POLICE • Injuriez le barman, pas le flic !
Le correspondant du Times s’étonne de l’augmentation du nombre des délits d’outrage à agent.
Quand Jean-Jacques Reboux a été interpellé dans sa voiture cabossée, puis accusé de gêner la circulation, il a protesté de son innocence. “J’étais pris dans un embouteillage à un carrefour et je ne gênais personne”, a-t-il assuré. Dans l’altercation qui a suivi, un policier l’a accusé de l’avoir traité de connard. L’incident a valu à cet éditeur parisien de comparaître devant les tribunaux, où il a été condamné à 150 euros d’amende pour outrage, un délit bien français qui désigne une offense à un agent de la force publique.
Cette infraction, passible d’une peine de six mois de prison et d’une amende de 7 500 euros, date de l’époque napoléonienne et vise à protéger “la dignité […] de toute personne chargée d’une mission de service public”. Derrière ce jargon juridique se profile l’idée que les fonctionnaires incarnent un Etat français qui mérite le respect et le soutien de tous ses citoyens. Le nombre de poursuites intentées pour outrage à agent de police ou autre représentant de l’ordre public est passé de 17 700 en 1996 à 31 731 l’an dernier, ce qui, pour certains, témoigne d’un abus de pouvoir de l’Etat.
Jean-Jacques Reboux a lancé une campagne de dépénalisation du délit d’outrage, qui a fait grand bruit. “Si vous traitez de connard le patron de votre café ou votre banquier, vous risquez une altercation mais pas de poursuites en justice, observe l’intellectuel. Mais si vous dites la même chose à un policier, vous vous retrouvez au tribunal. Pourquoi les fonctionnaires seraient-ils traités différemment ? C’est une vision de l’Ancien Régime.”
L’éditeur a fondé le Collectif pour la dépénalisation du délit d’outrage [CODEDO] avec Romain Dunan, un militant de gauche qui s’estime, lui aussi, victime d’une injustice. Ce dernier a envoyé [fin 2006] à Nicolas Sarkozy [alors ministre de l’Intérieur] un courriel où il comparait la politique du gouvernement à celle de Vichy. Résultat : une amende de 800 euros pour outrage à un représentant de l’Etat. Et nombreux sont les cas similaires.
Compte tenu de la volonté actuelle de réaffirmer l’autorité de l’Etat, les hommes politiques et les fonctionnaires sont d’autant plus enclins à se déclarer victimes d’insultes qu’ils peuvent réclamer des indemnités allant de quelques centaines à quelques milliers d’euros. Employés de La Poste, inspecteurs des impôts, personnels des chemins de fer et enseignants intentent des procès dès qu’ils s’estiment offensés. Pour Nicolas Comte, secrétaire général d’un syndicat de gardiens de la paix, le SGP-FO, si les poursuites pour outrage sont plus fréquentes, c’est que les insultes le sont aussi. “Le problème, dit-il, est que les relations entre la police et la population sont de plus en plus difficiles.”
Adam Sage
The Times
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