsi sa volonté de renoncer à toute mobilité après plus de 11 années d'exercice à la tête de ce parquet général et de demeurer en conséquence dans ses fonctions jusqu'à son admission à la retraite par limite d'âge". AP

der/mw/sb/com



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