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PARIS (Reuters) - Redevenu justiciable ordinaire après douze ans d'immunité pénale à l'Elysée, Jacques Chirac est menacé d'auditions, voire de poursuites judiciaires à partir du 16 juin prochain, notamment dans des enquêtes concernant des détournements de fonds à la ville de Paris.
Malgré la nomination de personnalités proches de la droite dans la haute magistrature au cours des dernières semaines de son mandat, l'hypothèse semble ouverte puisque les dossiers susceptibles d'inquiéter l'ancien président sont aux mains de juges d'instruction, indépendants par leur statut.
Un mois après la fin de sa présidence, un délai fixé par la Constitution, ces magistrats ont toute latitude pour convoquer l'ancien président.
Au tribunal de Nanterre (Hauts-de-Seine), c'est le doyen des juges d'instruction Alain Philibeaux qui devra statuer sur une éventuelle convocation de Jacques Chirac dans un dossier sur la rémunération par la Ville de Paris de cadres du RPR au début des années 1990.
Placée en attente pour cause d'immunité présidentielle, cette procédure ouverte en 2002 vise spécifiquement des éléments imputables à Jacques Chirac pour "prise illégale d'intérêt et recel d'abus de biens sociaux", dit une ordonnance de 1999.
Cette affaire a valu à l'ex-Premier ministre Alain Juppé une peine en appel de 14 mois de prison avec sursis et un an d'inéligibilité en décembre 2004. Des éléments matériels versés au dossier laissent penser que l'ex-locataire de l'Elysée a connu le système, voire l'a favorisé.
Il s'agit notamment d'une lettre signée de Jacques Chirac le 16 décembre 1993 où il demande une promotion au sein de l'administration municipale d'une salariée de la ville entre 1983 et 1994, Madeleine Farard, qui a reconnu durant l'enquête avoir travaillé exclusivement pour le parti gaulliste.
JUPPE INTERROGE MARDI
A Paris, une juge du pôle financier, Xavière Simeoni, est aussi à même, procéduralement, d'interroger l'ancien président. Mardi, quelques heures avant le départ du président, elle a déjà fait interroger comme témoin par la police Alain Juppé, ancien adjoint aux Finances de Jacques Chirac à la Ville, dans son dossier.
Il vise une quarantaine d'emplois présumés fictifs accordés à des personnalités RPR ou à leurs proches, cette fois au sein même du cabinet du maire de Paris Jacques Chirac, dans les années 80 et 90.
Quatre directeurs de cabinet successifs de Jacques Chirac à l'Hôtel de Ville de Paris entre 1983 et 1995 - Robert Pandraud, Daniel Naftalski, Michel Roussin et Rémy Chardon - y sont déjà mis en examen pour "détournement de fonds publics".
Plusieurs autres dossiers sont susceptibles à un moindre titre de donner lieu à des auditions ou des poursuites contre le chef de l'Etat.
Il s'agit notamment d'une information visant des détournements de fonds à la Sempap, société d'imprimerie liée à la Ville de Paris, d'un dossier concernant la faillite de la compagnie aérienne Euralair qui aurait accordé des vols gratuits au couple Chirac, et de l'affaire des faux listings de la société Clearstream.
Les deux principaux syndicats de magistrats pensent que l'audition de Jacques Chirac serait procéduralement normale.
"Dans des institutions à connotation monarchique, s'en prendre à la personne du roi même si c'est un ancien roi c'est un peu tabou. Mais après, il y a le droit, et les juges sont chargés de l'appliquer", a dit à Reuters Helène Franco, secrétaire générale du Syndicat de la magistrature (gauche).
Le seul élément susceptible de l'empêcher techniquement serait une amnistie directe ou indirecte votée par la nouvelle majorité de l'Assemblée. Nicolas Sarkozy a démenti pendant sa compagne une information selon laquelle il aurait promis au président un effacement des poursuites dans les dossiers où les faits sont vieux de plus de dix ans.
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