Contre-expertise au quotidien des déclarations et des chiffres du débat public.
Ecrit par CEDRIC MATHIOT
LE CONTEXTE
Alors que le texte sur le revenu de solidarité active (RSA) revient devant les députés, le financement du dispositif, auquel ne contribueront pas les bénéficiaires du bouclier fiscal, continue de susciter la polémique.
La majorité a trouvé une parade : en plafonnant les niches fiscales, le gouvernement espère dégager 200 millions d'euros pour financer le RSA et désamorcer les critiques sur la contribution des plus riches au nouveau dispositif de solidarité. Mais la présentation de la droite et celle de Martin Hirsch – haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté – est un peu trompeuse.
LA PHRASE
«L'effet bouclier fiscal sur les plus riches, c'est à peu près une économie de 26 ou 27 millions d'euros par an. L'effet niche leur fera rendre 150 ou 200 millions d'euros...»
LES FAITS
les chiffres cités par Martin Hirsch ne portent pas à discussion, ils viennent des simulations de Bercy :
Le rapport de Laurent Hénart, député UMP de Meurthe-et-Moselle, sur le RSA chiffre à 40 millions le «manque à gagner» lié au bouclier fiscal dans le financement du dispositif. En d'autres termes, si comme l'opposition le réclamait, la taxe de 1,1% finançant le RSA n'avait pas été intégré dans le bouclier fiscal, les actuels bénéficiaires du bouclier auraient été mis à contribution à hauteur de 40 millions pour le RSA. Et les plus riches d'entre eux, suggère Hirsch, à hauteur de «26 à 27 millions».
En face de ces 26 à 27 millions d'euros, Martin Hirsch donne le chiffre de «150 à 200 millions d'euros». C'est effectivement le montant que le gouvernement compte obtenir du plafonnement des niches fiscales, et qui sera utilisé au financement du RSA.
Mais la présentation de Martin Hirsch est fallacieuse, qui laisse à penser que les mêmes «plus riches» qui économisent avec le bouclier payeront «cinq fois à six plus» pour le RSA du fait du plafonnement des niches fiscales.
Or, par définition, comme nous le rappelle Didier Migaud, président (socialiste) de la commission des finances de l'Assemblée Nationale, les bénéficiaires du bouclier sont indifférents à toute majoration de leur imposition : «Le principe du bouclier fiscal fait qu'ils sont assurés d'être exonérés de toute imposition théorique supplémentaire, que celle-ci provienne d'une majoration de l'impôt sur le revenu, d'une nouvelle taxe telle que celle instituée pour financer le RSA... ou de la mise en œuvre du plafonnement globale des niches.»
Morale de l'histoire : les Français qui profitent aujourd'hui des niches fiscales payeront bien pour le RSA du fait du plafonnement... mais à la condition qu'ils ne soient pas déjà protégés par le bouclier fiscal. Ceux qui en revanche profitent des niches et du bouclier (une minorité, assure le cabinet de Martin Hirsch – mais une minorité très argentée, rétorque la gauche) ne verront pas leur imposition bouger d'un iota dans l'affaire. Le RSA : connaît pas!
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