10/05/2008

Torapamavoa une page dans le Nouvel Obs (La musique anti-Sarko ne fait pas relâche)

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Torapamavoa VOX POPULI.





Nº2270
SEMAINE DU JEUDI 08 Mai 2008
http://hebdo.nouvelobs.com/hebdo/parution/p2270/articles/a374261-.html


À la Une <>

La musique anti-Sarko ne fait pas relâche

«Pas question de se laisser taire !»


Rap, punk, rock et même chanson française : des artistes se défoulent contre le président. Sur la Toile, dans les studios et même devant le Fouquet's





Souvent, quand il marche dans la rue de son pas dansant, Djamal le musicien, une ombre de moustache et la casquette à l'envers, se retourne pour voir s'il n'est pas suivi. Parvenir à le rencontrer tient du jeu de pistes. Parano ? Pas sûr.

Depuis quelques mois, il lui est arrivé de drôles de choses. Son courrier lui parvient systématiquement décacheté. Son téléphone portable s'est mystérieusement mis à afficher quatre fois de suite les numéros de ses correspondants.



Par deux fois, la page qu'il avait créée sur Myspace a disparu sans explication. Quand il ouvre son blouson, il montre le tee-shirt noir qu'il ne quitte pas : une photo de Nicolas Sarkozy barrée d'un slogan : «Il ne sera jamais mon président, non, Torapamavoa Nicolas.»



Djamal est «ministre de l'anti-Propagande» de la «Republik torapamavoyenne», «collectif gigoteur anti-Sarkozy».



Ses complices sont «ministresse des contre-courants», «de l'anti-dépression» ou «secrétaire d'Etat à la création subversive». Composé en 2006, «Torapamavoa Nicolas» est devenu un tube sur le Net. Deux titres, «Castoapovcon» (après la visite de Nicolas Sarkozy au Salon de l'Agriculture) et «Parle à mon nain», prétendument rappés par «Carla Fatale et Cécilia Bazooka», suivent le même chemin.



En tout, plus de 3 millions de vidéos vues ! Pour le premier anniversaire de l'arrivée de Nicolas Sarkozy à l'Elysée, une parodie de «Le fric, c'est chic», version karaoké du succès planétaire de la fin des années 1970, démarre en trombe.



Sur le site (1) qu'il anime avec ses amis, Djamal a, de fait, créé une agence de presse hyperréactive, subversive et ludique où «la France d'après» est décortiquée, raillée, vilipendée. «Pas question de se laisser taire», dit Djamal, au prétexte que le suffrage universel a parlé et que, circulez, il n'y aurait plus rien à voir...



Pas facile pourtant, depuis son élection, de tenir le rythme de la contestation «antiSarko». «Une fois que les Français ont voté, c'est difficile pour un artiste d'aller contre le suffrage universel. D'autant que, notamment dans le monde du rap, il y avait un malaise à soutenir Ségolène. Ils étaient contre Sarkozy, mais pour personne, souligne Laurent Bournot, directeur général des programmes de Skyrock.



Et puis le côté bling-bling, la tchatche dont ils peuvent se sentir proches, la richesse ostentatoire peuvent plaire à une partie des jeunes.» Désormais, c'est la dérision qui prend le dessus. Ainsi, pour «fêter le premier anniversaire du petit» à sa façon, l'humoriste Christophe Alévêque (2) a une nouvelle fois réuni sa «chorale des mille colombes» devant le Fouquet's, reprenant la kitschissime chanson entonnée par Mireille Mathieu place de la Concorde le soir de l'élection de son président préféré. «Je ne me calmerai pas !», prévient ce clown acide qui ne peut s'empêcher de griffer là où ça fait déjà mal. «Le 6 mai 2007, on avait regardé la soirée électorale avec des copains.


C'était irréel. Quand on a entendu le discours du gourou, regardé Cécilia qui avait envie de le mordre et entendu Mireille Mathieu, là, on n'avait plus envie de rire. J'ai mis l'image de la télé en noir et blanc. Effarant ! On se serait cru revenu aux années Guy Lux. Ca, la rupture ? Ce n'était plus demain. C'était avant-hier.»



Manu Larrouy, lui, est un parfait inconnu. Un jeune auteur-compositeur trentenaire aux allures de troubadour contemporain, qui, chichement nourri depuis dix ans par le RMI, se définit comme «un poète moderne». Dans quelques mois, il va sortir son premier disque chez Mo Town. Titre principal : «Un mec à la cool». «A la France de droite, celle qui se la pète», il prévient, dans une ballade douce-amère, «Je n'irai pas danser ce soir au Fouquet's». Sur le web, les parodies du «Quelqu'un m'a dit» de Carla Bruni sont susurrées au vitriol. «Mickey m'a dit», fredonné par une alanguie en jupette à pois et grandes oreilles en peluche, est sans doute la version la plus soft : «On me dit qu'un RMI, ça ne vaut pas grand-chose / Et que les sans-abri ne sentent pas la rose / On dit que le président est un parfait salaud / Que le pouvoir d'achat, il s'en tape le coco...»


Au royaume du grand défouloir, versions punk, tecktonik, R&B, rap, heavy metal ou chanson française, il y en a pour tous les goûts. Sarkophage, groupe punk-rock, a ouvert son site (3). «Sarkocescu», l'un de ses animateurs, badge de Rachida Dati version Bazooka au revers de son perfecto et prof de socio dans le civil, explique que le groupe joue partout en France quand les patrons de salle de spectacles ou de bar «n'annulent pas au dernier moment par crainte, avec un nom pareil, d'une descente de flics».



Les vidéos amateurs postées sur internet sont enregistrées dans une chambre de bonne, un pavillon de banlieue ou à même le trottoir, selon la mise en scène désormais rodée des chanteurs-cultes de «la Chanson du dimanche» (4), le petit bijou loufoque mais de plus en plus politique au fil du temps - de Clément Marchand et Alexandre Castagnetti : 9 millions de vidéos vues depuis février 2007 !



Producteur de musique, Loïk Dury qui officia dix ans durant à Radio Nova fait le tour de France des locaux d'enregistrement avec les groupes dont il s'occupe. «C'est là, raconte-t-il, que de parfaits inconnus venus de toutes les tribus de la musique se défoulent chaque samedi soir.» Quand on tend l'oreille, derrière les portes capitonnées, avec pour seules armes une guitare, une batterie et un micro, c'est toujours la même chanson : «Fuck Sarko !» Mais bien sûr, ça ne passera jamais à la radio.



(1) http://torapamavoa.blogspot.com/
(2) http://www.aleveque.com/
(3) http://www.sarkophage.propagande.org/
(4) http://www.lachansondudimanche.com/

Agathe Logeart Le Nouvel Observateur









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