30/01/2009

Les banques préservent les bonus de leurs traders

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Nicolas Sarkozy a porté le fer contre les bonus des patrons de banques, sommant ces derniers d'y renoncer pour toucher l'aide de l'Etat. Tous ont obéi.
En revanche, le chef de l'Etat n'a rien dit des primes versées aux traders des salles de marchés et aux cadres dirigeants des mêmes établissements financiers.

(source : http://www.lemonde.fr/la-crise-financiere/article/2009/01/30/les-banques-preservent-les-bonus-de-leurs-traders_1148557_1101386.html#ens_id=1138923)

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En 2007 pourtant, ces bonus, qui récompensent des performances individuelles, et pour lesquels il n'existe, à ce jour, aucune obligation de transparence, ont atteint des niveaux records. De sources concordantes, cette année-là, au moins deux des principales banques françaises ont versé 1 milliard d'euros, chacune, à leurs équipes de traders. Au sommet de la pyramide, les traders vedette ont pu recevoir jusqu'à dix, douze millions d'euros. Daniel Bouton, alors PDG de la Société générale, rappelait à l'envi qu'il était "le quarantième salaire de la banque".

Qu'en sera-t-il en 2008 ? L'effondrement des marchés va se traduire, mécaniquement, par une chute des primes. Selon le cabinet de chasseurs de têtes Humblot Grant-Alexander, les bonus octroyés aux traders parisiens, versés au printemps 2009 au titre de 2008, baisseront de 50 % à 60 % par rapport à 2007.

"GARDER LES TRADERS STARS"

Selon ses calculs, un trader sur les marchés d'actions recevra en moyenne entre 301 200 et 376 500 euros de prime cette année, contre 753 000 euros l'an dernier, soit 78 à 97 fois le Smic. Hors bonus, la rémunération brute annuelle fixe d'un trader junior s'établit, en moyenne, à 74 500 euros et à 126 500 euros pour un sénior.

Toutefois, précise Thierry Carlier-Lacour, directeur associé du cabinet, si la "poche" globale se réduit, si certains traders ne toucheront rien, d'autres devraient empocher, cette année encore, malgré la crise, des bonus très confortables. "Les banques auront une approche très méritocratique, explique-t-il, récompensant ceux qui n'ont pas démérité en dépit de la crise, et sanctionnant les autres." En cette période difficile, poursuit M. Carlier-Lacour, "les établissements veulent garder leurs traders stars".

L'analyse se confirme sur le terrain. Les grandes banques s'apprêtent, en effet, à annoncer à leurs équipes, d'ici la fin février, une baisse considérable de l'enveloppe globale des bonus pour les traders des salles de marchés, comme pour les équipes de banquiers-conseils en fusions et acquisitions.

Mais elles prévoient aussi des exceptions, pour leurs meilleurs éléments. "Les bonus, c'est un phénomène concurrentiel, si on dit aux traders qu'ils n'auront pas de bonus, on n'aura plus de traders !, résume le porte-parole d'un grand établissement. Sans compter qu'on ne peut pas modifier, en cours d'année, les avantages prévus par le contrat de travail."

Chez BNP Paribas, bénéficiaire à hauteur de 3 milliards d'euros en 2008 en dépit de la crise, aucun des responsables des activités de marché ne devrait toucher de bonus cette année. Pour l'exemple. Ce devrait aussi être le cas des traders dont l'activité a été déficitaire (les "desk" actions) ou la performance personnelle mauvaise.

En revanche, les métiers restés bénéficiaires, comme souvent les activités de changes, et les traders méritants auront leurs primes, même si celles-ci pourraient chuter jusqu'à 70 %.

La logique est la même à la Société générale (2 milliards d'euros de profits en 2008). Certains bonus seront proches de zéro, d'autres résisteront mais s'établiront à des niveaux très inférieurs à 2007. "Nous pratiquerons évidemment la modération, mais il ne faut pas oublier que ces équipes nous ont rapporté beaucoup d'argent les années passées, souligne un dirigeant. C'est grâce à elles que nous avons pu nous offrir notre réseau de banque de détail en Europe de l'Est."

A l'avenir, sous la pression des gouvernements et des autorités de régulation, les banques s'engagent à faire évoluer le mode de calcul des bonus, afin de prendre en compte les performances des traders sur le moyen-long terme. Des réflexions seraient bien engagées à la Société générale, chez BNP Paribas et au Crédit agricole.

La mécanique actuelle est, en effet, accusée d'avoir contribué à la crise, en ayant incité à la prise des risques inconsidérés. Thomas Philippon, professeur à l'Université Stern de New York, souligne que "si les financiers n'ont pas toujours été surpayés, on observe deux périodes d'excès, en 1929 et... 2006 et 2007".

A profil équivalent, un salarié du secteur de la finance, qu'il soit établi à Wall Street à la City de Londres ou à Paris, gagnait en 2007 40 % de plus que dans les autres secteurs. Selon M. Philippon, les excès de 2006 et 2007 trouvent notamment leurs racines dans les politiques de dérégulation du secteur de la finance du début des années 1980. Pour Antoine Morgaut, directeur en France du cabinet de recrutement Robert Walters, il est urgent de réformer le système : "La crise nous offre l'opportunité de refonder le système, ne la manquons pas ! Cela fait des années que les traders sont associés aux bénéfices mais pas aux pertes."

Claire Gatinois et Anne Michel

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