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2007
LEMONDE.FR | 09.04.07 | 10h31
Photo Damien Fellous
On essaie de vous faire prendre des vessies pour des lanternes, monsieur le juge.” Maître William Bourdon, avocat de la défense, commence sa plaidoirie. Son client, Ahmed Meguini, militant antimondialisation et anti-CPE, arrêté lors d’une manifestation place de la Sorbonne le 14 mars 2006, a été condamné le 12 juin de la même année à trois mois de prison ferme pour “fait de récidive de violence sur personne dépositaire de l’autorité publique”. Lui clame son innocence. Le 17 janvier 2007, jour du procès en appel, les policiers qui avaient porté plainte étaient absents. William Bourdon et son client ont réclamé une confrontation. L’audience a été reportée au vendredi 6 avril.
Les trois hommes, un commandant, un brigadier, un gardien de la paix, sont à la droite du juge. Le 14 mars 2006, ils étaient rue Champollion, une perpendiculaire à la place de la Sorbonne où des jeunes manifestaient contre le CPE. Ils ont affirmé avoir reçu des projectiles (pavés, bouteilles, mobilier urbain) et ont déclaré avoir reconnu Ahmed Meguini comme un des lanceurs – notamment du pavé qui a touché le commandant à la cuisse. Ils ont déposé plainte contre lui.
Le prévenu devient une figure du mouvement altermondialiste en 2002 en cofondant, au lendemain du scrutin présidentiel du 21 avril, le “Mouvement spontané des citoyens dans la rue”. Accusé cette même année d’avoir blessé un policier lors d’une manifestation à Strasbourg “pour la liberté de circulation et d’installation en Europe”, il est une première fois condamné à trois mois de prison ferme pour violence sur agent. Comme dans cette précédente affaire, pour la manifestation anti-CPE de mars 2006, Ahmed Meguini conteste les faits : il n’a pas lancé de projectiles, il ne faisait pas partie de la manifestation, il la couvrait en tant que journaliste pour le magazine Toc.
Les versions des faits exposés par les deux parties pendant le procès sont contradictoires. Pour les policiers, des barrières bloquaient la rue Champollion, “pas des barricades, il ne faut pas s’imaginer en mai 68″, précise le commandant. Les policiers évoquent des va-et-vient de manifestants qui faisaient “pleuvoir” des projectiles et les “ordres” qu’ils ont reçus pour dégager les collègues en difficulté devant la Sorbonne.
TROIS MOIS DE PRISON FERME
Pour la défense et les témoins qu’elle appelle à la barre – un photojournaliste présent lors des faits et un jeune homme interpellé en même temps qu’Ahmed Meguini puis relaxé –, il y avait quelques agitateurs, mais ni barricades ni pavés lancés sur les policiers. Rien de comparable avec ce qui se passait au même moment devant le Collège de France.
Ahmed Meguini nie avoir lancé “quoi que ce soit” et raconte : “Peu de monde a vu la charge arriver, il y a eu un mouvement de foule. Des gens sont tombés par terre, trébuchant sur des plots en pierre. J’en faisais partie. J’ai été arrêté à ce moment-là.” “Quand je vois trois messieurs venir mentir sans un battement de cils dans un tribunal, ça me choque, ça m’attriste”, dit-il encore. Avant d’ajouter :”J’ai beaucoup donné à mon pays, j’ai été sapeur-pompier, j’ai été militaire en Bosnie, j’aimerais savoir comment je suis devenu un ennemi de la société ?”
L’avocat des parties civiles, maître Frédéric Pau, réplique qu’Ahmed Meguini n’était pas à la manifestation en tant que journaliste, il rappelle son casier judiciaire (trois condamnations) et demande la confirmation de la décision rendue par le juge de première instance : trois mois de prison ferme.
Le ministère public réclame six mois de mise à l’épreuve et des indemnisations pour les policiers.
Le verdict sera rendu le 25 mai.
Elisa Mignot
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