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Mais à en croire Sylvain Barde, chercheur à l'OFCE, le centre de recherches en économie de Sciences-Po, qui publie, mardi 10 février, une note sur le sujet, ce chiffre est largement "trompeur". Pour cet économiste, il résulte d'un malheureux amalgame : en réalité, explique-t-il, seuls 3 % des actifs dépendent, directement ou indirectement, du secteur automobile.
737 000 EMPLOIS CONCERNÉS
Le chiffre de 10 % provient d'un rapport du Conseil économique et social (CES) de 2006, conforté par le bilan 2007 du Conseil des constructeurs français d'automobile (CCFA). Il recouvre l'ensemble des emplois liés à la filière automobile, des constructeurs aux auto-écoles en passant par les compagnies d'assurances, les taxis, la police et l'entretien des routes... Soit des corps de métiers qui ne sont parfois que très indirectement concernés par la production de voitures neuves.
L'amalgame n'est pas le fait du CES, qui décompose ces emplois en trois catégories : la construction automobile à proprement parler (équipements, accessoires, intermédiaires...), l'usage de l'automobile (réparation, assurances, crédits, vente de carburants, casses...) et le transport routier, qui inclut la construction et l'entretien des routes.
Si l'ensemble de ces emplois représente bien 10 % de la population active, seule la première catégorie (748 000 emplois, selon le CES) dépend donc véritablement de la santé du secteur, explique Sylvain Barde, qui avance pour sa part le chiffre de 737 000 actifs.
"IL FAUDRA TOUJOURS DES AUTO-ÉCOLES"
L'erreur provient selon lui d'une "confusion" entre la "production" automobile et son "usage". "On peut tout à fait utiliser des voitures sans en produire", explique-t-il. Le parc automobile français (36 millions de véhicules) génère ainsi près de 1,8 million d'emplois sans être le moins du monde affecté par la production de voitures neuves. "Même dans le scénario pessimiste selon lequel l'ensemble de la production automobile française disparaîtrait à très court terme, avec un flux de véhicules neufs entièrement importé, on voit bien que le parc automobile existant demeurerait, ainsi que les divers emplois qui lui sont liés : il faudra toujours des garagistes, des assureurs, des auto-écoles, des casses, etc.", poursuit le chercheur.
L'aide de l'Etat vise donc davantage à conserver un secteur jugé stratégique pour des raisons technologiques qu'essentiel en terme d'emplois, en conclut Sylvain Barde. S'il s'agissait uniquement de sauver des emplois, "d'autres secteurs pourraient être plus appropriés, comme par exemple la construction et ses 1,5 million d'emplois".
LES SERVICES, GRANDS "OUBLIÉS" DU PLAN D'AIDE
Mais si le chiffre de 10 % avancé par le gouvernement semble n'oublier personne, le plan d'aide à l'automobile est paradoxalement loin de satisfaire l'ensemble de la filière. Les vendeurs de voitures et les garagistes, qui figurent pourtant parmi les 2,5 millions d'actifs évoqués, estiment ainsi être les grands "oubliés" du gouvernement. Pour la Fédération nationale de l'artisanat automobile, "la filière n'a pas été envisagée dans sa globalité" : le plan ne s'est "intéressé qu'à l'industrie" et non aux services. "A quoi bon soutenir la production de véhicules s'il ne reste plus de professionnels pour les vendre, les louer, les entretenir et les recycler ?", s'interroge pour sa part le Conseil national des professions de l'automobile.
L'attention particulière dont bénéficient les constructeurs fait d'ailleurs grincer des dents au-delà de la filière automobile. Les représentants des entreprises de services marchands s'agacent ainsi du soutien apporté à l'industrie au détriment des services, qui pèsent pour 34,1 % des emplois. Le président fondateur du groupe de restauration collective Sodexo, Pierre Bellon, a ainsi plaidé, mardi 10 février, en faveur d'une approche plus équilibrée : "On passe son temps à défendre des emplois en France qui sont périmés, qui de toute façon vont disparaître, alors que vous avez là des emplois non délocalisables", a-t-il fait valoir.
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