Centre de détention de Salon-de-Provence : le juge des référés de Marseille ordonne l'arrêt des fouilles à nu systématiques auxquelles était soumise une personne détenue |
Dans une ordonnance rendue le vendredi 19 août
2011, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a
suspendu l'exécution du régime de fouilles corporelles intégrales
systématiques imposé à une personne détenue au centre de détention de
Salon-de-Provence. Constatant qu'un tel régime de fouille n'était pas
justifié par des raisons de sécurité, le juge des référés a estimé que
l'administration pénitentiaire a porté « une
atteinte grave et manifestement illégale à la liberté fondamentale de
l'intéressé (…) de ne pas subir de traitement inhumain ou dégradant ». La
section française de l'Observatoire international des prisons (OIP) se
félicite de cette décision de justice mais s'inquiète de la persistance
de la pratique de fouilles corporelles systématiques et injustifiées
interdites par la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009.
Incarcéré depuis 5 ans au centre de détention de Salon
de Provence (Bouches-du-Rhône), M.P., 61 ans, bénéficie de parloirs
tous les 15 jours durant lesquels il reçoit ses parents, respectivement
âgés de 77 et 81 ans. Depuis le mois de novembre 2010, il était soumis à
une fouille à nu à l'issue de chacun de ces parloirs, bien qu'il n'ait
jamais causé le moindre trouble ou fait courir le moindre risque pour la
sécurité au sein de l'établissement.
Soulignant que M.P. a toujours eu « un comportement correct en détention », le juge des référé a relevé que « l'administration
n'apporte aucun élément permettant de justifier l'application à M.P. de
mesures de fouille corporelles intégrales à l'issue des parloirs tous les quinze jours
et se borne à se prévaloir de la nécessité de maintenir le bon ordre et
la sécurité des détenus et de leurs visiteurs au regard du nombre
d'incidents commis dans la zone des parloirs (...) et au nombre
d'infractions à la réglementation sur les objets ou substances prohibés
commises dans l'établissement ces derniers mois ». Dans ces
conditions, le juge des référé a suspendu l'application du régime de
fouilles imposé à M.P. au motif qu'il portait « une atteinte grave
et manifestement illégale à la liberté fondamentale de l'intéressé (…)
de ne pas subir de traitement inhumain ou dégradant ».
Ce faisant, le juge des référés a sanctionné le
non-respect de la Convention européenne des droits de l’homme qui
proscrit les traitements inhumains ou dégradants, et celui de la loi
pénitentiaire qui entend limiter le recours à la pratique humiliante de
la fouille corporelle intégrale. L'article 57 de ce texte pose en effet
un principe de proportionnalité, en exigeant que la nature et la
fréquence des fouilles soient « strictement adaptées [aux nécessités de la sécurité] et à la personnalité des personnes détenues », ainsi qu'un principe de subsidiarité, qui ne permet les fouilles intégrales que « si les fouilles par palpation ou l'utilisation des moyens de détection électronique sont insuffisantes ».
Si M.P. n'a désormais plus à subir un tel régime de
fouilles à l'issue de ses parloirs, l'OIP s'inquiète néanmoins de la
persistance de la pratique de fouilles corporelles intégrales
systématiques à l'encontre de l'ensemble des personnes détenues au
centre de détention de Salon-de-Provence. Dans son mémoire produit en
défense devant le tribunal administratif de Marseille, le ministre de la
Justice indique en effet qu' « il serait illusoire de ne fouiller
que certaines personnes détenues qu'on soupçonnerait plus spécifiquement
de tenter de faire entrer des objets prohibés » au motif que « la zone des parloirs est un lieu sensible, car un point de contact entre les personnes détenues et leurs visiteurs ». Il conclut alors en estimant justifié « que soient organisées des fouilles de personnes détenues à leur retour » des parloirs de Salon-de-Provence.
Dans d'autres établissements pénitentiaires, l'OIP note
également des signes de résistance à l’application des dispositions
prévues par la loi pénitentiaire en matière de fouilles des personnes
incarcérées : quelques jours avant cette décision du juge marseillais,
le 8 août, la direction du centre de détention de Bapaume
(Pas-de-Calais) avait en effet abrogé, sous la pression d’un recours
intenté par l’OIP devant le tribunal administratif de Lille, une note
interne instituant illégalement des fouilles à nu systématiques dans
certains secteurs de l'établissement.
Le 29 avril dernier, l'OIP avait également été
contraint de demander au directeur du centre pénitentiaire de
Poitiers-Vivonne (Vienne) l'abrogation de la disposition du règlement
intérieur de l'établissement prévoyant que « le détenu fait l'objet d'une fouille corporelle systématique après l'entretien [avec ses visiteurs au parloir] ». A ce jour, aucune réponse n'a été apportée à l'Observatoire.
Le 27 avril 2010, Monsieur Jean-Baptiste Mattei,
représentant permanent de la France auprès de l'Organisation des Nations
Unies (ONU) à Genève, relevait, lors de son audition par le Comité
contre la torture de l'ONU, que depuis la loi pénitentiaire et « en
application de la jurisprudence de la Cour de Strasbourg, [le caractère
systématique des fouilles] est désormais proscrit et elles n’ont lieu
qu’en cas de nécessité suggérée par des indices sérieux ».
L’OIP appelle l’administration pénitentiaire à rendre effective immédiatement cette interdiction de principe.
L'OIP rappelle :
- l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'Homme précise que « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants » ; - l'article 57 de la loi n°2009-1436 du 24 novembre 2009 qui dispose désormais que « Les fouilles doivent être justifiées par la présomption d'une infraction ou par les risques que le comportement des personnes détenues fait courir à la sécurité des personnes et au maintien du bon ordre dans l'établissement. Leur nature et leur fréquence sont strictement adaptées à ces nécessités et à la personnalité des personnes détenues. Les fouilles intégrales ne sont possibles que si les fouilles par palpation ou l'utilisation des moyens de détection électronique sont insuffisantes » ; - l'arrêt de la Cour européenne des droits de l'Homme EL SHENNAWY c/ FRANCE du 20 janvier 2011 précise que « des fouilles intégrales systématiques non justifiées et non dictées par des impératifs de sécurité, peuvent créer chez le détenu le sentiment d'être victime de mesures arbitraires. Le sentiment d'arbitraire, celui d'infériorité et l'angoisse qui y sont souvent associées et celui d'une profonde atteinte à la dignité que provoque l'obligation de se déshabiller devant autrui […], peuvent caractériser un degré d'humiliation dépassant celui, tolérable parce qu'inéluctable, que comporte inévitablement la fouille corporelle des détenus ». |
http://torapamavoa.blogspot.com Clikez LIRE LA SUITE ci dessous pour lire la suite de l'article...^^
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire